MÉMOIRES SECRETS 1

Numéro

0903

Titre(s)

Mémoires secrets de la République des Lettres ou le Théâtre de la vérité par l'auteur des Lettres Juives.

Titre indexé

MÉMOIRES SECRETS 1

Dates, périodicité, privilège(s), approbation(s)

1er juillet 1737-1748. Six tomes.

Périodicité annoncée: d'abord mensuelle (le 1er de chaque mois), puis, à partir de 1743, trimestrielle. Périodicité réelle: régulière les cinq premiers mois, la parution devient ensuite irrégulière; la 8e livraison est débitée en mai 1738, la 10e en novembre, les 11e et 12e en février 1739, la 13e, annoncée pour juin 1742, en mai 1743 (on y joint les douze premières livraisons). Les 14e, 15e et 16e livraisons paraissent en décembre 1743, les 17e, 18e, 19e au cours de l'année 1748.

T. I et II: 1737; t. III: 1738; t. IV: 1738-1739; t. V: 1743; t. VI: 1748.

Description de la collection

Les t. I-IV et le t. VI sont composés chacun de 3 lettres; le t. V, lui, en comprend 4. Les lettres sont elles-mêmes composées de plusieurs paragraphes numérotés.

T. I: Préface + 442 p. (Lettres I-III + table des matières). T. II: 431 p. (Lettres IV-VI + Lettre du marquis d'Argens touchant un livre intitulé Mémoires de Puineuf). T. III: Lettre VII, p. 435-580 + Lettre VIII, p. 583-753 + Lettre IX, p. 757-907. T. IV: Lettre X, p. 913-1072 + Lettre du marquis d'Argens à l'auteur des Mémoires secrets de la République des Lettres, p. 1073-1076 + Lettre XI, p. 3-202 + Lettre XII, p. 3-130. T. V: 318 p. (Lettres XIII-XVI) + Avis du libraire. T. VI: Lettre XVII, p. 3-98 + Lettre XVIII, p. 3-114 + Lettre XIX, p. 3-108.

Cahiers de 24 p. in-12, 77 x 132.

Édition(s), abonnement(s), souscription(s), tirage(s)

A Amsterdam, chez Jacques Desbordes (t. I-IV et Lettre XIII du t. V). A La Haye, chez Jean Néaulme (t. V [sauf Lettre XIII] et VI).

Fondateur(s), directeur(s), collaborateur(s), contributeur(s)

Jean-Baptiste de Boyer, marquis d'ARGENS.

Contenu, rubriques, centres d’intérêt, tables

Contenu annoncé: juger librement et impartialement les ouvrages des seuls grands hommes de la République des Lettres, tant anciens que modernes, et en signaler non seulement les beautés, mais encore les faiblesses et les défauts; souligner les oppositions qui existent entre les sentiments des meilleurs écrivains, voire les contradictions propres à un même écrivain; dévoiler les manœuvres, intrigues et cabales littéraires, détailler «certaines particularités qui regardent personnellement les savants» (Préface); tout cela non pour diminuer l'estime, le respect et la vénération que les auteurs célèbres ont légitimement acquis, mais pour détruire les préjugés, accoutumer à l'exercice du libre examen, faire régner la vérité – finalité si utile aux hommes et à la société.

Contenu réel: sont tour à tour traitées, à travers l'évocation de leurs principaux représentants anciens et modernes, les trois disciplines suivantes: – théologie (Lettres I-IV): défauts, inutilités, erreurs, contradictions, abus (notamment à propos des miracles et des prophéties); – philosophie (Lettres V-XII): règles de morale, problèmes de Dieu et de l'âme (son essence et son siège), questions de physique (principes généraux et physique expérimentale); – histoire (Lettres XIII-XIX): vie et œuvres des historiens grecs, qu'il s'agisse d'auteurs païens ou d'écrivains ecclésiastiques jusqu'au XIVe siècle après Jésus-Christ, avec rappel des jugements portés sur ces œuvres par les Anciens comme par les Modernes.

Principaux centres d'intérêt: un véritable «cours de philosophie ancienne et moderne» (t. IV, Lettre XII, p. 119) à l'occasion duquel sont effectués des rapprochements entre philosophes de l'Antiquité et philosophes modernes, soulignées les dettes de ceux-ci à l'égard de ceux-là et d'où évidemment n'est pas absent tout esprit de polémique; l'admiration sans réserve de l'auteur pour Bayle, Locke et Newton et l'ambiguïté de sa position philosophique (un déiste qui accorde tant de place à l'exposé de systèmes matérialistes...); une réflexion sur l'histoire véritable, distincte de la fable -ou de la satire- sur son importance et son utilité (l'histoire est une «philosophie du cœur et de l'esprit humain» toute remplie d'exemples), sur les devoirs de l'historien (impartialité, vérité...); d'une manière générale, une entreprise de démystification dans le cadre du combat mené contre les préjugés, les superstitions et les fanatismes.

Principaux auteurs étudiés: sont ici rassemblés les grands noms qui illustrent l'histoire de l'esprit humain: philosophes grecs (de Phérécyde à Plutarque) et latins (en particulier Lucrèce, Cicéron et Sénèque), historiens grecs (d'Hérodote à Nicéphore Grégoras), Pères de l'Eglise (d'Origène et Tertullien à saint Jean Damascène), philosophes du Moyen-Age (Avicenne, Averroès, Albert le Grand, saint Thomas...) et des temps modernes (de Montaigne et Francis Bacon à Voltaire en passant notamment par Gassendi, Descartes, La Mothe Le Vayer, Hobbes, Spinoza...), théologiens jésuites, jansénistes, réformés...

Table des matières intégrée au t. I.

Historique

Etabli en Hollande depuis 1735, d'Argens, encouragé par le succès des Lettres juives, décide de continuer à exploiter cette forme privilégiée d'expression qu'est pour lui la forme périodique et c'est à Jacques Desbordes, et non plus à Paupie (cf. D.P. 2, art. cit.), qu'il confie son nouveau périodique qui commence à paraître à peu près en même temps que les Lettres cabalistiques.

S'il se propose de composer un ouvrage de critique, il tient d'emblée à se différencier des autres journalistes (t. I, Lettre I, p. 5-6). Ceux-ci, en effet, qui sont loin d'être exempts de partialité, ne parlent d'ordinaire que des livres nouveaux et «donnent également des extraits des bons et des mauvais ouvrages». D'Argens, lui, souhaite un «tribunal» impartial et qui, sans s'attarder aux «auteurs subalternes», soit capable de déceler les fautes et les erreurs mêmes qui échappent aux grands hommes. «Mais où trouver des juges» qui soient «plus sages que les journalistes?», ainsi que le demandent les rédacteurs de la Bibliothèque française (art. cit.). A tout le moins d'Argens va-t-il s'essayer à ce rôle...

Les lettres qui paraissent en 1737 et 1738 ne sont pas passées inaperçues. Peut-être, comme le suggérera La Morlière dans Angola (Agra, 1746, p. 64), le titre en a-t-il d'abord imposé. Mémoires secrets: voilà un qualificatif bien propre à piquer la curiosité... Dès 1737, alors que la 5e livraison vient d'être débitée, la Bibliothèque française signale que l'ouvrage, comme «toutes les productions de cet ingénieux écrivain», est recherché «avec empressement» et, l'année suivante, elle consacre un commentaire élogieux à ce «livre de critique d'un goût nouveau» qui allie «l'esprit» à «la délicatesse de style». En novembre 1738, Voltaire, écrivant à d'Argens, va jusqu'à lui proposer ses services: «j'apprends que vous donnez une espèce de journal littéraire que Desbordes imprime. Je serai peut-être en état, tout reclus que je suis, de vous fournir de bons mémoires et ce sera de grand cœur» (Best. D1667).

Cependant, après la parution des 11e et 12e livraisons en février 1739, la publication est suspendue. Dans une lettre publiée précisément à cette date par la Nouvelle Bibliothèque (art. 4, p. 237-239), d'Argens fait part de ses ennuis de santé. Etant tombé malade, il se remet difficilement: «je ne puis travailler que très peu», écrit-il, «et je n'ose m'occuper beaucoup de crainte de ne reculer ma guérison». Néanmoins, si le périodique est alors interrompu, c'est sans doute essentiellement parce que d'Argens poursuit la rédaction des Lettres cabalistiques et des Lettres chinoises, et il semble bien qu'il ne se soit remis aux Mémoires secrets qu'après avoir quitté la Hollande et s'être installé en Prusse (juil. 1742).

Cependant Jacques Desbordes meurt (le 8 février 1743, Amsterdam annonce pour le 12 février et jours suivants la vente publique de tous les livres de feu Jacques Desbordes). Et c'est Jean Néaulme qui acquiert «le droit de copie» des Mémoires secrets avec tous les exemplaires qui restent (Avis du libraire, t. V). Néaulme a d'abord l'idée de «réduire en corps» les douze lettres publiées de façon détachée et compose ainsi quatre tomes. En décembre 1743, il fait paraître un 5e tome d'«une grosseur proportionnée» (c'est pourquoi ce tome comprend 4 lettres, XIII-XVI) et déclare son intention de continuer à débiter l'ouvrage par volume à raison d'un volume tous les trois mois. En réalité, le t. VI (Lettres XVII-XIX) sera donné en 1748... Mais, dès 1744, sont rééditées, à l'adresse «Amsterdam chez Néaulme», les lettres déjà parues auxquelles sont jointes non seulement les Lettres XVII-XIX, mais trois autres Lettres (XX-XXII) qui ne seront pas reprises en 1748. Dans ses Réflexions sur les disputes littéraires qui ouvrent la 5e édition des Lettres chinoises (1756), d'Argens laisse entendre que c'est la crainte de soulever manœuvres et cabales d'écrivains subalternes et aussi de corps illustres (Universités et Académies) non exempts de mauvaise foi qui l'a empêché de finir ses Mémoires et de consacrer plusieurs volumes aux auteurs modernes.

Pleins de recherche, sinon d'agrément - en dépit de la promesse initiale d'«égayer» les développements (t. I, Lettre I, p. 139) - les Mémoires secrets ont été jugés par certains contemporains comme un ouvrage d'érudition de seconde main. D'Aubert de La Chesnaye des Bois (Correspondance historique, philosophique et critique..., La Haye, t. I, 1737, p. 134) à La Morlière (op. cit.) en passant par «un certain Didrot», pour reprendre l'expression méprisante de la Lettre XIV des Mémoires secrets (t. V, p. 105), revient l'accusation selon laquelle d'Argens doit beaucoup à Bayle. C'est à peine, réplique le journaliste dans sa Lettre XIV, si l'on peut relever «huit ou dix citations de Bayle», d'ailleurs «inévitables», «parmi plus de cinq cents» prises directement «dans plus de deux cents auteurs anciens ou modernes». Déjà il confiait, dans sa lettre adressée à la Nouvelle Bibliothèque à propos de ce Traité de l'existence de Dieu et de l'immortalité de l'âme dont le titre pourrait être celui des Lettres V-XII des Mémoires secrets: «les seules citations m'ont coûté une année de lecture et de recherche».

De fait, qu'il s'agisse de l'exposé des systèmes philosophiques anciens ou modernes ou de la compilation relative aux historiens (et aux poètes, si l'on se reporte à l'édition de 1744), le périodique frappe par l'ampleur du savoir déployé, même s'il est sans cesse parcouru par l'esprit de polémique, et tend à apparaître comme une esquisse de l'histoire de l'esprit humain.

Tel est d'ailleurs le titre que retiendra d'Argens pour son ouvrage entièrement refondu de 1765-1768. L'Histoire de l'esprit humain ou Mémoires secrets et universels de la République des Lettres (Berlin, 14 vol.) n'est pas une simple réédition des Mémoires secrets, bien que les quatre grandes parties – théologie, philosophie etc. – se retrouvent et que les premières lettres soient tirées des Mémoires mêmes. L'œuvre répond à une conception élargie. D'Argens n'hésite pas à envisager les écrivains de toutes les nations et prétend constituer une véritable «bibliothèque universelle». Dans sa Préface, il déclare qu'il livre là le fruit de «quarante années d'une étude assidue». Développement extrême des Mémoires secrets en fonction de l'esprit philosophique d'un siècle soucieux de retracer la marche de l'esprit humain et d'en souligner les progrès.

Localisation(s), collections connues, exemplaires rares

B.N., Z 39562-39567. Autres collections: B.N., 8° Z 15137 (ex. en 7 vol. aux armes du marquis de La Vaupalière); B.M. Aix, C 6647; B.U. Strasbourg, A 100461.

Bibliographie

B.H.C., p. 59; H.P.L.P., t. II, p. 312-314; H.G.P., t. I, p. 294; D.P. 2, art. «Argens».

Signalons que les Mémoires secrets de la République des Lettres ont donné lieu, dès 1744, à Amsterdam, chez Néaulme, à une édition qui comprend 22 lettres et 7 volumes avec table intégrée au t. VII. Dans les Lettres XX-XXII, d'Argens poursuit la revue des historiens anciens (latins) et aborde l'étude de la poésie grecque et latine (épique, lyrique, dramatique, satirique...) et de l'art oratoire, n'hésitant pas à établir des parallèles entre écrivains de l'Antiquité et écrivains français (collections: B.N., Z Payen 734-740 et Z 12854-12860; Ars., 8° H 23657, 23658 et 23659 [1-7]; B.M. Bordeaux, B 9387).

Réédition à La Haye chez Jean Néaulme de la Lettre II (édition augmentée) en 1751, des Lettres III, IV et V en 1753.

Réimpression de l'édition d'Amsterdam, 1737-1744 (sic): Genève, Slatkine.

Mentions dans la Bibliothèque française (t. XXV, II, 1737, art. 11, p. 386-387; t. XXVI, I, 1738, art. 12, p. 188 et II, art. 4, p. 274-290); Bibliothèque raisonnée des ouvrages des savants, t. 19, juil.-sept. 1737, art. 11, p. 199-202; Amsterdam (4 juin, 2 et 9 juil. 1737; 21 nov. 1738; 10 et 13 févr. 1739; 5 déc. 1741; 14 mai et 13 déc. 1743), Mercure et Minerve (n° 5, 9 janv. 1738, p. 40 et n° 8, 21 janv. 1738, p. 64), Amusements littéraires moraux et politiques, mai 1738. – Johnston E., Le Marquis d'Argens. Sa vie et ses œuvres. Essai biographique et critique, Paris, 1928. – Molino J., Le Bon Sens du marquis d'Argens. Un philosophe en 1740, thèse dact, Paris IV, 1972 (t. II, chap. III et IV).

Date indexée

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1738
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