GAZETTE FRANÇAISE DE SAINT-VINCENT

0525
1788

Titre(s)

Gazette française de Saint-Vincent. Titre encadré avec en dessous l'indication de la date et du numéro.

Dates, périodicité, privilège(s), approbation(s)

Hebdomadaire publié le mercredi à partir du 12 mars 1788. Un volume par an. Le prospectus est daté du 9 février 1788.

Description de la collection

Le numéro paraît sur 4 p. à 2 colonnes, avec des suppléments occasionnels de 2 p. 180 x 280, in-folio. Pagination continue. Sans devise ni illustration.

Édition(s), abonnement(s), souscription(s), tirage(s)

A Kingstown, île de Saint-Vincent, de l'imprimerie de J. Berrow.

On s'abonne à Saint-Vincent, chez l'imprimeur ; à Roseau, île de la Dominique, chez Berrow et Galagher, imprimeurs ; à la Grenade, auprès de Mr Brewman, au bureau de poste ; à Tabago, chez M. Burnet, imprimeur ; à la Trinité, auprès de Mr Kelly ; et pour les îles françaises, auprès de M. Pierre, directeur de la poste au Fort-Royal, Martinique, et de M. Du Faure, négociant à Castries, île de Sainte-Lucie.

Le prix de l'abonnement annuel est de 41 £ 5 s. Les annonces et avis divers sont insérés au tarif «d'une piastre par paragraphe».

Contenu, rubriques, centres d’intérêt, tables

Dans leur prospectus, les rédacteurs de la Gazette de Saint-Vincent s'engagent à publier «les nouvelles politiques et de commerce [...] les plus récentes». Ils publieront également des «annonces et avis divers» et donneront «le tableau exact et suivi des navires qui entreront et sortiront de [la] rade [de Kingstown], une note des marchandises dont ils seront chargés et leur prix courant».

Le contenu réel du journal suit les grandes lignes du contenu annoncé. Principales rubriques : 1) Nouvelles politiques et commerciales extraites de différents journaux. 2) «Saint-Vincent» (nouvelles de l'île et des îles avoisinantes ; nouvelles provenant de sources particulières). 3) «Mouvement de la rade». 4) Prix courants (prix des denrées et marchandises importées ; prix des denrées coloniales). 5) Avis et annonces.

Localisation(s), collections connues, exemplaires rares

Collection consultée : A.N., Section Outre-mer, Recueil Colonies, 2e série, 30 / bibliothèque Moreau de Saint-Méry, 32, Prospectus, n°  I (12 mars 1788), II-VI (2 avril-30 avril 1788 ; p. 1-24).

Historique

Bien qu'officiellement déclarée «île neutre», Saint-Vincent, comme Sainte-Lucie ou la Dominique, passe tour à tour sous domination anglaise ou française tout au long du XVIIIe siècle. Possession anglaise à la suite du traité de Paris, elle est occupée en 1779 par le comte d'Estaing, lors de la guerre d'Indépendance américaine, puis rendue à l'Angleterre par le traité de Versailles de 1783.

Une grande partie des colons établis à Saint-Vincent étaient d'origine française, et c'est à eux qu'est d'abord destinée la Gazette française de Saint-Vincent qui commence sa publication au mois de mars 1788. Mais ses rédacteurs voudraient aussi étendre sa diffusion aux autres îles anglaises qui, comme la Grenade ou la Dominique, ont une importante population française, et même aux îles sous domination française. Pour conquérir ce dernier public, les rédacteurs du journal affirment avoir deux atouts : la possibilité, d'une part, d'offrir à leurs abonnés «les nouvelles les plus récentes» en raison du service régulier de «paquebots» qui relie l'Angleterre à ses possessions de la mer des Antilles, celles-ci ayant «l'avantage [...] de recevoir un Paquebot tous les quinze jours» – un service identique avait été institué en 1786 entre la France et ses colonies mais il sera officiellement supprimé en juillet 1788 ; le fait, d'autre part, que la censure et les lois sur la presse sont beaucoup moins sévères dans les possessions anglaises : «Un autre avantage plus précieux encore, est celui de pouvoir publier [ces nouvelles] sans réticence ; la liberté dont nous avons le bonheur de jouir ne connaît d'autre frein que celui de la décence et de l'honnêteté» (Prospectus). Cette relative liberté de presse avait déjà fait le succès de la Gazette des Petites-Antilles publiée à partir de 1774 à la Dominique alors possession anglaise. Jouissant de l'impunité, ce dernier journal ne ménageait pas les critiques à l'égard de la France et de son administration coloniale, et s'adressait en fait bien plus aux îles françaises, où il était lu avec avidité, qu'aux possessions anglaises de la mer des Antilles. Rappelant ce précédent dans leur Prospectus, les rédacteurs de la Gazette de Saint-Vincent tiennent à s'en différencier : «Cette Gazette ne sera point une suite de ces Libelles qui sous les noms de Gazette et de Courier des Petites-Antilles, déchiraient sans pudeur et sans choix les gens en place et quelquefois les simples particuliers [...], elle sera toujours utile et jamais nuisible. Si parfois nous y insérons des faits isolés et particuliers, ils seront de notoriété publique et par là même rentreront dans la classe des nouvelles générales» (ibid.).Malgré cette déclaration de principes, dès le n° V, dans un «Avis aux négociants du monde entier», les rédacteurs de la Gazette portent sur la voie publique un différend qui les oppose à un commerçant de Saint-Pierre, le sieur Le Deuffe (p. 20).

La Gazette de Saint-Vincent semble s'être heurtée dès le début à des difficultés de distribution et à des problèmes financiers, et il est possible qu'elle ait dû très tôt cesser sa publication. Le Deuffe, par exemple, que dénoncent les rédacteurs de la Gazette, était chargé de recevoir et de distribuer les exemplaires du journal à la Martinique, mais il refuse bientôt d'accepter les paquets qu'on lui envoie. Et si, comme l'annonçait le Prospectus, le premier numéro du journal paraît le 12 mars, le deuxième numéro n'est publié que le 2 avril, trois semaines plus tard, le «Sr Berrow n'ayant pas encore reçu un nombre suffisant de souscriptions pour l'indemniser des frais d'impression» (p. 4). Une autre source de revenu semble aussi faire défaut, si l'on en juge par la rareté des avis et annonces publicitaires insérés dans les numéros de la collection disponible.

Titre indexé

GAZETTE FRANÇAISE DE SAINT-VINCENT

Date indexée

1788

GAZETTE DE SAINT-DOMINGUE

0523
1764

Titre(s)

Gazette de S. Domingue. (Avec en dessous, en caractères plus fins, indication de la date : «Du mercredi...»).

Continué par : Avis divers et petites affiches américaines (n°  1 : mercredi 29 août 1764).

Dates, périodicité, privilège(s), approbation(s)

1er février 1764 – 8 août 1764. Permis d'imprimer : 10 janvier 1764, signé de Clugny de Nuis, Intendant de l'île de Saint-Domingue. Date du prospectus : 10 janvier 1764. Périodicité annoncée et réelle : hebdomadaire, paraissant le mercredi.

Description de la collection

Vingt-huit numéros, numérotés de 1 à 28, pagination continue (p. 1-228). Le numéro paraît sur 8 p., avec des suppléments occasionnels de 4 p., 170 x 220, in-4°. Sans devise ni illustrations.

Édition(s), abonnement(s), souscription(s), tirage(s)

Au Cap, de l'Imprimerie royale. Imprimeur : Antoine Marie, imprimeur breveté du Roi pour l'île de Saint-Domingue (Imprimerie royale).

Pour la première année (1er févr. – 31 déc. 1764), le montant de l'abonnement est fixé à 120 £ ; possibilité est donnée par la suite de s'abonner pour un mois (12 £) ou trois mois (30 £). Le journal est livré le mercredi matin au domicile des abonnés résidant au Cap ; ceux du reste de l'île le reçoivent au «bureau de la poste de leur quartier».

Coût d'insertion des «avis» : 6 £ (forfait) ; 3 £ pour les annonces concernant les «nègres marrons». Les «avis qui auront pour but principal l'utilité publique seront annoncés gratis».

Fondateur(s), directeur(s), collaborateur(s), contributeur(s)

Le journal est composé par MONCEAUX, avocat, procureur auprès du Conseil supérieur et Siège du Cap. Il y a des contributions occasionnelles de lecteurs, le plus souvent anonymes (noms mentionnés : Brevet, secrétaire de la Chambre d'agriculture de Port-au-Prince ; Chabaud ; Hogu, avocat ; Reverdy ; Ruotte, substitut du procureur général auprès du Conseil supérieur du Cap ; de Saligny).

Contenu, rubriques, centres d’intérêt, tables

Contenu annoncé : 1) «Le précis de ce qui s'imprimera en France relativement au commerce, à l'agriculture, à la navigation, aux finances et aux matières économiques, politiques et civiles» ; 2) Nouvelles extraites des «principales Gazettes de l'Europe et des Colonies Anglaises» ; 3) «Mémoires rendant compte des expériences faites en vue d'améliorer l'agriculture, le commerce et l'industrie» ; 4) Mémoires des Chambres d'Agriculture du Cap et de Port-au-Prince ; 5) «Toutes les nouvelles relatives à la Colonie, et notamment les Edits, Déclarations, Ordonnances ou Arrêts du Conseil d'Etat la concernant» ; 6) Les «événements extraordinaires» et «accidents considérables» qui «mériteront, par quelque degré d'utilité, l'attention du public» ; 7) «L'extrait des causes célèbres et singulières» jugées aux Conseils supérieurs du Cap et du Port-au-Prince ; 8) Les ouvrages en prose ou en vers qui «seront de peu d'étendue» ; 9) Annonces et avis divers.

Le contenu réel suit les grandes lignes du contenu annoncé.

Principales rubriques : 1) Nouvelles de France et d'Europe (choisies le plus souvent selon l'intérêt et l'utilité qu'elles peuvent présenter pour la colonie, mais aussi en fonction de leur disponibilité au moment de la mise en page) ; 2) Nouvelles de Saint-Domingue (nominations dans l'administration et à l'état-major ; déplacements et décès ; arrivées et départs des navires ; naufrages, actes de pirateries, tremblements de terre, inondations, etc.) ; 3) Publication des arrêts, décrets et règlements relatifs à la colonie ; 4) Articles et mémoires traitant de l'agriculture et du commerce dans l'île et des moyens de les améliorer ; 5) «Tarifs» (prix des marchandises de France à Saint-Domingue et des marchandises de Saint-Domingue dans les différents ports français ; tarifs des denrées dans les différentes parties de l'île ; cours du fret). Annonces et avis divers (nègres marrons ; successions ; ventes de biens et d'esclaves ; baux et fermages ; animaux et objets perdus ; passages sur les navires ; annonces publicitaires).

A l'occasion sont publiés de courts poèmes et des «petits vers» (épigrammes, inscriptions, logogriphes) d'auteurs locaux.

Principal centre d'intérêt : le développement du commerce et de l'agriculture dans l'île, que la Gazette de Saint-Domingue encourage par les rubriques et les articles de fond qu'elle y consacre.

Localisation(s), collections connues, exemplaires rares

B.N., 4° Lc12 17 (Prospectus) ; 4° Lc12 18 (collection complète).

Bibliographie

B.H.C, p. 69. – Moreau de Saint-Méry M., Description de l'Isle de Saint-Domingue,1797, rééd., Paris, 1984, p. 493. – Cabon A., «Un siècle et demi de journalisme à Haïti», Proceedings of the American Antiquarian Society, t. XLIX, avril 1939» p. 123-125. – Ménier M.A. et Debien G., «Journaux de Saint-Domingue», Revue d'histoire des colonies,t. XXXVI, 127-128 (1949), p. 424-475.

Historique

Payen, imprimeur et libraire du Roi, s'était installé en 1724 à Saint-Domingue, mais son entreprise échoua rapidement. Elle n'est reprise qu'en 1764, par Marie, qui établit cette année-là une imprimerie au Cap. L'année suivante est lancée la Gazette de Saint-Domingue dont le premier numéro date du mercredi 1er février 1764. L'intendant, M. de Clugny de Nuis, semble avoir lui-même encouragé et soutenu cette publication à ses débuts, mais très vite elle va inquiéter les autorités de la métropole. Ce qui anime en effet l'auteur, l'avocat Monceaux, et ceux que l'on devine derrière lui (les Chambres d'agriculture, les parlementaires, les grands colons), c'est le «zèle patriotique» (n°  7, 14 mars 1764). La Gazette de Saint-Domingue se veut un journal au service de la colonie : «Rendre [le] travail [des colons] plus fructueux en leur présentant les moyens fondés sur l'expérience, et adoucir les ennuis de leur solitude, en satisfaisant leur curiosité sur toutes les choses qui sont de nature à la piquer, sont les deux objets qu'on se propose» (Prospectus).

La Gazette de Saint-Domingue encourage le développement et le progrès économique de l'île par la publication d'articles traitant d'expériences et d'innovations en matières agricoles et industrielles qui peuvent avoir des applications locales, notamment dans les domaines de la fabrication de l'indigo, de la culture du coton et de celle de la canne à sucre, les ressources principales de l'île. Elle se veut également un journal communautaire. Servant d'organe de liaison entre les différents «quartiers» et établissements de l'île, elle cherche à susciter chez les colons le sentiment d'appartenance à une collectivité ; et elle s'efforce d'améliorer leur vie quotidienne par les informations, les renseignements pratiques qu'elle fournit, comme par la distraction qu'elle peut offrir. Une part réduite est consacrée à la littérature et aux beaux-arts, mais, si elle est avant tout préoccupée de l'essor économique de l'île, la Gazette de Saint-Domingue ne veut cependant pas les délaisser : «On se livre à l'urgent, ensuite au commode, enfin à l'agréable et même au superflu [...]. Une Colonie qui peut être considérée comme une des plus belles et des plus riches possessions de la France, ne peut être privée plus longtemps des Sciences et des Beaux Arts [...] ; elle n'acquerra le nombre d'habitants dont elle est susceptible [...] qu'autant que les Propriétaires trouveront autour d'eux au moins une partie des agréments qu'ils vont chercher en France» (n°  19, 6 juin 1764 ; n°  12, 17 avril 1764). L'aventure de la Gazette de Saint-Domingue sera cependant de courte durée : à la suite de pressions exercées par l'administration royale, sa publication cesse avec le n°  28 du 8 août 1764.

Si de nombreux Français ne séjournent à Saint-Domingue que le temps de faire fortune, d'autres, de plus en plus nombreux au cours du XVIIIe siècle, s'installent définitivement dans la colonie. Pour ces colons de deuxième ou troisième génération, la France devient peu à peu une terre étrangère et, à mesure qu'ils s'attachent à leur nouvelle patrie, ils supportent de moins en moins l'autorité et les contraintes de la métropole, sa bureaucratie, ses règlements et ses privilèges. Leur attachement à la colonie, leur désir de plus de liberté du point de vue économique et administratif, leur aspiration même à prendre en mains leur propre sort, se devinent à travers les articles de la Gazette de Saint-Domingue. Ce qui explique l'émoi de Versailles, inquiété depuis le début du siècle par une opposition plus ou moins larvée à son autorité.

La Gazette de Saint-Domingue sera remplacée dès la fin du mois d'août 1764 par les Avis divers et petites affiches américaines,dont le titre est significatif de la nouvelle orientation que l'on souhaite voir prendre au journal.

Titre indexé

GAZETTE DE SAINT-DOMINGUE

Date indexée

1764

GAZETTE DE LA MARTINIQUE

0518
1766
1793 ?

Titre(s)

Gazette de la Martinique,avec en dessous, en caractères plus fins, l'indication de la date. Numérotation en chiffres romains au-dessus du titre et de la date en encadré.

Dates, périodicité, privilège(s), approbation(s)

1766 – fin 1792 (au moins). Hebdomadaire paraissant le jeudi. Un volume par an.

Description de la collection

Le numéro paraît sur 4 p. à deux colonnes avec des suppléments occasionnels de 2 et parfois 4 p.

Cahier de 195 x 295, in-folio. Pagination continue pour chaque volume.

Au printemps 1791, la Gazette de la Martinique adopte la devise «La Nation, la Loi, le Roi» (n°  XVII, 28 avril 1791), mais celle-ci est abandonnée dès l'été. Sans illustrations.

Édition(s), abonnement(s), souscription(s), tirage(s)

A Saint-Pierre, de l'imprimerie de Pierre Richard, imprimeur du roi. En 1790, Pierre Richard est associé avec A. Bourne, en 1791 et 1792 avec Le Cadre.

Fondateur(s), directeur(s), collaborateur(s), contributeur(s)

Pierre RICHARD ; A. BOURNE (à partir de 1785).

Contenu, rubriques, centres d’intérêt, tables

Principales rubriques : 1) «Nouvelles politiques» ; 2) Saint-Pierre (nouvelles particulières ; nouvelles locales) ; 3) Avis du Gouvernement (ordonnances et règlements de la métropole concernant les colonies ou pouvant les affecter ; arrêts, avis, lettres circulaires, du gouverneur ou de l'intendant) ; 4) Avis divers (mouvement des navires dans les ports de la colonie ; avis de ventes de biens et de marchandises ; offres de services ; annonces publicitaires ; liste des esclaves marrons recherchés ou arrêtés, etc.) ; 5) Prix courant des marchandises de France dans la colonie ; prix des denrées coloniales ; tarif du fret.

Localisation(s), collections connues, exemplaires rares

Collections consultées : A.N., Section Outre-Mer, Recueil Colonies, 2e série, 30 / bibliothèque Moreau de Saint-Méry 32, 1784 (n° 1-6, 10-11, 16, 18, 20, 22, 26, 32, 37-38, 42), 1785 (n° 1, 3, 11, 14, 18, 25, 27, 29, 34, 38, 40, 42, 43), 1790 (n° 1-24), 1791 (n° 32, 36-38, 40-43- 46-47, 49). 1792 (n° 34, 41) ; Recueil Colonies, 2e série, 33 / bibliothèque Moreau de Saint-Méry 35, n° 17, 28 avril 1791 ; B.N., Fol L 12c. 16, 1788 (n° 25-51), 1789 (n° 2-21), 1790 (n° 1-7, 12-16).

Avant 1784, seuls quelques numéros isolés ont été retrouvés dans les dossiers d'archives : 21 août 1766 (Arch. de la Chambre de commerce, La Rochelle, n° 4705) ; Suppl., 28 janv. 1766 (A.N., C8A 68, f° 227) ; 29 oct. 1772 (A.N., C8B 13, f° 86) ; 3 févr. 1774 (A.N., C8A 73, f° 217) ; 10 nov. 1774 (La Rochelle, n° 4708) ; Suppl. 5 janv. 1775 (La Rochelle, n° 4710) ; Suppl. 16 mars 1775 (La Rochelle, n° 4711) ; 14 mars 1776 (A.N., C8A 75, f° 40) ; Suppl. 16 mai 1776 (A.N., C8A 75, f° 48) ; 1er mai 1777 (Public Record Office, Londres, C.O. 5/155).

Bibliographie

B.H.C., p. 70. – Ragatz L.J., A guide for the study of British Caribbean history, Washington, 1932, part XVI, «Foreign West Indian newspapers», p. 402. – Dorlodot A. de, «Les journaux des Antilles à l'époque de la Guerre d'indépendance américaine», dans Annales de la Fédération historique et archéologique de Belgique, 35e Congrès, Courtrai, 1955, p. 380-388.

Historique

Dès 1729, une imprimerie était établie à la Martinique. Le sieur Devaux reçoit cette année-là le privilège d'imprimer «les édits, lettres-patentes, déclarations, ordonnances, règlements, arrêts du Conseil Souverain, les factums concernant l'instruction des procès et les écrits approuvés par l'Intendant». A Devaux, succède Sinson de Beaulieu, puis Pierre Richard (S. Daney, Histoire de la Martinique, Fort-de-France, 1963, t. II, p. 352). Ce n'est cependant qu'en 1766, à l'initiative du marquis d'Ennery, nommé gouverneur de la Martinique au début de 1765, qu'est mis en place le système de poste qui va permettre d'assurer la distribution d'un journal. L'imprimeur Pierre Richard, auquel est confiée la direction de la Poste, commence la même année la publication de la Gazette de la Martinique. La plus ancienne livraison retrouvée, non numérotée, est datée du 21 août 1766. Elle est entièrement consacrée au compte rendu des ravages provoqués dans l'île par l'ouragan du 13 août 1766 (Arch., La Rochelle, n°  4705).

Journal «semi-officiel» publié sous le contrôle des autorités de l'île, la Gazette de la Martinique a une vocation avant tout utilitaire. Elle publie les textes officiels et fournit des informations et renseignements pratiques, avis légaux et commerciaux ou annonces publicitaires. Cette vocation pratique ne se borne cependant pas à l'utilitaire immédiat et quotidien. Diffusant l'information, facilitant les communications, la Gazette cherche aussi à aider au progrès de la colonie. Elle soutient ainsi les efforts de l'administration coloniale pour développer et diversifier l'économie de l'île par l'introduction notamment de nouvelles cultures (n°  XXV, LI, 1788 ; n°  V, VI, 1789).

Les articles et commentaires des rédacteurs, les contributions de lecteurs, sont rares, mais ils révèlent un souci partagé du «bien général de la colonie» et du «bien public» (Suppl., n°  I, 1775). La Gazette de la Martinique souligne par exemple, à la suite des différents ouragans qui ravagent l'île, les «traits généreux», les actes de «bienfaisance», les manifestations de «zèle et de sensibilité» (26 août 1766 ; n°  XLV, 1774 ; n°  XXXIV, 1788), ou elle fait l'éloge, à propos du procès et de l'exécution de marins mutinés, de la vertu et de l'éducation dont le rôle doit être de changer l'homme, de le «transformer vers le bien» (n°  XXIX, 1788). A sa lecture s'esquisse ainsi une «morale» du «bon citoyen» comme du «bon colon».

Les «Nouvelles politiques» que publie la Gazette de la Martinique sont extraites des journaux européens et américains. A la rubrique «Saint-Pierre», sont données les nouvelles de la Martinique et des îles avoisinantes, ainsi que les nouvelles provenant de sources particulières : correspondances d'affaires ou correspondances privées, rapports des équipages et des passagers des navires qui font escale dans les différents ports de la colonie. A cette rubrique, sont également parfois publiées des «Variétés», courtes anecdotes ou petits vers de circonstance (n°  X, XXVI, 1784 ; n°  XXXIV, 1785 ; III, XVIII, 1789).

Au fil des années, Pierre Richard semble s'être constitué un réseau important de «correspondances» avec les différentes îles des Antilles comme avec les Etats-Unis. Ce réseau aurait été «fort utile» lors de la guerre d'indépendance américaine par les renseignements qu'il fournissait au marquis de Bouillé, alors gouverneur de la Martinique (Daney, t. II, p. 352). Pendant cette guerre, la Gazette de la Martinique rend compte des opérations militaires et fait connaître le point de vue des «insurgents» grâce aux informations que lui fournit l'envoyé spécial du Congrès américain à la Martinique, William Bingham. Selon ce dernier, la Gazette de la Martinique aurait ainsi obtenu «the character in Europe of giving the most authentic détail of the military operation in America» (cité dans R. Alberts, The Golden voyage, p. 68, 459-460).

A partir de 1788, la Gazette de la Martinique accorde une place de plus en plus importante aux tentatives de réforme de Louis XVI : «l'éditeur de cette feuille, persuadé que les lecteurs, bons citoyens et toujours attachés à la mère-patrie, aimeront à fixer leur attention sur l'historique de la France, se fera un devoir de recueillir, avec le plus grand soin, tout ce qui pourra les intéresser, surtout relativement aux états-généraux et à la régénération qui se prépare» (n°  IV, 22 janv. 1789). Pendant la Révolution, la Gazette prend le parti de la «nation», des «lumières» et du «patriotisme», contre les tenants du «despotisme aristocratique» (n°  VII, 18 févr. 1790). Au début de 1790, elle est le porte-parole des «patriotes républicains» de Saint-Pierre alors en rébellion ouverte contre le gouverneur et l'Assemblée coloniale qui siège au Fort-Royal (Fort-de-France). Elle les défend notamment contre les «calomnies» du Préservatif des écrits modernes, publié à partir de la fin avril 1790, à Fort-Royal, par Jean-François Bazille –«Toujours dans les vieux principes, M. Bazille !» (n°  XIX, 6 mai 1790, p. 98-100).

La Gazette de la Martinique a continué à être publiée au moins jusqu'à la fin de 1792, et a sans doute continué à paraître au cours de l'année 1793. Au début de 1794, la Martinique est occupée par les troupes anglaises : Saint-Pierre se rend dès le 16 février, mais Rochambeau, enfermé dans Républiqueville (Fort-de-France), ne capitulera que le 25 mars. Dans les jours qui suivent cette capitulation paraît The Martinico Gazette and General Advertiser, qui est publiée en français et en anglais (A.N., C8A 104, f° 175). Après le traité d'Amiens de 1802, qui restitue la Martinique à la France, la Gazette de la Martinique reprend sa publication. Elle est alors imprimée à Saint-Pierre par Jean-Baptiste Thounens, l'ancien rédacteur et imprimeur de la Gazette de Sainte-Lucie (A.N., C8B 24, fo 52).

Titre indexé

GAZETTE DE LA MARTINIQUE

Date indexée

1766
1767
1768
1769
1770
1771
1772
1773
1774
1775
1776
1777
1778
1779
1780
1781
1782
1783
1784
1785
1786
1787
1788
1789
1790
1791
1792
1793

GAZETTE DE L'ÎLE BOURBON *

0511

Historique

Aucune trace de ce journal (s'il a existé), n'a pu être retrouvée. Les quelques mentions d'une «gazette de l'île Bourbon» que l'on peut relever dans les écrits du temps, ne semblent pas désigner un journal particulier portant ce titre, mais plutôt faire référence au seul journal alors publié dans les îles Mascareignes, les Annonces, affiches et avis divers pour les colonies des Iles de France et de Bourbon qui est publié à Port-Louis à partir de 1773 et au moins jusqu'en 1790. Ce n'est d'ailleurs qu'en 1792 que sera établie la première imprimerie de l'île Bourbon, rebaptisée île de la Réunion l'année suivante. En 1794, Louis Delsuc publie le premier journal de cette île, le Vrai Républicain ou journal politique et littéraire de l'isle de la Réunion,qui n'eut qu'une existence éphémère.

Titre indexé

GAZETTE DE L'ÎLE BOURBON *

GAZETTE DE LA GUADELOUPE

0510
1785  ?
1789  ?

Titre(s)

Gazette de la Guadeloupe.

Dates, périodicité, privilège(s), approbation(s)

Hebdomadaire, la Gazette de la Guadeloupe paraît le jeudi. Un volume par an.

Description de la collection

Le numéro est publié sur 4 et parfois 6 p., à deux colonnes, avec des suppléments occasionnels de 2 p.

Cahier de 195 x 295, in-folio. Pagination continue pour chaque volume.

Sans devise ni illustrations.

Édition(s), abonnement(s), souscription(s), tirage(s)

A la Guadeloupe (Basse-Terre), de l'imprimerie de la veuve Bénard, imprimeur du Roi. On pouvait s'abonner, en 1788, chez l'imprimeur et chez M. de Lacorbière.

Contenu, rubriques, centres d’intérêt, tables

Principales rubriques : 1) «Nouvelles politiques» (la section «Guadeloupe» donne les nouvelles de l'île et des îles avoisinantes ainsi que les nouvelles provenant de sources particulières) ; 2) Avis du gouvernement de la Guadeloupe ; 3) Avis divers (ventes de biens et de marchandises ; avis de départ ; offres de service ; annonces publicitaires, etc.) ; 4) «Maronages» (liste et description des esclaves marrons recherchés et arrêtés) ; 5) Arrivée et départ des bateaux dans les ports de la colonie ; 6) Prix des denrées et marchandises ; tarif du fret. En 1788, l'évolution de la situation politique en France et les efforts pour développer et diversifier l'économie de la Guadeloupe, sont les deux principaux centres d'intérêt de la Gazette.

Collections consultées : A.N., Section Outre-Mer, Recueil Colonies 2e série 30 / bibliothèque Moreau de Saint-Méry 32, 1788, n° 7-21 (14 févr. – 22 mai) ; B.N., Fol. Lc 12.13, 1788, n° 22-32 (29 mai – 7 août), 39-52 (25 sept. – 25 déc), 1789, n° 1 (1er janv.).

Bibliographie

B.H.C., p. 70. – Ragatz L.J., A guide for the study of British Caribbean history, Washington, 1932, p. 402. – Blanche L., Contribution à l'histoire de la presse à la Guadeloupe, Basse-Terre, 1935, p. 24.

Historique

On ne connaît pas avec certitude les dates extrêmes de publication de la Gazette de la Guadeloupe. Les collections conservées à la B.N. et aux A.N. ne comportent de numéros que pour les années 1788 et 1789, mais elle a sans doute commencé à paraître bien avant. Elle est en tout cas déjà publiée au début de 1785 (Gazette de la Guadeloupe, 1788, p. 97).

La première imprimerie de la Guadeloupe avait été établie à Basse-Terre en 1765. Selon les termes du brevet délivré à Jean Bénard le 28 juin 1764 et enregistré par le Conseil souverain de l'île le 23 mars 1765, celui-ci avait seul «le droit d'imprimer [...] les écrits [...] pour toute la Colonie». Il bénéficiait également du monopole de la vente de «toutes sortes de livres approuvés, gazettes et autres nouvelles publiques, imprimés et en manuscrits» (Blanche, p. 2). Le privilège concédé à Jean Bénard en 1765, sera transmis à son fils en 1778, puis à la veuve de ce dernier qui en est propriétaire en 1788. Quant au service de poste de l'île, il avait été également établi à la fin de 1765 ou au début de 1766, sous le gouvernement du comte de Nolivos (Dessalles, Histoire générale des Antilles, 1848, t. V, p. 476). Dès cette époque donc, étaient réunies les conditions matérielles nécessaires pour la publication et la distribution d'un journal. Il est probable que la Gazette de la Guadeloupe a commencé à être publiée dans les années qui suivent, et peut-être, à l'instar de la Gazette de la Martinique, dès 1766.

Comme la plupart des périodiques publiés aux colonies dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, la Gazette de la Guadeloupe a une vocation avant tout utilitaire. Journal «semi-officiel», elle publie les avis, lettres circulaires, arrêts du Gouverneur et de l'Intendant, comme les ordonnances et règlements de la métropole qui concernent directement les colonies ou qui peuvent les affecter. Elle s'efforce aussi d'améliorer la vie quotidienne des colons par les informations et renseignements pratiques qu'elle fournit, et à aider au progrès de la colonie en agissant, en quelque sorte, comme un catalyseur de l'activité. Dans le n° 45 du 6 novembre 1788, par exemple, sont publiées, à l'intention des «habitants cultivateurs de la colonie», des «instructions» sur de nouvelles cultures que l'on essaie alors d'implanter dans l'île, et les lecteurs sont à leur tour invités à faire part des observations et expériences qu'ils auraient pu faire et qui seraient d'utilité pour la colonie ; cf. également, par ex., «Questions sur les poissons à chair vénéneuse» (1788, p. 26-27) ; «Article Mécanique» (p. 41) ; «Questions de commerce» (p. 49-50) ; «Médecine» (p. 58). Etablissant ainsi des réseaux de communication, diffusant l'information, la Gazette cherche à stimuler la vie communautaire et à susciter «l'intérêt public». Les problèmes particuliers à la société coloniale, les antagonismes, les divergences d'intérêts, d'opinions ou d'aspirations qui y existent, ne sont cependant pas traités directement, sans doute en raison de la nature même du journal et de la surveillance étroite exercée par l'administration coloniale. Une des questions les plus importantes, celle de l'esclavage, est cependant abordée à l'occasion de la nouvelle de la création d'une société anti-esclavagiste à Londres. Commentant longuement cette nouvelle, le rédacteur, qui est probablement Lacorbière, un membre associé du Cercle des Philadelphes de Saint-Domingue, adopte une position similaire à celle du «célèbre défenseur de la liberté», l'abbé Raynal : une suppression graduelle de l'esclavage qui permettrait d'accorder les principes humanitaires de «l'esprit philosophique» aux réalités économiques et sociales des colonies (1788, p. 76-77).

Lien entre les différentes parties de la colonie, la Gazette de la Guadeloupe se veut aussi un lien entre celle-ci et l'extérieur. Certaines des nouvelles contenues dans la rubrique «Nouvelles politiques» qui ouvre le journal, proviennent de sources particulières : la nouvelle de l'incendie de la Nouvelle-Orléans est apportée par une corvette espagnole arrivée à Saint-Pierre, celle du retour de Necker par une lettre reçue de Bordeaux (1788, p. 109, 177) ; mais pour la plupart, ces nouvelles sont reprises des journaux européens et américains (celles contenues dans le supplément du 27 novembre 1788, par exemple, sont extraites de la Gazette de Leyde du 12 septembre précédent).

En 1788, la Gazette de la Guadeloupe accorde une place importante aux tentatives de réformes de Louis XVI. Son rédacteur, qui est acquis aux idées philosophiques, partage ce désir et cet espoir de «régénération de la nation» qui marquent les dernières années du règne. Il commente favorablement les textes des ordonnances réorganisant les administrations de la justice et des finances, textes qui doivent «intéresser tous les individus de l'Etat», se réjouit du rappel de Necker, «ministre vertueux et capable», ou de l'annonce de la convocation des Etats généraux, ce «bienfait que Sa Majesté accorde à ses Peuples» (1788, p. 119, 176, 191). Une large place est aussi accordée à l'édit de 1787 restituant aux protestants leurs droits civils, édit dont les provisions sont étendues aux colonies en 1788. La Gazette de la Guadeloupe prend parti en sa faveur, opposant à «l'intolérance» de certains membres du clergé comme l'évêque de La Rochelle qui a interdit aux prêtres de son diocèse d'obéir aux dispositions de l'édit, l'attitude de «simples curés au zèle plus éclairé» qui prêchent publiquement la tolérance et se mettent au service des «non-catholiques de [leurs] paroisse[s]» (1788, p. 61-64, 67-69, 104, 109 ; 1789, p. 3). Notons que le Conseil souverain de la Guadeloupe, trouvant que l'édit s'était arrêté en chemin, demandera dans un mémoire du 11 mai 1789 adressé au Roi, que plusieurs de ses dispositions soient étendues, et notamment que les catholiques soient autorisés à contracter mariage avec les personnes de la religion réformée (Lacour, Histoire de la Guadeloupe, 1855, t. I, p. 381).

Dans le numéro 25 du 19 juin 1788, après avoir annoncé la mort de Buffon, le rédacteur ajoute : «nous renvoyons au temps prochain de l'hivernage où la stérilité des nouvelles politiques nous permettra l'extension de l'éloge de cet illustre écrivain». Ce n'est en effet que pour suppléer à la rareté des nouvelles, notamment pendant la mauvaise saison (mi-juil. / mi-oct.), qu'apparaît la littérature. Pour la plupart, cependant, ces «articles de littérature» ne sont pas simplement choisis en fonction de leur disponibilité dans un «temps de disette des nouvelles politiques» (1788, p. 25). Un de ces articles traite par exemple de la dissertation de l'abbé Genty sur «l'influence de la découverte de l'Amérique sur le bonheur du genre humain». Dans cette dissertation, soumise à l'Académie de Lyon pour un prix offert par l'abbé Raynal, Genty soutenait notamment que «l'indépendance des Anglo-américains [était] l'événement le plus propre à accélérer la révolution qui doit ramener le bonheur sur terre», et que le développement des Etats-Unis «fer[ait] naître de proche en proche l'émulation et l'activité de toutes les autres Colonies du Nouveau Monde» (1788, p. 171-174). Le rédacteur de la Gazette de la Guadeloupe affirme ne donner cet «article de littérature» que pour «remplir le vide des nouvelles», mais le choix même de cet article est significatif et révélateur non seulement des intérêts et des convictions du rédacteur, mais aussi des idées qui sont alors débattues dans les colonies, lorsqu'on sait notamment que dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle les colonies de la mer des Antilles prennent conscience de leur différence et de leur spécificité «américaine» et que s'y développe un mouvement à caractère autonomiste qui va trouver une de ses sources d'inspiration dans le «modèle américain». Deux autres comptes rendus sont publiés à la fin de 1788, l'un analysant la réponse de Necker à Calonne, l'autre, rédigé par Jean-Marie Amic, médecin du gouvernement de la Guadeloupe, rendant compte d'une publication du Cercle des Philadelphes sur les «maladies epizootiques» dont est atteint le bétail (p. 117, 194). Tous deux se rattachent également aux deux principaux centres d'intérêt de la Gazette de la Guadeloupe en 1788, les réformes entreprises dans le royaume et le progrès de la colonie.

La publication de la Gazette de la Guadeloupe a sans doute cessé au cours de l'été 1789. A partir du 3 septembre de cette année-là, la veuve Bénard publie les Affiches, annonces et avis divers de la Guadeloupe (Ragatz, p. 401). Comme la Gazette, les Affiches sont hebdomadaires et paraissent le jeudi.

Titre indexé

GAZETTE DE LA GUADELOUPE

Date indexée

1785
1786
1787
1788
1789

GAZETTE DE LA GRENADE

0509
1779
1782  ?

Titre(s)

Gazette Royale de la Grenade, en encadré, avec en-dessous, en caractères plus fins, indication de la date («Du Samedi...»).

Dates, périodicité, privilège(s), approbation(s)

24 juillet 1779 – mai 1782 (?). Hebdomadaire paraissant le samedi. Les suppléments, de périodicité irrégulière, sont publiés le lundi suivant.

Description de la collection

Cahiers de 4 p. à 2 colonnes avec des suppléments occasionnels de 2 p., 230 x 325, in-folio.

Pagination continue. Sans devise ni illustrations.

Édition(s), abonnement(s), souscription(s), tirage(s)

Au Fort-Royal de la Grenade, chez Jean Cassan, imprimeur du Roi.

Fondateur(s), directeur(s), collaborateur(s), contributeur(s)

Le journal est probablement composé par l'imprimeur Jean CASSAN. Celui-ci sera par la suite en charge du service de poste de l'île.

Contenu, rubriques, centres d’intérêt, tables

Principales rubriques : 1) Nouvelles de Londres et de Paris. 2) Nouvelles maritimes ; mouvements et combats des flottes anglaises et françaises. 3) Nouvelles de la Grenade et des îles avoisinantes. 4) Proclamations, ordonnances, décrets, émanant du Gouverneur général et de l'Intendant ; comptes rendus des délibérations du Conseil souverain de l'île. 5) Annonces et avis divers (adjudications et appels d'offre ; ventes de biens et de marchandises ; nègres marrons ; offres de service ; passage sur les bateaux ; fret ; annonces publicitaires, etc.).

Localisation(s), collections connues, exemplaires rares

La collection consultée a été retrouvée à la William L. Cléments Library, University of Michigan, Ann Arbor. Incomplète, elle ne comprend que les numéros suivants : I (24 juil. 1779) ; II (31 juil.) ; III (7 août) ; IV (14 août) ; V (21 août + Suppl.) ; VI (28 août + Suppl.) ; VII (4 sept. + Suppl.) ; VIII (11 nov.) ; IX (18 août + Suppl.).

Bibliographie

Aucune mention dans les histoires de la presse.

Historique

Le 2 juillet 1779, vingt-cinq vaisseaux de l'escadre d'Amérique sous le commandement du comte d'Estaing, quittent Fort-Royal de la Martinique. Leur but : reconquérir la Grenade devenue anglaise par le traité de Paris de 1763. La petite garnison anglaise de l'île, surprise, se rend «à discrétion» dès le 4 juillet. Deux jours plus tard, l'escadre de l'amiral Byron tente de se porter au secours de l'île, mais, après de violents et sanglants combats, la contre-attaque sera repoussée par d'Estaing et Suffren. Après dix-sept ans d'occupation anglaise, la Grenade, où des colons français s'étaient établis dès le milieu du XVIIIe siècle, redevient française.

La Gazette royale de la Grenade, dont le premier numéro date du 24 juillet 1779, trois semaines après la reddition de l'île, prend en fait la suite de la Royal Granada Gazette qui paraissait chaque samedi à Saint-George's depuis 1765. Les annonces officielles et les avis divers seront d'ailleurs pour la plupart publiés à la fois en anglais et en français afin de rejoindre les deux communautés.

Publiée sous les auspices du gouvernement, la Gazette de la Grenade joue un rôle essentiel dans la période de transition entre l'ancien et le nouveau régime. Diffusant les ordonnances, décrets, avis, du gouverneur, le comte de Durat, et de l'intendant Lequoy de Mongiraud, elle sert d'organe d'information et de liaison entre l'administration qui s'installe et la population de l'île. On peut suivre, à travers ces textes, le processus d'établissement du nouveau gouvernement et se rendre compte des problèmes auxquels il doit faire face : remise en vigueur des «Lois, Coutumes, Usages et Jurisprudences qui sont en force et gouvernent les Isles Françaises du Vent de l'Amérique» ; réorganisation de l'administration de la justice et installation de «Cours de justice» pour les affaires civiles et criminelles ; établissement du «Siège Royal et Sénéchaussée» et d'un «Conseil Souverain» de l'île ; fixation du cours des monnaies et détermination des formes et taux d'imposition pour l'île ; expulsion des fonctionnaires et employés britanniques aussi bien que des «gens sans aveu ou sans propriété» ; nomination de «conservateurs» pour les «biens des Anglais absents» ; réquisitions et institutions de «corvées» afin notamment de fortifier les différents points stratégiques de l'île ; appels d'offre pour l'adjudication de «l'entreprise» des hôpitaux, la «boucherie du Roi», les diverses «fournitures» à l'armée et aux services publics ; organisation de la Poste, etc. Toute une série de mesures sont également prises pour empêcher le vol, le pillage et les «excès» auxquels pourrait se livrer la troupe, et interdire le marché noir entre les soldats et les habitants de l'île.

Aux avis officiels et informations pratiques, s'ajoutent, suivant leur disponibilité, des nouvelles qui, pour la plupart, se rapportent à la guerre franco-anglaise et plus particulièrement aux mouvements et opérations des escadres des deux pays. Une relation des combats qui ont conduit à la prise de la Grenade est incluse dans les n° I et II. Le n° IX contient un «précis du journal de l'expédition du chevalier de Pontevez sur la côte d'Afrique», expédition qui suit la reconquête du Sénégal par Vaudreuil et Lauzun en janvier 1779.

Les annonces et avis divers montrent que l'activité économique reprend peu à peu. Plusieurs commerçants anglais liquident leurs biens avant de quitter l'île, mais d'autres choisissent de rester comme le tapissier John Platt qui «fait avertir ses amis et le public en général qu'il se propose de continuer l'exercice de son métier». Et artisans et commerçants français, venant pour la plupart de Martinique, arrivent pour s'installer dans l'île. Renusson établit un commerce de «drogues tant simples que composées» et de «liqueurs fines» ; Dumont, venant de Saint-Pierre, ouvre un hôtel garni avec table d'hôte «à l'enseigne des Armes De France». Quant au «sieur Gady, ci-devant pâtissier du comte d'Estaing et maître d'hôtel du Gouverneur», il quitte le service pour s'établir traiteur et donner des leçons de cuisine et de pâtisserie.

La publication de la Gazette de la Grenade semble avoir continué au moins jusqu'en mai 1782 ; son existence est signalée à cette époque par Claude Blanchard dans son Journal de campagne de la guerre d'Amérique. La Grenade redeviendra anglaise en 1783, à la suite du Traité de Versailles.

A la lecture des premiers numéros de la Gazette de la Grenade, on peut se figurer le sort de ces îles de la mer des Antilles, et de leurs habitants qui, au cours du XVIIIe siècle, passent tour à tour sous domination française et anglaise au hasard des combats et des traités.

Titre indexé

GAZETTE DE LA GRENADE

Date indexée

1779
1780
1781
1782

GAZETTE DES PETITES ANTILLES

0496
1774
1776, 1778, 1784-1785

Titre(s)

Gazette des Petites Antilles,titre encadré avec en dessous l'indication de la date et du numéro.

A la fin de la deuxième année (t. II, n° 52, 2 juil. 1776), la publication de la Gazette des Petites Antilles cesse et est remplacée par celle de l'Observateur américain. Par la suite le titre est relevé à deux reprises, en 1778 et en 1784. Dans les deux cas, le journal publié se présente comme une «continuation» de la Gazette des Petites Antilles fondée en 1774.

Dates, périodicité, privilège(s), approbation(s)

5 juillet 1774 – 2 juillet 1776. Hebdomadaire publié régulièrement le mardi. Un volume par an.

Mercredi 15 avril-12 août 1778, avec une interruption de près d'un mois entre les n° 11 (24 juin) et 12 (22 juil.). Elle cesse de paraître avec le n° 15 du 12 août 1778.

Jeudi 25 novembre 1784 – 10 février 1785 (n° 11). A partir du n° 12, les livraisons ne sont plus datées et la parution devient très irrégulière. Certains numéros de cette dernière série portent un titre différent (Courrier extraordinaire de la Guadeloupe [n° 5] ; Courrier extraordinaire [n° 10, 13, 18] ; Courrier du cabinet [n° 12]), mais la pagination comme la numérotation des livraisons sont respectées.

Description de la collection

Le numéro paraît sur 4 p. à 2 colonnes, avec des suppléments occasionnels de 1 ou 2 p. Cahiers de 320 x 200, in-folio (1774-1776 ; 1778) ; 195 x 310, in-folio (1784).

Pagination continue pour chaque tome, sauf pour les suppléments qui sont paginés séparément.

Devises : Amicus Socrates, Amicus Plato, Magis Amica Veritas (1775-1776) ; «C'est au sein de la Liberté / Qu'on doit trouver la Vérité» (1784).

Sans illustrations.

Édition(s), abonnement(s), souscription(s), tirage(s)

A Roseau, île de la Dominique. Imprimeurs : Roger Jones (1774-1775 ; 1778) ; Charles Dunn (1775-1776) ; J. Berrow (1784).

La Gazette des Petites Antilles était largement diffusée aussi bien dans les îles anglaises où étaient établis des colons d'origine française, à Saint-Vincent ou à la Grenade par exemple, que dans les possessions françaises de la mer des Antilles. Elle avait notamment plusieurs dépositaires dans les deux îles qui encadrent la Dominique, la Guadeloupe au nord et la Martinique au sud. En 1774, par exemple, elle se vend chez Falques à Basse-Terre, Auffay à Pointe-à-Pitre, Enfanton et Berne à Saint-Pierre.

En 1784, le prix de l'abonnement annuel est de une moëde pour les Antilles, deux pour l'Europe. Selon le rédacteur, on pouvait trouver la Gazette des Petites Antilles, au début de 1785, dans les grandes villes portuaires, Nantes, Bordeaux, Marseille ; à Versailles, à la grille du château et devant les bureaux de la Guerre et de la Marine ; à Paris, au bureau du Journal de Paris, au café Conti et à la compagnie des Judes (1784, p.48).

Fondateur(s), directeur(s), collaborateur(s), contributeur(s)

REYNAUD ; Pierre-Ulrich DUBUISSON (1774-1776).

Contenu, rubriques, centres d’intérêt, tables

Principales rubriques, dans leur ordre de publication : 1) «Lettre à l'Editeur» ; 2) «Nouvelles des Isles» ; 3) «Correspondance ultérieure» (nouvelles d'Amérique et d'Europe) ; 4) «Articles miscellanes» ; 5) Avis divers ; 6) Prix courants (prix des principales denrées et marchandises importées ; prix des denrées de la colonie).

Localisation(s), collections connues, exemplaires rares

Collections consultées : A.N., ministère des Affaires étrangères, 258 B 9 : 5 juil. 1774 – 4 juil. 1775, 51 numéros, 201 p. ; 11 juil. 1775 – 2 juil. 1776, 52 numéros, 208 p. ; 15 avril – 12 août 1778, 15 numéros, 60 p. ; B.N., Rés. Fol. Nd 52 (1) et (2) : 1775-1776 (manquent n° 5, 44 et 48), 1784-1785, Prospectus, n° 2, 4-6, 8-15, 18, 20-23) ; Public Library, New York, 1784 (n° 1-9, 14, 19-26).

Bibliographie

Dorlodot A. de, «Les Journaux des Antilles à l'époque de la guerre d'Indépendance américaine», dans Annales de la Fédération historique et archéologique de Belgique, 35e Congrès, Courtrai, 1955, p. 380-388.

Historique

Passée sous domination anglaise à la suite du traité de Paris, la Dominique comptait de nombreux colons d'origine française qui s'y étaient établis au cours de la première moitié du XVIIIe siècle, alors que l'île jouissait officiellement du statut d'île «neutre». Après 1763, la plupart de ces colons restent à la Dominique, les clauses du traité leur garantissant la conservation de leurs droits et propriétés. C'est cependant moins à cette population française de l'île qu'est destinée la Gazette des Petites Antilles,publiée en français, à Roseau, à partir du 5 juillet 1774, qu'aux habitants des possessions françaises de la mer des Antilles : «notre feuille, soulignent à plusieurs reprises ses rédacteurs, est principalement consacrée à l'utilité des colonies françaises», et se veut «le fidèle dépositaire des événements qui peuvent [les] intéresser» (t. II, p. 81, 145, et passim. En fait, la Gazette des Petites Antilles profite de la «liberté anglaise» pour s'ériger en «censeur» des «opérations illicites [du] gouvernement oppresseur» des colonies françaises (t. I, p. 154 ; t. II, p. 131-132).

Selon l'auteur d'une note manuscrite en tête de la collection conservée au ministère des Affaires étrangères, la Gazette des Petites Antilles aurait été fondée par un «Français nommé Reynaud, négociant provençal réfugié à la Dominique», auquel aurait succédé «un autre Français, le Sieur D ... créole de la Martinique». Plusieurs indices nous permettent d'identifier ce dernier : il s'agit de Pierre-Ulrich Dubuisson qui n'était pas à proprement parler un «créole de la Martinique» (il est né à Laval en 1746), mais dont le père, médecin du roi, était venu s'installer au Fort Saint-Pierre en 1750.

Lecteurs de Raynal, de Voltaire, de Rousseau, les rédacteurs de la Gazette des Petites Antilles sont acquis aux idées philosophiques, et c'est en «Philosophes» qu'ils conçoivent leur rôle de journaliste. Pour eux, «l'écrivain périodique», quand il n'est pas simplement un entrepreneur soucieux avant tout de «remplir son papier d'une foule d'avis [payants]», ne doit être ni un compilateur qui se borne à «transcri[re] servilement deux ou trois journaux dont il copie jusqu'aux erreurs», ni un «simple narrateur» qui s'en tient «au récit décharné des faits» sans y ajouter d'«observations» (t. I, p. 46, 54, 100 ; t. II, p. 189). A une époque où «les progrès de la Philosophie [achèvent] d'éclairer les nations», le journaliste se doit de prendre un «vol plus haut», d'être ce «philosophe observateur» qui, animé de «l'amour de l'humanité et du bien public», parle «le langage de la vérité et du patriotisme» pour «combattre sans relâche les abus», «rompre la chaîne des injustices», travailler à l'édification d'une de ces «contrées fortunées où les droits du corps social, loin de nuire à ceux de chaque individu, n'ont de force qu'autant qu'ils en ont pour opérer sa félicité». Bien que publiée sous «le titre commun de gazette», la Gazette des Petites Antilles cherche à «s'ennoblir» en se voulant à la fois «un recueil exact d'observations philosophiques» et «un Monument élevé contre l'oppression, un dépôt précieux des justes réclamations qu'excitent les abus multipliés qui grèvent journellement les Colonies [françaises]» (t. I, p. 1-6, III, 154, 174 ; t. II, p. 1-2, 131).

Le contenu de la Gazette des Petites Antilles,les formes et l'organisation de son discours, reflètent cette conception du journal et du journalisme. D'entrée, en première page, un commentaire du rédacteur, ou, le plus souvent, une «lettre à l'éditeur» annotée et commentée, jouent en quelque sorte le rôle d'éditorial et permettent d'aborder les différentes questions politiques, économiques, sociales ou religieuses qui agitent la société coloniale. Ainsi sont tour à tour examinés, entre autres, les causes de la «décadence» de l'économie coloniale ; le système d'imposition en vigueur aux colonies ; le statut du «corps de la noblesse coloniale», celui des Chambres d'agriculture, des ordres religieux, des «milices», des «gens de couleur libres» ; la question de la «dette des colons», celle de la «caisse des nègres justiciés», celle de la liberté du commerce en regard des «lois prohibitives» de la métropole ; le problème de la traite, de l'esclavage et de la «contrebande des nègres» (passim).

En fin de journal, à la rubrique «Articles miscellanes», la satire vient relayer, alimenter ou égayer, la discussion d'idées. Elle est aussi le moyen de s'attaquer aux autorités politiques, militaires ou religieuses des colonies françaises, de révéler notamment au grand jour «les mystères suspects» de leur administration et de dénoncer la corruption, les abus de pouvoir, les «menées ténébreuses» de certains administrateurs, «petits tyrans subalternes» qui, une fois passé l'Equateur, exercent des «pouvoirs illégitimes» et agissent en véritables «ministres absolus de quelque despote asiatique» (t. I, p. 175 ; t. II, p. 2). «Philosophe attentif» qui médite sur l'homme et sur «la rotation des choses humaines», le journaliste est aussi «contraint par la vérité» d'être ce «petit baladin» qui fait «danser les marionnettes» afin d'«intimider l'oppresseur» et de secourir «la faiblesse qu'on opprime» (t. I, p.1 ; t. II, p. 4).

Dans le corps du journal, aux rubriques «Nouvelles des Isles» et «Correspondance ultérieure», l'information proprement dite, qui est rarement donnée telle quelle. Les rédacteurs l'introduisent, la commentent, prennent soin d'en indiquer le degré de crédibilité comme de la choisir et de l'analyser en fonction de l'intérêt qu'elle peut présenter pour les colonies de la mer des Antilles en particulier, et, plus généralement, pour ce «Nouvel Hémisphère» dont celles-ci font partie. La rubrique «Correspondance ultérieure», par exemple, consacre une large place à l'évolution de la situation politique en Amérique du Nord, la révolte des colonies américaines contre leur métropole, «révolution importante [qui] s'opère presque sous nos yeux [...] [et qui] a des rapports directs avec notre manière d'exister», ne pouvant laisser indifférent (t. I, p. 5). La Gazette des Petites Antilles reproduit à ce sujet des articles extraits aussi bien des journaux anglais que des journaux publiés par les insurgés américains, donnant par exemple le texte de l'adresse du général Washington appelant les habitants du Canada à «se ranger sous l'étendard de la Liberté» pour «s'opposer à la force et à la tyrannie» (t. II, p. 67). Les choix d'éditeur, comme les prises de position directes ou les attaques menées sous le couvert de la satire, concourent à ce que les rédacteurs de la Gazette des Petites Antilles considèrent comme le but essentiel de tout journal, d'«exciter quelquefois le lecteur à penser» et donc à agir (t. I, p. 1).

Dès le début, la Gazette des Petites Antilles semble avoir connu un grand succès : les premiers numéros, épuisés, sont réimprimés pour satisfaire les nouveaux abonnés qui en font une condition de leur souscription, et, par la suite, toujours pour répondre à la demande du public, une collection complète de la première année, «corrigée et augmentée», est mise en vente (t. I, p. 26 ; t. II, p. 96, 176). Ce succès est sans doute dû avant tout aux prises de position du journal et à ce rôle de «réparateur des torts», de défenseur de «l'humanité gémissante» qu'il veut jouer (t. I, p. 154, 175 ; t. II, p. 17, 131), mais aussi à la manière dont ses rédacteurs conçoivent leur métier de journaliste et notamment au désir de ceux-ci de faire de la Gazette des Petites Antilles un journal vraiment «colonial», non pas une «simple et tardive compilation d'événements politiques de l'autre Hémisphère», mais «un recueil exact d'observations philosophiques faites dans celui-ci, qui tendraient à détromper, instruire, rendre moins malheureux» les habitants des îles de la mer des Antilles (t. II, p. 1). La Gazette des Petites Antilles parle «le langage de la vérité» mais aussi celui du «patriotisme», et notamment de ce patriotisme colonial qui se fait jour dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle (t. I, p. 1 ; t. II, p. 17, 131-132, 186).

Largement diffusée dans les îles françaises où elle est lue avec avidité, la Gazette des Petites Antilles bénéficie de nombreuses correspondances en provenance de ces îles. Ses lecteurs se présentent comme «d'honnêtes gens amis de la vérité», comme des «patriotes sensibles», comme des «citoyens éclairés» qui, à une époque où «les vues basses sont de mode», refusent de sacrifier «l'intérêt général aux petites vues de quelques particuliers» (t. I, p. 137, 139, 162). Ils soutiennent le journal, l'encouragent («tout vrai citoyen ne peut que vous engager à continuer votre gazette : chaque feuille est une goutte d'eau qui, tombant de haut sur un rocher, doit à la longue y faire empreinte»), l'aident surtout en lui communiquant «tout ce qui se passe dans [les] îles françaises» (t. I, p. 89-90 ; t. II, p. 70). Il y a non seulement un intérêt commun mais aussi une solidarité dans la collecte de l'information, un désir partagé d'agir pour ce que l'on considère comme le «bien public», une conscience du pouvoir grandissant de «l'opinion publique» et de la presse : publier une lettre dans la Gazette des Petites Antilles, remarque un lecteur, est sans doute le plus sûr moyen de s'assurer qu'elle sera lue à Versailles (t. II, p. 138, 190). La quantité des informations publiées, leur nature, laissent d'ailleurs à penser que la Gazette des Petites Antilles profitait de complicités aux niveaux les plus élevés de l'administration coloniale. La collection conservée au ministère des Affaires étrangères était celle de M. Petit, juge à la Martinique, probablement ce Jacques Petit, juge royal à Saint-Pierre, dont le marquis de Bouille, gouverneur de la colonie, se plaint vivement dans une lettre au ministre du 11 juillet 1778, l'accusant d'être, avec le conseiller Erard, un «ennemi-né de la paix et du gouvernement» (A.N., Colonies, C 8A 77, f° 6).

La publication de la Gazette des Petites Antilles, son succès, ne pouvaient laisser indifférentes les autorités françaises. Tous les moyens ont été en fait mis en œuvre pour intimider puis pour faire taire le journal. La discussion (le président Tascher, intendant de la Martinique, écrit lui-même au journal pour réfuter certains arguments ; t. I, p. 27), la polémique par journaux interposés, font bientôt place aux «persécutions directes et indirectes de toutes sortes» : la distribution du journal dans les îles françaises est perturbée, sa lecture est publiquement condamnée en chaire et au Conseil supérieur de la Martinique ; des pressions sont exercées auprès de l'imprimeur, auprès des autorités anglaises de la Dominique, puis auprès du gouvernement de Londres pour que la publication du journal soit suspendue ; «les principaux marchands et habitants» de la Dominique demandent à leur tour au gouverneur de l'île d'interdire la publication, «par un étranger», de ce journal qui «contribu[e] à interrompre l'harmonie qui existe entre (le gouverneur de la Dominique) et les gouverneurs (des îles) français[es], et port[e] un notable préjudice aux négociants de cette île» (t. I, p. 122, 162, 198-201 ; t. II, p. 1, 84, 131-132, 149, 160).

A la fin de la première année, «ayant rempli ses engagements avec le public», l'imprimeur Roger Jones annonce qu'il cesse avec soulagement «la tâche honteuse» d'imprimer la Gazette des Petites Antilles. La publication du journal n'est cependant pas interrompue, ses rédacteurs ayant réussi à se procurer les services de Charles Dunn qui établit dans ce but une nouvelle imprimerie à Roseau. Les persécutions continuent et vont croissant : on passe des lettres anonymes, aux injures, aux menaces, puis aux voies de fait. Un tract circule à la Dominique et dans les îles françaises, promettant «la liberté à tout esclave [...], le congé à tout soldat, la grâce à tout déserteur, ou 300 moëdes à tout particulier [...] qui tuera [...] l'auteur du libelle périodique intitulé la Gazette des Petites Antilles», et par deux fois Dubuisson échappe à une tentative d'assassinat (t. II, p. 100, 131). Celui-ci ne désarme cependant pas, et si la Gazette des Petites Antilles cesse de paraître à la fin de la deuxième année, c'est pour être remplacée par l'Observateur américain, journal bimensuel que Dubuisson publie à Roseau à partir de la fin juillet 1776.

Deux ans plus tard, Reynaud entreprend la publication d'un «troisième tome» de la Gazette des Petites Antilles. Son plan reste celui adopté «à la naissance de [l'] ouvrage», avec cependant plus de «circonspection dans la critique et dans le choix des sujets», ceci afin d'éviter les «disgrâces» subies autrefois, mais aussi en raison de la situation internationale «orageu[se]». Alors que l'Angleterre est au bord de la défaite en Amérique et que la France se prépare à lui déclarer la guerre, le rédacteur promet de «respecter [les] opinions» de cette «nation généreuse et hospitalière» qui l'accueille ; néanmoins, ajoute-t-il, cette «déférence» aura de «justes bornes» : «exact à rendre compte des faits, nous ne supprimerons de réflexions que celles qui contrasteraient trop fortement avec les préjugés locaux». «Historien impartial», le journaliste doit être «aussi incapable de flatterie que de bassesse» (t. III, p. 1).

La Gazette des Petites Antilles de 1778 reste toujours avant tout «consacrée aux colonies françaises», et se donne pour tâche d'être à la fois «l'observateur attentif» de la «marche compliquée des corps politiques» et l'adversaire résolu de «l'intolérance», du «fanatisme», et de la «tyrannie» (ibid., et passim). Elle reprend les mêmes rubriques et garde les mêmes cibles : les injustices, les «exactions», les «turpitudes» des magistrats et administrateurs coloniaux ; le «cagotisme», «l'hypocrisie enfroquée» des autorités religieuses ; les «cerveaux bénins» des compilateurs des journaux publiés dans les îles françaises (t. III, p. 5, 14, 30, 33).

La publication de ce «troisième tome» de la Gazette des Petites Antilles est interrompue avec le numéro 15 du 12 août 1778, alors que la guerre est officiellement déclarée entre la France et l'Angleterre, et que le marquis de Bouillé attaque la Dominique qui se rend le 10 septembre. «Il n'a plus été possible alors de lui donner suite, note le juge Petit, à cause du ton de licence qui règne dans la critique [de ce journal], [ton] que les lois anglaises tolèrent, mais que nos mœurs proscrivent».

A la suite du traité de Versailles de 1783, la Dominique redevient possession anglaise. La Gazette des Petites Antilles qui paraît à partir du 25 novembre 1784, se présente également comme une continuation de celle publiée dix ans plus tôt : «le plan que le premier rédacteur avait adopté est le même que son continuateur se propose de suivre». Résidant «chez un peuple libre et idolâtre de la vérité», il n'aura à redouter ni les «censeurs» ni les «casuistes» en faisant usage de la «liberté de penser et d'écrire [...], pour examiner sans préjugés, discuter sans passions, poursuivre les abus en pardonnant aux erreurs et en ménageant les faiblesses qui rendent l'humanité plus intéressante» (Prospectus).

La défense des «droits de l'homme», l'«utilité» des colonies françaises et le désir de «mettre fin aux vexations et aux abus dont [elles] sont écrasées», restent toujours les buts essentiels que se donne la Gazette des Petites Antilles (ibid., p. 83). Prenant notamment fait et cause pour le sieur Légaux, un ancien directeur et receveur du domaine à Pointe-à-Pitre qui, à la suite d'une dispute avec les administrateurs de la Guadeloupe, s'était réfugié à la Dominique, elle mène une violente campagne contre le président de Foulquier, intendant de la Guadeloupe, qu'elle accuse de corruption et d'abus de pouvoir. Plusieurs numéros, publiés sous un titre différent et sans mention de date, de lieu ou d'imprimeur, sont en fait de véritables pamphlets dénonçant les «brigandages» du «daron» (l'intendant de Foulquier) et de ses complices qui ont entrepris de mettre en coupe réglée la colonie afin d'en tirer le plus de profit possible pour eux-mêmes : à la Guadeloupe tout maintenant s'achète et se vend, même «la permission de respirer» (p. 20). Foulquier contre-attaque par l'intermédiaire des Follicules caraïbes, journal dont il encourage la publication à partir de janvier 1785 (p. 86). Puis il prend des mesures pour empêcher la distribution de la Gazette des Petites Antilles dans les îles françaises, privant ainsi ce journal de la source la plus importante de ses revenus (p. 48, 84). Legaux, qui s'était enfui de la Guadeloupe en emportant avec lui plusieurs documents compromettants pour les administrateurs de l'île, ainsi que le rédacteur de la Gazette des Petites Antilles, sont menacés et échappent à plusieurs tentatives d'enlèvement et d'assassinat (p. 51, 87). Sans doute en raison de cette guerre ouverte avec les autorités françaises, les livraisons du journal paraissent sans indication de date, de lieu ou d'imprimeur, à partir du n° 12 (le n° 11 est daté du 10 févr. 1785). La publication de la Gazette des Petites Antilles devient alors très irrégulière, et semble avoir cessé à la fin de l'année 1785.

Alors que les journaux publiés dans les colonies françaises dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle étaient soumis à une surveillance étroite qui les empêchait d'exprimer ouvertement les problèmes, les antagonismes, les divergences d'intérêts, d'opinions ou d'aspirations qui existaient dans les sociétés coloniales, la Gazette des Petites Antilles a pu mettre à profit la relative liberté accordée à la presse par les lois anglaises pour être à la fois un lieu de discussion et le lieu d'expression de la contestation pour les habitants des colonies françaises. Se donnant pour tâche d'être cette «voix hardie qui dévoil[e], révèl[e], publi[e] tout» (t. I, p. 89), elle a permis et encouragé le débat d'idées aux colonies tout en menant un double combat : celui de la «Philosophie» dénonçant toutes les formes d'oppression et d'abus de pouvoir afin de «faire éclore les fleurs et les fruits de l'arbre de la liberté» ; celui des «colons» dont elle s'est voulu le porte-parole dans la lutte qui les opposait à une métropole et ses représentants accusés de ne considérer les colonies que comme «une éponge bien remplie qu'il ne s'agit que de presser» et de les tenir dans «une entière dépendance» afin de mieux en tirer profit (t. I, p. 72 ; t. II, p. 104). La publication de la Gazette des Petites Antilles témoigne de la diffusion des idées philosophiques aux colonies dans les années qui précèdent la Révolution, comme de l'opposition grandissante d'une grande partie des colons à la politique coloniale de la monarchie.

Titre indexé

GAZETTE DES PETITES ANTILLES

Date indexée

1774
1775
1776
1777
1778
1779
1780
1781
1782
1783
1784
1785

LE GAZETIER CUIRASSÉ

0484
1771

Titre(s)

Le Gazetier cuirassé ou anecdotes scandaleuses de la Cour de France.

Théveneau de Morande a publié la même année deux autres pamphlets qui se présentent comme des «suites» du Gazetier cuirassé : I) Mélanges confus sur des matières fort claires, par l'auteur du «Gazetier cuirassé , «Imprimé sous le soleil» (Londres, 1771, VIII-82 p.). 2) Le Philosophe cynique, pour servir de suite aux Anecdotes scandaleuses de la Cour de France «Imprimé dans une isle qui fait trembler la terre ferme» (Londres, 1771, XVI-XX p.). Dès 1771, ces deux suites sont publiées conjointement avec le Gazetier cuirassé, et elles sont par la suite le plus souvent incorporées aux rééditions du Gazetier cuirassé (M.S., 15 août 1771 ; cf. les rééditions de Londres, 1771, 1772, 1777).

Dates, périodicité, privilège(s), approbation(s)

Un volume in-8° de 154 p. avec errata, publié en août 1771.

Description de la collection

Planche frontispice qui représente «le gazetier vêtu en espèce de hussard, un petit bonnet pointu sur la tête, le visage animé d'un rire sardonique, et dirigeant de droite et de gauche les canons, les bombes, et toute l'artillerie dont il est environné» ; «les feuilles qui voltigent à travers la foudre au dessus de l'homme armé, sont des lettres de cachet, dont il est garanti par la seule fumée de son artillerie qui les empêche d'arriver jusqu'à lui ; les mortiers auxquels il met le feu sont destinés à porter la vérité sur tous les gens vicieux qu'elle écrase pour en faire des exemples» (M.S., 15 août 1771 ; avant-propos).

Édition(s), abonnement(s), souscription(s), tirage(s)

«Imprimé à cent lieues de la Bastille, à l'enseigne de la liberté» [Londres], 1771.

Fondateur(s), directeur(s), collaborateur(s), contributeur(s)

Charles THÉVENEAU DE MORANDE.

Localisation(s), collections connues, exemplaires rares

B.N., 8° Lb38 1270 (1).

Bibliographie

H.G.P., t. I, p. 188.

Historique

Connu pour être un «mauvais sujet d'académie», un «libertin dangereux» vivant d'«intrigues et d'escroqueries», Théveneau de Morande est enfermé à For-l'Evêque en février 1765, puis de nouveau en juin 1768, avant d'être transféré à la Maison des Bons-Fils d'Armentières : devant ses dépenses et ses excès, son père, notaire à Arnay-le-Duc, s'était finalement résolu à demander des ordres du roi contre lui (Archives de la Bastille, t. XII, p. 475, 479-484). Remis en liberté en juillet 1769, menacé à nouveau d'être arrêté pour escroquerie (ibid., t. XII, p. 489), Morande s'enfuit à Bruxelles, puis à Ostende d'où il gagne l'Angleterre. A Londres, où il s'installe, il fait bientôt partie de la petite colonie de réfugiés et d'aventuriers français qui se réunit d'ordinaire chez le libraire Boissière, l'un des animateurs de cette «fabrique de libelles» qui inonde alors l'Europe de ses produits (P. Robiquet, Théveneau de Morande, Paris, 1882, p. 61). Sans ressources, «pressé par la misère», Morande entreprend à son tour de vivre de sa plume et de faire «un métier du libelle» (Brissot, Mémoires, 1830, t. II, p. 177).

Le Gazetier cuirassé, qu'il fait paraître en août 1771, fut, selon lui, «conçu, écrit, copié, imprimé et publié en dix-sept jours» (Réplique à Brissot, par Robiquet, p. 25, note 1). «Gazetier» dans la mesure où il traite de l'actualité, «cuirassé» pour partir en guerre contre les «gens vicieux» qu'il veut écraser sous les coups de mortier de «la Vérité», Morande adopte pour son «ramas d'anecdotes», l'expression est de lui, une formule qui pastiche la forme de présentation des nouvelles dans les journaux et les «nouvelles à la main» de l'époque : les anecdotes, racontées en de courts paragraphes, sont mises bout à bout et réparties dans différentes rubriques : «Nouvelles politiques» (p. 13-72) ; «Nouvelles apocryphes» (p. 75-87) ; «Nouvelles secrètes» (p. 88-110) ; «Nouvelles extraordinaires» (p. 111-122) ; suivies des «Clefs des anecdotes et nouvelles» (p. 123-154).

Tout en affirmant mener son combat au nom de la vérité, le Gazetier cuirassé ne s'astreint pas à être vrai. Morande lui-même prévient son lecteur qu'il ajoute, «décore», que certaines des «nouvelles [qu'] il donne pour vraies sont tout au plus vraisemblables, et que dans le nombre même il s'en trouvera dont la fausseté est évidente» (p. 3). Les lois du genre, celles du pamphlet comme celles de la «chronique scandaleuse», aussi bien d'ailleurs que le profit financier escompté, expliquent ce recours à la «décoration», à la surenchère dans le piquant, le grossier, le scandaleux. «Philosophe cynique» comme il se nomme lui-même, Morande sait que le succès de sa publication ne peut être qu'un succès de scandale. Mais il est aussi animé d'une véritable rage destructrice contre un ordre social qu'il hait et dont il entreprend de révéler «les horreurs souterraines» ou d'embellir les «secrets de coulisse» pour mieux en saper les fondements. Dans la guerre sans quartier qu'il déclare à toutes les formes du «despotisme des gens en place», la fin servira de justification, si nécessaire, aux moyens employés.

La France dont le Gazetier cuirassé dresse le tableau, est un pays à la dérive, livré à l'arbitraire et à la violence : si on le fait «en secret et adroitement», le nouvel «usage du monde» permet de forcer, d'enlever, d'assassiner, et «on se pend, on se poignarde, on se brûle la cervelle en France plus fort que jamais», les rues et les «grands chemins royaux» étant d'autant plus infectés de «brigands» que «leurs chefs sont en place» (G.C., p. 17, 59, 67, 135). Le chancelier de Maupéou agit persuadé qu'un «état monarchique [...] est un état où le prince a le droit de vie ou de mort sur ses sujets, où il est le propriétaire de toutes les fortunes de son royaume, où l'honneur est fondé sur des principes arbitraires, ainsi que l'équité qui doit toujours obéir aux intérêts du souverain» (Mélanges, p. 2-3). Le duc d'Aiguillon prouve par sa conduite qu'«aujourd'hui un pair (de France) peut empoisonner, ruiner une province, suborner des témoins (impunément), pourvu qu'il ait l'art de faire sa cour et de bien mentir». La comtesse du Barry, «production monacale» éduquée sous les lanternes de Paris et au «séminaire du Palais-Royal», règne en «grande maîtresse» des «vestales» d'une cour où Mme Gourdan a un tabouret (G.C., p. 51, 57-58, 80, 137-140). Quant au roi, marionnette dirigée par ses vices et ses ministres, il n'a plus que «la liberté de coucher avec sa maîtresse et de caresser ses chiens» (p. 50) ; égarés, le sceptre et la main de justice viennent d'être retrouvés sur «la toilette d'une jolie femme appelée comtesse qui s'en sert pour amuser son chat» (Le Philosophe cynique, p. 43-44).

Pour Morande, despotisme, dégradation morale, perversion vont de pair, se suscitant et se renforçant l'un l'autre. La France n'est plus qu'un pays de prisons et de «maisons de plaisance», «magasins pour les menus plaisirs du roi» et des «grands», un pays gangrené à l'image de ses élites, des élites dégénérées et corrompues qui n'hésitent devant aucune cruauté pour conserver leur pouvoir ou leur vie (une machine permettant de pendre en série, rapidement et efficacement, vient d'être mise au point) ; et pour essayer de trouver un remède aux «petites inquiétudes de santé» qui rongent le roi et la noblesse, on expérimente à Bicêtre sur des «malheureux qui sont dans le même cas» et sur lesquels on fait des «essais [...] jusqu'à la mort inclusivement» (G.C., p. 74).

«Ouvrage de ténèbres», selon l'expression de Voltaire (Questions sur l'Encyclopédie, art. «Quisquis»), le Gazetier cuirassé ne respecte rien. Expression exacerbée d'une haine viscérale pour l'ancien régime et ses élites, il en entreprend la destruction systématique. Il «désacralis[e] ses symboles, [...] détrui[t] les mythes qui le légitimaient aux yeux du public», montre que «la maladie sociale qui pourri[t] la société française [a] sa source au sommet», afin de propager un «contre-mythe», celui du «despotisme dégénéré» (R. Darnton, Bohème littéraire et révolution, Paris, Gallimard, 1983, p. 30-31).

Dès sa publication, ce «pamphlet allégorique, satirique et licencieux» attire la «curiosité des amateurs», et l'édition clandestine qui en circule aussitôt en France, édition qui contient également les deux «suites» écrites la même année, les Mélanges confus sur des matières fort claires et le Philosophe cynique, se vend «fort chère» et est «très recherchée» (M.S., 10 août 1771). Dès la fin de 1771, «plusieurs ballots» d'une «seconde édition» imprimée à Genève, sont également introduits en France (Voltaire, Best. D17528, note 2). Succès de scandale, succès de librairie, le Gazetier cuirassé fait connaître Morande et l'enrichit, sa vente lui aurait rapporté plus de «mille guinées». Ce succès l'encourage à continuer dans cette voie et à tirer profit de la «spéculation sur les libelles», menaçant par exemple «certaines personnes opulentes [...] d'imprimer des anecdotes secrètes et scandaleuses sur leurs comptes si elles ne subiss[ent] pas la rançon qu'il leur impos[e]» (Brissot, t. II, p. 191 ; M.S., 15 avril 1774). Passé maître dans l'art de la rédaction et du «commerce» de pamphlets, s'enrichissant en vendant ses écrits ou son silence, Morande devient alors très vite l'un des libellistes les plus redoutés de l'ancien régime, comme le montrent par exemple les négociations menées par Beaumarchais au nom de la Cour pour racheter le manuscrit des Mémoires secrets d'une femme publique qui s'en prenaient à la comtesse du Barry (Robiquet, p. 54 ; D.P. 2, art. «Théveneau de Morande»).

Au début de la Révolution, un journal portant le titre de Gazetier cuirassé, et qu'il ne faut pas confondre avec le pamphlet de Morande, sera publié brièvement à Paris (1790, 12 numéros ; Walter, Catalogue de l'histoire de la Révolution française, Paris, 1943, p. 487). Son auteur, nouveau «Brutus», se donne pour tâche de «démasquer» de sa «plume patriotique» les «tyrans», les «traîtres» et les «scélérats aristocrates», et de «conjurer sur [leurs] têtes les malédictions des braves patriotes». «A qui devons-nous, remarque-t-il, le prodige de la révolution, si ce n'est à la plume [d']écrivains philosophes et intrépides» comme l'ancien «gazetier cuirassé» (p. 1, 9) ? Morande, lui, est toujours à Londres, et il ne rentre en France qu'à la fin du mois de mai 1791. Dès le début du mois suivant, il fait paraître l'Argus patriote (9 juin – 5 sept. 1791, 25 numéros ; Walter, 108), journal hebdomadaire qui, contre «le parti républicain» et «le parti aristocratique», va défendre, au nom de la raison et de la modération, le roi et le principe d'une monarchie constitutionnelle. Beaumarchais avait, il est vrai, réussi à transformer l'«audacieux braconnier» en un «excellent garde-chasse» (Robiquet, p. 54 ; D.P. 2).

Titre indexé

GAZETIER CUIRASSÉ

Date indexée

1771

FOLLICULES CARAÏBES

0480
1785

Titre(s)

Follicules caraïbes.

Dates, périodicité, privilège(s), approbation(s)

Les Follicules caraïbes sont publiés à partir de janvier 1785. Le prospectus est diffusé au cours du mois de décembre 1784 Gazette des Petites Antilles1784, p. 17-18, 86-87). Aucun exemplaire connu.

Édition(s), abonnement(s), souscription(s), tirage(s)

A Basse-Terre, île de la Guadeloupe.

Historique

A en croire le rédacteur de la Gazette des Petites Antilles (1784, p. 86), la publication des Follicules caraïbes aurait été encouragée par le président de Foulquier, intendant de la Guadeloupe, qui comptait se servir de ce journal pour répondre à la campagne menée contre lui par le «gazetier des Petites Antilles» qui l'accusait de corruption et d'abus de pouvoir. Rédigés par une équipe de journalistes (la Gazette des Petites Antilles parle de «24 coopérateurs», 1784, p. 17), les Follicules caraïbes se voulaient un journal aussi bien «utile» qu'«agréable» et contenaient une «partie littéraire» (ibid., p. 18). Sa publication a sans doute été très courte car, toujours selon la Gazette des Petites Antilles, les Follicules caraïbes songeaient déjà à «abandonner la partie» au début de février 1785 ibid.,87).

Titre indexé

FOLLICULES CARAÏBES

Date indexée

1785

EPHEMERIDES TROYENNES

0381
1757
1768

Titre(s)

Ephémérides Troyennes (avec en sous-titre, «Pour l'an de grâce ...»  ou «Pour l'année bissextile …», suivi de la date en chiffres romains).

Dates, périodicité, privilège(s), approbation(s)

Annuelles, les Ephémérides troyennes paraissent chaque année de 1757 à 1768. Un volume par an.

Description de la collection

12 volumes, 65 x 120, in-12 ainsi paginés : t. I-II-III : non paginés ; t. IV : 200 p. ; t. V : 222 p. ; t. VI : 243 p. ; t. VII : 226 p. ; t. VIII : 259 p. ; t. IX : 230 p. ; t. X : 186 p. ; t. XI : 191 p. ; t. XII : 212 p.

Devises : La devise adoptée en 1760, Spartam nactus es : Hanc orna, est remplacée en 1762 par une devise annuelle placée en sous-titre.

Illustrations : chaque volume des Ephémérides est accompagné d'une planche en frontispice ; de nombreuses vignettes et quelques planches hors-texte. Liste des planches en frontispice : 1757 : Plan par terre de la ville de Troyes ; 1758 : Vue de la façade de l'Hôtel de Ville de Troyes ; 1759 : Portail de la cathédrale de Troyes ; 1760 : Carte des environs de Troyes ; 1761 : Jubé de Saint-Etienne de Troyes ; 1762 : Portail de Saint-Martin-ès-Vigne de Troyes ; 1763 : Grille de Saint-Nicolas de Troyes ; 1764 : Jubé de Sainte-Madeleine de Troyes ; 1765 : Portail de Saint-Nicolas-au-Marché de Troyes ; 1766 : Porte des prisons de Troyes ; 1767 : (Planche identique à celle du vol. de 1760) ; 1768 : Portail de Saint-Frobert de Troyes.

Édition(s), abonnement(s), souscription(s), tirage(s)

Troyes. Imprimeurs : veuve L.G. Michelin, imprimeur du Roi, Grande Rue, Troyes (1757-1760). Michel Gobelet, imprimeur, Grande Rue, Troyes (1761-1768).

Libraires associés : Duchesne, libraire à Paris, rue Saint-Jacques, «Au Temple du Goût» (1758, 1760-1768) ; veuve Le Gras, libraire à Paris, au Palais, au coin de la galerie des Prisonniers, «A l'Image Notre-Dame» (1759).

Fondateur(s), directeur(s), collaborateur(s), contributeur(s)

Pierre-Jean GROSLEY, avocat, membre associé de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Quelques collaborations occasionnelles sous forme d'insertion de «Mémoires» (Noms mentionnés : comte de Rhinvillé ; Desmaret, inspecteur des manufactures de Limoges).

Contenu, rubriques, centres d’intérêt, tables

En publiant les Ephémérides troyennes, Pierre-Jean Grosley se propose de «servir sa patrie (Troyes) en la faisant connaître aux étrangers comme à ses propres concitoyens». Dans ce but il traitera notamment des «curiosités et singularités de la ville de Troyes» et insérera «chaque année [...] quelques Pièces Historiques ou Inconnues ou absolument Anecdotes» relatives à la ville. Pour continuer la tradition de «l'ancienne typographie troyenne», les Ephémérides seront également un almanach mais «un almanach particulier» de Troyes et un almanach dans lequel «les mouvements des corps célestes exactement calculés, quelques détails d'Histoire naturelle, une idée du Gouvernement Ecclésiastique, Civil et Militaire», remplaceront les «prédictions» et les «pronostications sur la pluie et le beau temps» d'autrefois (Avis, 1757-1758).

Les articles publiés de 1757 à 1768 se rangent sous quatre rubriques principales : 1) «Antiquités», «curiosités et singularités de la ville de Troyes» (description et évaluation des principales richesses artistiques de la ville) ; 2) Mémoires et «pièces relatives à l'histoire civile, ecclésiastique et naturelle de Troyes» (textes, certains en latin, choisis pour leur rareté et leur intérêt historique ou anecdotique) ; 3) Essais sur la vie et les ouvrages de Troyens célèbres ; 4) «Etablissements et entreprises utiles» (l'actualité troyenne et notamment des remarques et articles sur les moyens de développer l'économie de la région et d'améliorer la vie quotidienne de ses habitants).

Encadrant ces articles, se trouve la partie proprement «almanach» des Ephémérides, contenant une série d'informations et de renseignements pratiques, les uns généraux (calendrier avec indication de la position et du mouvement des astres ; fêtes mobiles ; saints ; saisons ; éclipses, etc.), les autres particuliers à la ville de Troyes (liste des fonctionnaires de l'administration royale ; paroisses et clergé du diocèse de Troyes ; échevins et conseillers de ville ; journal du Palais ; médecins ; arrivée et départ des courriers ; poste ; foires et marchés, etc.). Quelques avis et annonces publicitaires.

Principaux centres d'intérêt : Troyes, son passé et son avenir. Principaux auteurs troyens : Jean Passera (1762, p. 93-126) ; Pierre Pithou (1763, p. 117-144) ; le père Lecointe (1764, p. 165-195).

Pas de tables intégrées à la collection. Alphonse Roserot a établi une «Table de concordance entre l'édition originale et la réimpression de 1811», dans Mémoires de la Société de l'Aube, t. XXXIV, 1897, p. 229-242. La «Table onomastique des Ephémérides de Grosley», établie par l'abbé A. Prévost, dans Mémoires de la Société de l'Aube, t. LII, 1915, p. 285-321, renvoie à la réédition de 1811.

Localisation(s), collections connues, exemplaires rares

B.N., 8°Lc31. 543.

Bibliographie

Rééditions : Ephémérides de P.J. Grosley, éd. par L.M. Patris-Debreuil, Paris, 1811, 2 t. (réédition partielle et distribution différente des articles par rapport à l'édition originale).

Mentions dans la presse du temps : Bibliothèque impartiale, t. XVI, juil.-août 1757, p. 98-105 ; La Clef ou Journal historique sur les matières du temps, t. 85, janv. 1759, p. 38-39 ; t. 87, janv. 1760, p. 42-44 ; t. 89, mars 1761, p. 184-188.

Historique

Deux pamphlets ont été publiés contre les Ephémérides troyennes : Ramponides, s.l.n.d. [Troyes, 1761], et Lettre critique de M. Hugot, Maître Savetier, à l'Auteur des Ephémérides troyennes, s.l.n.d. [Troyes, 1762], attribués respectivement à Montroger et à J.B. Ludot. Grosley se justifiait déjà de certaines attaques dans sa Lettre à Monseigneur au sujet des observations sur l'almanac de Troyes, Troyes, 1757. – Mercure de France, 1812, p. 393-403. – Vie de M. Grosley, écrite en partie par lui-même, Paris, 1787. – Sainte-Beuve, «De l'esprit de malice au bon vieux temps», Revue de Paris, t. X, 1842, p. 145-169. – Dubois J., «Un savant champenois : Grosley», Mém. Soc. Aube, t. XXXVIII, 1901, p. 181-217.

En 1741, fuyant la «représentation» et les «entremangeries» des milieux littéraires parisiens Vie, p. 60), Pierre-Jean Grosley revient dans sa ville natale, Troyes, pour s'y établir définitivement. Une idée va désormais guider sa vie comme son œuvre, celle de la «patrie», au sens étymologique du mot. Aussi entreprend-il en 1757 la publication des Ephémérides troyennes  «L'objet de ce travail», écrit-il dans ses mémoires, «était d'intéresser mes concitoyens à leur patrie [...], de rendre hommage au mérite présent et passé, [et] d'ouvrir les yeux sur des entreprises utiles» (p. 171).

Se voulant un véhicule d'instruction locale, les Ephémérides troyennes s'attachent surtout à faire connaître l'histoire de Troyes et de sa région. Pour Grosley l'attachement au passé va cependant de pair avec l'amour du progrès. S'il rappelle les anciennes traditions, ou s'il fait revivre les faits et les hommes qui ont marqué dans le passé de la ville, c'est non seulement pour «mettre [les Troyens] au fait de leur propre histoire», mais aussi pour animer leur «zèle patriotique», les attacher à leur patrie afin de les intéresser à son avenir. Il faut lire «l'Histoire avec des yeux philosophiques», en tirer des enseignements pour mieux s'engager dans le présent.

Apologiste du «bonheur de province» (Vie, p. 86), Grosley supporte mal l'hégémonie politique et culturelle de la capitale. Influencé par les théories de Quesnay et de d'Argenson, il favorise la décentralisation administrative, la liberté économique, la renaissance des franchises locales, l'essor des régions. Ainsi, sous la rubrique «Etablissements et entreprises utiles», une rubrique de plus en plus importante à mesure que les années passent, est proposée toute une série de mesures destinées à promouvoir le développement économique de Troyes et de la Champagne : aménagement de la navigation de la Seine ; assèchement et mise en culture des terrains marécageux ; introduction de cultures secondaires (lin, coton) ; créations d'industries locales (filatures, tanneries, papeteries, etc.). Grosley favorise également la décentralisation culturelle, inventoriant les richesses artistiques de la ville pour susciter la fierté et l'émulation chez ses concitoyens, ou publiant, dans les Ephémérides de 1761, un «Vocabulaire troyen», lexique des mots et expressions en usage dans la région : «Pourquoi donc Vaugelas restreint-il le bon usage de la langue française à la manière de parler des meilleurs écrivains et des personnes polies de la Ville et de la Cour ?» (cité par Sainte-Beuve, p. 165, n. 1).

La publication des Ephémérides troyennes souleva beaucoup de remous à Troyes. Grosley fut dénoncé aussi bien comme un esprit rétrograde que comme un dangereux novateur, notamment dans deux pamphlets dirigés contre son périodique, les Ramponides et la Lettre critique de M. Hugot, Maître Savetier. Qu'il loue l'art gothique à une époque où on le méprise ou qu'il avoue préférer les rues étroites, pavées et tortueuses de Troyes aux nouvelles avenues proposées dans un projet de rénovation urbaine, on l'accuse d'être l'ennemi du bon goût et de «tout ce qui se fait de son temps» Vie, p. 208). Qu'il encourage au contraire le développement de l'artisanat local pour fournir de l'emploi aux vignerons et aux agriculteurs pendant l'hiver, remettant ainsi en cause les privilèges des Corps et «Communautés de fabricants», on lui reproche alors d'innover dangereusement en «dérang[eant] les paysans dans leur routine» Lettre, p. 42). A la fois en avance et en retard sur son siècle, Grosley dérange et heurte susceptibilités et intérêts locaux. Aussi, le 23 décembre 1761, tous les exemplaires des Ephémérides troyennes sont-ils saisis chez l'imprimeur et détruits. Puis, par sentence du lieutenant-criminel de Troyes, datée du 22 mars 1762, «défense est faite de continuer la publication, à tout imprimeur de l'imprimer, à tout libraire et colporteur de la débiter, à toutes personnes de qualité et de condition qu'elle fût d'en garder un seul exemplaire» Vie, p. 204). Le prétexte : la reproduction du portrait satirique d'un chanoine, œuvre d'un artiste troyen du XVIe siècle, qui fait notamment accuser Grosley d'être un «impie et un libertin» qui se moque des «mœurs et de la religion» Vie, p. 178, 183). Les critiques qu'en d'autres occasions Grosley a adressées aux jésuites, ses sympathies jansénistes comme ses amitiés «philosophiques», ont aussi sans doute joué un rôle dans l'interdiction des Ephémérides troyennes en 1761. Un nouveau privilège sera cependant obtenu la même année, et la publication reprend. Mais les «tracasseries» continuelles, les «petits intérêts, les petites vues et les petites passions» auxquels Grosley doit faire face, auront raison de son entreprise : il abandonne avec la livraison de 1768. Pour le «guerroyant philosophe» de Troyes, comme l'appelle Voltaire qui l'a reçu à Ferney, impossible d'être prophète dans sa propre patrie (Best. D8784).

Titre indexé

EPHEMERIDES TROYENNES

Date indexée

1757
1758
1759
1760
1761
1762
1763
1764
1765
1766
1767
1768