Attribuée, comme L'Ane littéraire (1761), tantôt à Jean-Etienne Le Brun de Granville, tantôt à Ponce-Denis Ecouchard Le Brun, La Renommée littéraire est vraisemblablement, comme L'Ane littéraire,le fruit de la collaboration des deux frères. Quoiqu'ils se refusent aux «promesses fastueuses» qui accompagnent d'ordinaire le lancement d'un journal et qui sont si rarement remplies, c'est bien cependant dans le noble dessein de juger «avec impartialité» et à l'appui de «règles» «sûres» (t. I, art. I, p. 5-6) que les auteurs de La Renommée littéraire recourent à la forme périodique. Forme pour laquelle ils ne cachent pas leur profond mépris (ils parlent d'«un misérable genre d'écrire», t. I, p. 7), mais, remarquent-ils, c'est «avec leurs propres armes» qu'il faut combattre «les partisans de l'erreur». Allusion évidente à Fréron et à ses «croupiers» – pour reprendre un mot de Voltaire (Best. D9888) – qui, ici, comme dans l'Ane littéraire,sont les cibles privilégiées de ceux qui se veulent les arbitres du goût et de la vérité et ambitionnent de faire... «un ouvrage périodique qui ne mérite pas ce nom» (t. I, art. XII, p. 226; cf. p. 6).
Dès le 26 décembre 1762, Bachaumont signale dans ses Mémoires ce nouveau journal. Il en apprécie le frontispice – l'idée est «gaie» et «judicieuse» – le style – «plein et naturel» – mais décèle un jugement qui n'est pas encore assez mûr ni totalement dégagé de préjugés. Un mois plus tard, le 30 janvier 1763, il précise quels en sont les auteurs (car La Renommée littéraire paraît anonyme): il s'agit de «Mrs. Le Brun», connus pour leurs démêlés antérieurs avec Fréron. Déjà, le 12 janvier, d'Alembert, écrivant à Voltaire, attribuait la paternité de cette «nouvelle feuille périodique» à «un certain Le Brun» à qui, ajoutait-il, «vous avez eu la bonté d'écrire une lettre de remerciements sur une mauvaise Ode qu'il vous avait adressée» (Best. D10906). D'Alembert, d'ailleurs, s'indigne de voir dans les premières livraisons, qui contiennent la «Réponse à l'Eloge de M. de Crébillon», Voltaire «assez maltraité». Et celui-ci, de son côté, exprime son étonnement, le 24 janvier, à Damilaville à qui il demande de lui envoyer «la petite feuille»:«est-il possible que Le Brun qui m'adressait de si belles Odes pour m'engager à prendre Mlle Corneille [...] ne soit qu'un petit perfide?» (Best. D10943). Le 1er février, il confie au même correspondant: «c'est une aventure assez comique que j'ai eue avec Pindare Le Brun en vous envoyant un paquet pour lui dans le temps que vous me dépêchiez ses rabâchages contre moi» (Best. D10974).
Désigné comme l'auteur du périodique, P.D. Ecouchard Le Brun n'a pas manqué de protester. Dans une lettre à «MM. les auteurs de La Renommée littéraire», insérée dans le numéro du 15 février – et suivie d'une réplique de la... direction! – il déclare fermement n'avoir «aucune part à ce Journal» (t. I, art. XII, p. 218). Il renouvelle sa déclaration dans une lettre «à l'auteur du Mercure», qui paraît dans le numéro de mars. Mais ces désaveux ont, en fait, valeur d'aveu, si l'on remarque, notamment dans la lettre publiée par La Renommée littéraire, la façon dont Le Brun vante «les critiques si justes» de cet ouvrage, sa «littérature si saine», son «impartialité si courageuse», et aussi la façon dont il semble relier la satire présente aux satires antérieures contre Fréron, Baculard d'Arnaud, Colardeau...: «il est vrai que je m'amusai, il y a deux ou trois ans, à relever, soit dans les vers, soit dans la prose de ces illustres Messieurs, des traits fort plaisants qui sont devenus des exemples ou des proverbes du ridicule» (p. 219).
Cependant, par-delà la continuité de la veine polémique exercée contre «l'imbécile» et l'«ignare feuilliste» (t. II, art. II, p. 23 et 34) de «l'Année prétendue littéraire» (t. II, p. 41), La Renommée littéraire se révèle moins infidèle que L'Ane littéraire à l'idéal défini du journaliste qui a des connaissances, du goût, qui sait rendre compte de ses jugements, bref qui est animé par le seul intérêt de la littérature (t. I, art. I, p. 8 et t. II, art. XV, p. 288). Le périodique a dû avoir un certain succès – mérité par la valeur même de plusieurs de ses analyses. En tout cas, il n'a pas été sans susciter de vives animosités qui ont entraîné sa disparition. On lit, en effet, dans les Mémoires secrets,à la date du 11 avril 1763: «La Renommée littéraire offusquant les divers libellistes qui courent la même carrière, ces petits auteurs se sont remués et ont engagé Le Journal des Savants à faire arrêter cet enfant bâtard. Il faut savoir que tous les autres doivent un tribut de cent écus à ce père des journaux. Mrs. Le Brun n'avaient point payé, en conséquence on a fait saisie et arrêt entre les mains des imprimeurs».