AFFICHES D'AUVERGNE

Numéro

0010

Titre(s)

Feuille hebdomadaire pour la province d'Auvergne.

Le frontispice de 1779 a pour titre: Feuille hebdomadaire pour la Haute et la Basse Auvergne, contenant ce qui peut intéresser cette province. Par M. Chabrit, avocat. Celui de 1780: Feuille hebdomadaire pour la Haute et la Basse Auvergne, contenant tout ce qui peut intéresser cette province, et rédigée quant à la partie des sciences par M. Chabrit, avocat. Les années suivantes n'ont pas de frontispice.

Titre indexé

AFFICHES D'AUVERGNE

Dates, périodicité, privilège(s), approbation(s)

Fondée à Clermont-Ferrand le 7 octobre 1779 (n° 1). Dernier numéro connu, n° 14 du 24 avril 1790. Les numéros sont paginés à la suite, annuellement.

Hebdomadaire publié le jeudi (7 oct. 1779 – 8 nov. 1781), puis le samedi, la Feuille d'Auvergne ne paraît pas avoir été une entreprise prospère. 500 numéros paraissent entre 1779 et 1789, au lieu de 585. C'est à l'automne de 1781 que commencent ces irrégularités. Le numéro du 27 septembre (n° 8) ne compte que deux pages au lieu de quatre comme habituellement. Suivent les n° 39 et 39 bis des 4 et 11 octobre. N'étant pas parue les 18 et 25 octobre, la Feuille reprend le 1er novembre (n° 40). Ces années 1781 et 1782, l'imprimeur a si peu de copie qu'il lui arrive à quatre reprises de distribuer des numéros de trois pages imprimées seulement, la quatrième étant blanche. Après la mort du troisième rédacteur en août 1783, il publie successivement trois numéros de quinzaine, de 4 p. chacun: n° 33 (23 et 30 août), 34 (6 et 13 sept.), 37 (4 et 11 oct.). La formule lui paraît bonne, puisqu'il continue les années suivantes: cinq numéros de quinzaine en 1784, quatre (1785), trois (1786), trois (1787). six (1788). Même en 1789, la Feuille compte encore six numéros de ce genre: n° 6 (7 et 14 févr.), 9 (7 et 14 mars), 19 (23 et 30 mai), 30 (15 et 22 août), 39 (24 et 31 oct.), 44 (5 et 12 déc). L'imprimeur diffuse parfois des numéros de 6 p. Très nombreux en 1780 (seize), ils se raréfient cependant beaucoup par la suite: quatre en 1783, à peine un ou deux les autres années. Quatre Feuilles ont même 8 p.: 1779 (deux), 1780 et 1787. Pour 1787, il s'agit d'un numéro édité pour trois semaines, le n° 48 des 15, 22 et 29 décembre. Sans vergogne, l'imprimeur s'excuse de ce retard démesuré: «Le retard qu'on a éprouvé dans la distribution de la Feuille d'avis, a été nécessairement occasionné par l'impression du procès-verbal de l'Assemblée provinciale d'Auvergne. MM. les abonnés sont priés d'y avoir égard». Au total, il a ainsi économisé près de 300 pages, n'en ayant publié que 2080 sur les 2340 (585 x 4 p.) qu'il devait à ses lecteurs, sans pour autant diminuer ses tarifs d'abonnement, les plus élevés pour une feuille hebdomadaire provinciale de 4 p.

Description de la collection

Sauf les nombreuses exceptions précédemment évoquées, la Feuille d'Auvergne est imprimée sur les deux colonnes de 4 p. in-4°. Il s'agit d'une demi-feuille de papier carré (format rogné 195 x 250), sauf entre le 1er juin 1780 et le 18 janvier 1781: le format, une demi-feuille de papier couronne, est alors plus petit (non rogné, 178 x 232). Pendant toute la durée de la Feuille, son décor est invariable. Au-dessus du titre étalé sur deux lignes, s'étend un long bandeau rectangulaire: dans ce cadre de guirlandes, deux petits médaillons et des palmettes entourent la numérotation. Sous le titre sont mentionnées entre deux filets horizontaux la ou les dates du numéro. Entre les 12 avril et 20 septembre 1783, vient s'ajouter au-dessous une épigraphe latine: Scire tuum nihil est, nisi te scire hoc sciat alter (Perse).

Édition(s), abonnement(s), souscription(s), tirage(s)

L'imprimeur de la Feuille, signe au bas de la dernière page de chaque numéro: «A Clermont-Ferrand, de l'Imprimerie d'Antoine Delcros, imprimeur du roi». Le 31 mai 1781, il ajoute son adresse, «rue de la Treille». A partir de cette date, la Feuille est soumise au visa du lieutenant général de police, Chamerlat, parfois remplacé par le «lieutenant particulier» Tixier ou bien par un assesseur, de Montorcier, voire par le «conseiller-doyen» Prévost. La municipalité semble avoir voulu exercer elle aussi la censure. Le 31 décembre 1783, le procureur du roi dénonce «la Feuille hebdomadaire de cette ville du 27 du présent, fausse et injurieuse à la dignité du Corps de ville». Il s'agit d'une querelle de préséance, à propos du compte rendu des festivités qui eurent lieu à Clermont-Ferrand à l'occasion de la paix. La municipalité se plaint au garde des sceaux en lui envoyant un exemplaire du numéro incriminé, mais l'affaire ne paraît pas avoir eu de suites (F. Mège, p. 48-49).

Abonnement: 8 £ à Clermont-Ferrand, 10 £ pour le reste du royaume. Les irrégularités de sa périodicité, les plaintes de l'imprimeur, la rareté des annonces, tout indique que la Feuille d'Auvergne ne fut pas une grande réussite économique. Dès le 28 décembre 1780, Delcros, qui déclare «perdre à cette entreprise», projette de l'abandonner en octobre 1781, date du renouvellement annuel des abonnements. Le 9 août 1781, le rédacteur insiste: «Il faut pour que l'imprimeur ne perde point, que le rédacteur n'en soit pas pour son papier, ses plumes et son encre, il faut, dis-je, 240 abonnés [...] Si le nombre d'abonnés, que nous venons d'indiquer ci-dessus, n'est pas complet au 1er octobre prochain, il n'est pas possible que nous continuions cette entreprise, où le sieur Delcros perd considérablement. Et l'on rendra chez cet imprimeur, à chaque souscripteur, le montant de sa souscription, au terme que nous venons d'indiquer». Et le rédacteur de poursuivre en détaillant les frais de la Feuille 1770 £ au total (Feyel, art. 2). Voilà qui explique la suspension d'octobre 1781.

Fondateur(s), directeur(s), collaborateur(s), contributeur(s)

1770-mai 1780: le fondateur de la Feuille d'Auvergne est un jeune avocat, Pierre CHABRIT, né à Parent, près de Vic-le-Comte en 1747. Malgré tous ses efforts, il se heurte à la méfiance des élites clermontoises, peu soucieuses d'encourager sa spéculation. Il a beau proclamer qu'il ne s'occupe que de «sciences», et nullement de la gestion mercantile de sa Feuille, en l'occurrence les annonces, il ne parvient pas à désarmer l'hostilité du Barreau de Clermont qui refuse de l'accueillir. L'élite sociale de cette vieille capitale provinciale, n'admet pas les Affiches, annonces et avis divers, cette presse nouvelle qui se veut «utile», surtout consacrée à la vie économique de la cité. Le 10 février 1780, le malheureux Chabrit est forcé d'admettre qu'il n'a pas été encore admis au Barreau, disgrâce qu'il attribue à la mort du bâtonnier, mais dont il faut évidemment voir la cause ailleurs. Il finit par abandonner la Feuille au début de mai suivant: il annonce son retrait le 4 mai 1780.

Juin 1780-février 1783: son successeur, Anne-Pierre de VERDAN, originaire du Forez et ancien officier des haras du roi, est établi à Clermont, «sa patrie depuis plus de vingt ans» et demeure rue du Port. Il ne paraît pas avoir été beaucoup mieux accueilli que Chabrit: «Qu'une plume plus agréable et plus intéressante se présente, et je quitte avec plaisir la carrière [...] Si j'ai eu quelque succès, je l'ai payé bien cher. Les entraves que certaines gens ont voulu me donner, tout ce que l'on a employé pour nuire à cet établissement dont l'avantage sera mieux senti lorsqu'il n'existera plus, les malignes interprétations, la quantité de lettres anonymes et injurieuses qui me sont journellement adressées, sont bien capables de me dégoûter» (28 déc. 1780). Après avoir relancé la Feuille, il finit par se retirer à la fin de février 1783.

Mars-août 1783: Guillaume-Antoine FRESSANGES, né en 1719 et originaire de Montferrand, est avocat et il se qualifie lui-même «d'ancien échevin d'honneur» (22 févr. 1783). Il insiste beaucoup plus sur la littérature et les bouts-rimés de toutes sortes, mais il n'a pas le temps de donner sa mesure puisqu'il meurt le 4 août 1783.

Selon Mège, Verdan aurait repris la Feuille après la disparition de Fressanges. Cependant, on peut en douter. Tout indique au contraire que l'imprimeur s'occupe seul désormais de la Feuille, notamment son peu de souci pour la régularité hebdomadaire: les numéros de quinzaine se multiplient après la mort de Fressanges, lorsqu'il n'y a plus de rédacteur pour remplir ponctuellement les colonnes. En revanche, il est possible que de Verdan ait repris la Feuille en 1789, notamment à partir de juillet (le 27 juillet et le 8 août, le rédacteur, s'exprimant à la première personne du singulier, rend compte des événements parisiens et se fait l'écho de la grande peur inspirée par les «troupes de brigands»). Gêné par la pusillanimité de Delcros, qui était aussi imprimeur de l'évêque, il se serait retiré de la Feuille pour aller fonder le 26 janvier 1790, le Patriote d'Auvergne, imprimé chez Beaufils, rue Saint-Genès (Mège, p. 76-79).

Contenu, rubriques, centres d’intérêt, tables

Contrairement à beaucoup de ses consœurs provinciales, la Feuille d'Auvergne contient très peu d'annonces (biens à vendre ou à louer, demandes particulières, etc.). On retrouve là toutes les difficultés de Chabrit et le refus de la société cler-montoise de s'exprimer de cette façon. Et pourtant, elles étaient explicitement prévues par le prospectus: «Avis particuliers. Cette partie la plus minutieuse de notre feuille ne sera pas la plus inutile. On y verra d'abord quels biens, quels objets seront à vendre, à affermer, etc.; quelles demandes seront faites; quels actes se trouveront exposés, pour la purgation des hypothèques, dans les principaux sièges de la province, à Riom, à Clermont, à Aurillac, à Saint-Flour, etc. On sent combien de voyages et de surprises pourront épargner ces détails». Si dans les premiers numéros de 1779, les annonces, très peu nombreuses, occupent la première place en première page, elles émigrent en deuxième ou troisième page à partir de 1780. La rubrique prend alors le titre «d'Annonces adressées au Bureau». Par la suite, elle disparaît et l'une ou l'autre annonce est insérée au hasard de la mise en page, mais toujours en dehors de la première page. S. Labare a dénombré les quelques ventes de terres annoncées. Leur chiffre est bien faible, comparé à ce que l'on peut trouver dans les Affiches d'Orléans, de Rouen, de Metz, etc.: 11 annonces en 1779, 8 (1780), 8 (1782), 6 (1784), 6 (1785), 5 (1786), 7 (1787), 7 (1788), 6 (1789). Pour recevoir ces annonces, Chabrit avait prévu en 1779, une série de Bureaux qui prendraient aussi les abonnements, à Riom, chez l'imprimeur Martin Dégoutte, à Aurillac, chez l'imprimeur Antoine Viallanes, à Saint-Flour, chez le libraire Lallemant. Le prix de chaque avis était de 8 s., payés «au commis préposé, dans chacun des Bureaux, pour les inscrire et les donner à l'impression». Ces Bureaux ont-ils jamais existé autrement que sur le papier? En novembre 1781, on trouve plus commode d'utiliser la poste. Le tarif est alors fixé à 12 s. «pour chaque avis, signé et envoyé, franc de port».

Si les annonces sont peu nombreuses, l'imprimeur avait cependant une autre source de profit dans les publicités commerciales. Ces «avis divers» – ainsi les appelle-t-on dans les autres feuilles provinciales – sont beaucoup plus répandus dans les colonnes de la Feuille d'Auvergne: des publicités pour des produits (pharmacie, librairie), mais aussi pour des services (médecins et chirurgiens, collèges et pensions, cours de physique, etc.). Les rubriques de service ont une importance démesurée grâce à la «Conservation des hypothèques» des «sénéchaussées d'Auvergne et de Clermont-Ferrand»: imprimée en petits caractères, elle peut parfois occuper jusqu'à cinq colonnes. Une fois par mois, la Feuille publie sur une colonne les «Cours des grains et des fourrages», à Clermont-Ferrand, Riom, Issoire, Brioude, Saint-Flour, Aurillac et Mauriac; la série présente d'ailleurs des lacunes: pendant l'été 1783, en déc. 1785, en 1786 (avril-oct.), 1787 (févr.-oct.), 1788 (avril-nov.), 1789 (janv.-août). Dernière petite rubrique de service, les numéros gagnants de la «Loterie royale de France», quelques lignes seulement. Il ne reste donc pas beaucoup de place pour le contenu proprement rédactionnel.

Le prospectus de Chabrit propose un ambitieux programme et découpe en quatre secteurs le champ rédactionnel: les «mœurs, la législation, la jurisprudence», «l'agriculture», le «commerce et avis généraux», les «sciences et arts». Pendant toute la durée de la Feuille, les articles de législation et de jurisprudence furent à peu près constamment présents: arrêts du Conseil d'Etat, considérations de jurisprudence empruntées à des ouvrages spécialisés ou à d'autres feuilles périodiques. Par exemple: «Cause jugée au Parlement de Grenoble. Les héritiers d'un notaire sont-ils responsables des nullités qu'il a commises?» (3 déc. 1785). Fort honnêtement, Chabrit s'efforça de remplir son programme en insérant quelques articles d'économie et d'agriculture. Il garda trop peu de temps la rédaction pour épuiser cette veine. De Verdan place son travail sous les auspices de la Société littéraire de Clermont devenue Académie des sciences, arts et belles-lettres en 1780 et rend compte de sa séance du 25 août (7 sept. 1780). Par la suite, la Feuille ne s'occupe plus de l'académie clermontoise. Entre janvier et décembre 1782, le rédacteur donne une série de notices sur les célébrités qui illustrèrent Clermont ou l'Auvergne, depuis le Moyen Age jusqu'au XVIIe siècle. Avec Fressanges, la Feuille se remplit de pièces de vers et de petits jeux, charades ou logogriphes. Chaque année, une ou deux fables versifiées permettent d'évoquer de manière plaisante des sujets très sérieux: le bon gouvernement, les dangers de la ville, l'éducation des femmes, la bonne philosophie, etc. A côté des habituels «fabricants d'idées» comme cet intéressant médecin de Billom, Avinent, qui donne plusieurs fois son avis sur les grandes questions médicales du moment (comment se préserver de la foudre, les dangers et les bienfaits du magnétisme, les causes d'une «maladie épidémique» sévissant dans la paroisse de Mezel, l'impéritie des chirurgiens), la Feuille sait aussi informer sur les événements les plus dramatiques de l'actualité locale: quelques correspondants envoient de véritables petits «reportages» sur des grêles catastrophiques (Clermont et Brioude, juillet et août 1782, juillet 1789), trois éboulements de terrain en 1783 (à Ardes, près de Clermont, en mars, à Saint-Eustaize, dans l'élection de Clermont, en mai, près de Besse, en juillet), etc. Lentement, ici comme ailleurs, l'actualité se fait une place à côté des débats d'idées.

Localisation(s), collections connues, exemplaires rares

B.M.U. Clermont-Ferrand, A 65007 (Réserve), deux volumes reliés, 1779-1785 (y compris le prospectus de 1779) et 1786-1790, portant l'ex-libris «H. Michel, avocat, Clermont-F.». Entre les pages de garde du premier volume est inséré un cahier manuscrit de douze pages où le premier propriétaire de la collection a rédigé une table des «articles méritant d'être cités», un index des «grands hommes d'Auvergne», la liste des rédacteurs, etc. Il manque dans ces deux recueils: n° 6 et 7 (11 et 18 nov. 1779), 19, 29 et 33 (11 mai, 29 juil. et 17 août 1780), 18 (3 mai 1783), 6 (17 févr. 1787), 9 et 30 (7-14 mars et 15-22 août 1789), et tous les numéros de 1790, sauf n° 14 (24 avril); A 65007 (bis), n° 26 (10 juil. 1784); A.D. Puy-de-Dôme, 8. BIB.447 (13 juin 1789).

Bibliographie

Mège F., Les Journaux et écrits périodiques de la Basse-Auvergne (département du Puy-de-Dôme): notes pour servir à une bibliographie de l'Auvergne, Paris, 1869. – Labare S., La «Feuille hebdomadaire pour la province d'Auvergne», 1779-1789, mém. de maîtrise, Institut d'histoire, U. Clermont-Ferrand, 1977, 137 p., plus les annexes. – Feyel G. (art. 1), «La presse provinciale française dans la seconde moitié du 18e siècle: géographie d'une nouvelle fonction urbaine», dans La Ville et l'innovation, Paris, Editions de l'EHESS, 1987, p. 89-111. – Feyel G. (art. 2), «Négoce et presse provinciale au XVIIIe siècle, méthodes et perspectives de recherches», article à paraître aux Editions de l'EHESS.

Auteur

Date indexée

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