LES DÉPÊCHES DU PARNASSE

Numéro

0344

Titre(s)

Les Dépêches du Parnasse, ou la Gazette des savans.

Titre indexé

DÉPÊCHES DU PARNASSE

Dates, périodicité, privilège(s), approbation(s)

1er septembre 1693 – 5 juin 1694. 4 numéros. L'existence d'un cinquième numéro reste douteuse1.

Ni privilège ni prospectus connu.

Périodicité annoncée: «de 15 en 15 jours» (t. III, p. 48). En fait, seuls les deux premiers numéros, datés des 1er et 15 septembre 1693, semblent l'avoir respectée. La date du n° 3 (1er oct. 1693) ne correspond pas à la réalité, car un contretemps avait «retardé considérablement l'impression de cette troisième Dépêche» (t. III, p. 48). Après une «suspension un peu longue» (t. IV, p. 7), le périodique fut relancé avec la même périodicité bimensuelle, les dates de parution étant alors fixées au 5 et au 18 du mois (t. IV, p. 5). Mais on ignore si cette annonce fut tenue, car le n° 4, daté du 5 juin 1694, est le dernier qui se soit retrouvé.

Description de la collection

Quatre «dépêches» soit numéros, de 48 p. chacun. Format in-12, les trois premiers numéros étant composés chacun de deux cahiers de 24 p., le n° 4 de quatre cahiers de 12 p.2, 76 x 134.

Illustration: en frontispice de la «quatrième dépêche», une gravure sur bois imprimée en pleine page dans le sens de la hauteur représente «Le Courrier Du Parnasse», cavalier coiffé d'un grand chapeau et tenant une feuille à la main, dont le cheval ailé s'élance sur les flots, tandis qu'au bord du rivage, à l'ombre d'un bosquet, des musiciens habillés à l'antique jouent de la viole de gambe et de la harpe.

Édition(s), abonnement(s), souscription(s), tirage(s)

«Ce Journal s'imprimoit à Genève: mais comme les Libraires de Lyon le contrefaisoient à mesure qu'il paroissoit, celui de Genève fut obligé d'en discontinuer l'impression». Cette assertion de Pierre Desmaizeaux3, reprise notamment par Moréri et par l'abbé de Claustre4, n'est pas facile à contrôler. On ne connaît aujourd'hui que deux collections des Dépêches du Parnasse, qui sont identiques et dont les pages de titres sont entièrement dépourvues d'adresse, mais portent en revanche une marque d'imprimeur. La vignette au griffon qui orne le titre des trois premiers numéros s'apparente à celle que Paul Heitz5 avait relevée sur une impression genevoise de Jacob Stoër datée de 1600. La marque au nuage et à la sphère céleste qui figure sur le titre de la «quatrième dépêche» est analogue à celle que Louis-Catherine Silvestre6 avait relevée sur une impression lyonnaise de Jean Huguetan datée de 1577. Ces rapprochements cependant sont peu convaincants. La révocation de l'Edit de Nantes avait fait passer les Huguetan de Lyon à Amsterdam et de l'imprimerie à la finance7. A Genève, la lignée des imprimeurs Stoër semble avoir périclité dès 1680 avant de s'éteindre en 17018. Une recherche systématique faite dans les impressions genevoises des années 1691-1696 conservées à la B.P.U. de Genève a donné des résultats négatifs: sur aucune des 40 pages de titre examinées ne figurait ni l'une ni l'autre des deux marques utilisées par les imprimeurs des Dépêches du Parnasse.

Que la publication ait été rapidement contrefaite, en revanche, l'Avertissement publié à la fin du n° 3 l'atteste, qui explique le retard de ce numéro par «un petit contretems de Contrefaçon qui faisoit de la peine au Libraire9». L'examen du matériel typographique démontre d'autre part que la «quatrième dépêche» ne sort pas du même atelier que les trois premières10. Non content de relancer les Dépêches du Parnasse, le nouvel imprimeur se proposait d'ailleurs d'y ajouter «aussi le Journal de l'Europepour satisfaire la curiosité de tout le monde11»

On ne trouve dans les numéros conservés aucune indication sur le prix de vente, ni sur le nombre des abonnés, ni sur le chiffre du tirage.

Fondateur(s), directeur(s), collaborateur(s), contributeur(s)

Le fondateur et seul auteur des Dépêches du Parnasse est le pasteur, professeur de belles-lettres, futur bibliothécaire et publiciste genevois Vincent MINUTOLI12. Même si le nom de Minutoli n'apparaît nulle part dans le périodique, cette attribution, connue déjà des contemporains13, ne fait aucun doute. Vincent Minutoli semble avoir travaillé seul, mais il convient de rappeler qu'il comptait au nombre des correspondants réguliers et assidus de Pierre Bayle14.

Contenu, rubriques, centres d’intérêt, tables

L'Avertissement placé en tête du premier numéro présente les Dépêches du Parnasse comme un organe de pure information littéraire: il s'agit de procurer «de bonne heure» au public «des Nouvelles de Literature qui auront uniquement pour but la satisfaction des savans», et cela «absolument sans prendre parti, et sans rien prononcer du tout»; l'auteur promet en outre de recueillir les meilleurs «de ces petits ouvrages qui se donnent en Cartes volantes, et qu'un bel Esprit a très bien nommés des Pièces Fugitives (t. I, p. 5-6).

En fait, chaque «dépêche» est divisée en «articles» (de longueur très variable, puisque la première n'en a que trois, tandis que la deuxième en compte seize). Ces articles font alterner l'annonce ou la recension des livres et des périodiques15 récemment parus en France, aux Pays-Bas, en Angleterre et en Allemagne (mais pas à Genève!), avec les nouvelles et les échos parfois scandaleux de la vie littéraire parisienne. Chaque «dépêche» apporte sa brassée en effet de «pièces fugitives»: épigrammes, chansons, «lampons», poèmes couronnés par l'Académie française, vers de circonstances, etc., sans oublier quelques textes en prose, tels que le «Parallèle de Corneille et de Racine», les lettres du roi Louis XIV et des cinq évêques au pape à propos de l'Infaillibilité, deux lettres de l'abbé de Rancé, etc.

La «Querelle des Anciens et des Modernes» est sans doute le principal centre d'intérêt. Les auteurs le plus souvent cités ou le plus longuement étudiés sont: Mme d'Aulnoy, Adrien Baillet, Pierre Bayle, Catherine Bernard, Boileau, Corneille, Jacques Du Rondel, Fontenelle, Thyrse Gonzalez de Santalla, Jacques Koulman, La Bruyère, La Fontaine, Simon de La Loubère, Eustache Le Noble, Locke, Jacques Marsollier, les Menagiana,Charles Perrault, Nicolas Pradon, Racine, Jacob Thomasius.

Aucune table des noms ni des matières.

Localisation(s), collections connues, exemplaires rares

Collection étudiée: Maz., Rés. 42184 (1). Autre exemplaire connu: Ars., 8° BL 19194 (incomplet du n° 1 et des 22 premières pages du n° 2).

Bibliographie

H.P.L.P., t. II, p. 256-257.

Pour les contrefaçons, voir ci-dessus, section 4.

Quelques mentions dans la presse du temps: Histoire des ouvrages des savans, févr. 1694, p. 276; Nouvelles de la République des Lettres (par Jacques Bernard), août 1701, p. 162-163; Nouvelles littéraires curieuses et intéressantes, 1723t. I, p. 4.

«Mélanges d'histoire littéraire. Articles IX», Paris, B.N., nouv. acq. fr. 22337, f° 361-369; [abbé André de Claustre], «Notice abrégée chronologique des principaux journaux tant français qu'étrangers», dans sa Fable générale des matières contenues dans le «Journal des savants» de l'édition de Paris, depuis 1665, Paris, Briasson, 1764, t. X, p. 664. – Watts G. B., «Vincent Minutoli's Dépêches du Parnasse, ou la Gazette des savants Publications of the Modern Language Association of America, 1926, t. XLI, p. 935-941. – Blaser F., Bibliographie der Schweizer Presse, Basel, Birkhäuser, 1956, t. I, p. 294. – Loche M., «Journaux imprimés à Lyon (1633-1794)», Le Vieux Papier, déc. 1968, fasc. 229, p. 6. – Mattauch H., Die literarische Kritik der frühen französischen Zeitschriften (1665-1748), München, Max Hueber, 1968, p. 300. – Candaux J.-D., «Les gazettes helvétiques, inventaire provisoire», dans L'Etude des périodiques anciens, Colloque d'Utrecht, Paris, A.-G. Nizet, 1972, p. 138-139.

Date indexée

1693
1694

Notes

1. L'abbé de Claustre écrit que «l'Auteur [...] discontinua son Journal après la cinquième Dépêche» et ajoute : «Le Volume qui les contient les cinq, et qui forme deux cens quarante pages, est recherché des Curieux». Mais aucun exemplaire de cette cinquième livraison ne s'est jamais retrouvé et Pierre Desmaizeaux (voir la note 3 ci-dessous) doutait déjà de son existence.

2. Tandis que les signatures, dans les trois premiers numéros, sont en chiffres arabes et vont jusqu'au sixième feuillet, dans le quatrième numéro elles sont en chiffres romains, figurent à tous les feuillets et sont structurées ainsi : A4, B2, C4, D2, E4, F2, G4, H2.

3. Voir [Pierre] Bayle, Lettres publiées sur les originaux, «avec des remarques par Mr Des Maizeaux», Amsterdam, aux dépens de la Compagnie, 1729, t. II, p. 540, note 2.

4. Louis Moréri, Le Grand Dictionnaire historique, Paris, Les Libraires associés, 1759, t. VII, p. 567 ; Claustre, op. cit.

5. Paul Heitz, Genfer Buchdrucker-und Verlegerzeichen im XV., XVI. und XVII. Jahrhundert, Strassburg, J.H.Ed. Heitz (Heitz et Mündel), 1908, p. 44-45, n° 149.

6. L.-C. Silvestre, Marques typographiques... des libraires et imprimeurs qui ont exercé en France, depuis l'introduction de l'imprimerie, en 1470, jusqu'à la fin du seizième siècle, Paris, P. Jeannet, 1853, p. 678-679, n° 1173.

7. Voir André-E. Sayous, «Le financier Jean-Henri Huguetan à Amsterdam et à Genève», Bulletin de la Société d'histoire et d'archéologie de Genève, 1936-1937, t. VI, p. 255-274.

8. Voir John R. Kleinschmidt, Les Imprimeurs et libraires de la République de Genève, 1700-1798, Genève, A. Jullien, 1948, p. 171-172.

9. La présence de cet Avertissement, il faut le relever, est un indice en faveur de l'origine genevoise du n° 3 tel qu'il s'est conservé en deux exemplaires. Remarquons encore que si l'impression des trois premiers numéros s'est vraiment faite à Genève, les dates de ces numéros doivent être conformes au calendrier genevois qui, à cette époque, retardait de dix jours sur celui de l'Europe catholique (A. Giry, Manuel de diplomatique, Paris, Hachette, 1894, p. 167).

10. Les bandeaux du n° 4 sont tout à fait différents de ceux des n° 1-3. La pagination du n° 4 est entre parenthèses rondes, alors que dans les n° 1-3, les chiffres des pages sont suivis d'un point (pratique rare !) et placés entre crochets carrés. Quant aux signatures, elles obéissent également à deux systèmes tout différents (voir la note 2 ci-dessus).

11. Si l'on parvient à retrouver ce Journal de l'Europe, on pourrait peut-être identifier l'imprimeur du n° 4 des Dépêches du Parnasse.

12. Sur lui, voir en dernier lieu la notice de D.P. 2.

13. Notamment de Pierre Bayle et de l'abbé Claude Nicaise (voir Lettres inédites adressées de 1686 à 1737 àJ.-A. Turrettini, publ. E. de Budé, Paris, Librairie de la Suisse française [etc.], 1887, t. II, p. 352).

14. Voir Elisabeth Labrousse, Inventaire critique de la correspondance de Pierre Bayle, Paris, J. Vrin, 1961, p. 381-383 et passim.

15. Dans sa dépêche du 5 juin 1694 (t. IV, p.17-21) Minutoli annonce notamment le Journal d'Amsterdam de Dartis, le Nouveau Journal des savans de Pierre Chauvin, le Boecksaal van Europa de Pierre Rabus (en flamand).