NOUVELLES ORDINAIRES DE DIVERS ENDROITS

1052
1631

Titre(s)

Nouvelles ordinaires de divers endroicts.

Dates, périodicité, privilège(s), approbation(s)

Premier numéro connu: le n° 27 du 17 juillet 1631. Dernier numéro connu: le n° 49 du 19 décembre 1631. Hebdomadaire daté du jeudi (17 juil.–11 sept.) puis du vendredi (19 sept.– 19 déc).

Description de la collection

23 cahiers de 4 p. in-4° chacun, paginés 1 à 4, numérotés 27 à 49, signés à la suite A, B, C, etc., jusqu'à Z (n° 49, 19 déc); une irrégularité, le n° 35 (11 sept.) est signé A, les signatures habituelles reprenant avec le n° 36 (19 sept.) signé K. Le format est de 157 x 216. Le titre ne porte aucun décor, mais le début du texte de chaque numéro est orné d'une vignette haute de 4 à 5 lignes; certaines sont semblables à celles de la Gazette de Renaudot: n° 29 (31 juil.), 36 (19 sept.), 39 (10 oct.); le n° 49 (19 déc.) ne portant pas de vignette, débute sur une simple lettre capitale. Tous ces numéros sont reliés dans un volume contenant une série dépareillée de cahiers des années 1631-1632 de la Gazette et des Nouvelles ordinaires de Renaudot.

Édition(s), abonnement(s), souscription(s), tirage(s)

Les quatre premiers numéros conservés, comme les cinq premiers cahiers de la Gazette, ne portent pas l'adresse de leur éditeur. Le 14 août (n° 31) apparaît le premier colophon: «A Paris, chez Jean Martin sur le Pont S. Michel à l'Anchre double. Et chez Louys Vendosme dans la Cour du Palais, Place du Change, à la Ville de Venise». Les trois numéros suivants portent la même adresse, cependant que le n° 35 (11 sept.) se singularise encore en étant sans colophon.

A partir du n° 36 (19 sept.), l'adresse est plus courte: «A Paris, chez Louys Vendosme, dans la Cour du Palais, Place du Change, à la Ville de Venise». En dehors des numéros 43 et 44 (7 et 14 nov.) qui ne portent pas d'adresse, tous les numéros suivants, jusqu'au n° 47 (5 déc.) sont ainsi «domiciliés». Les deux derniers numéros (48 et 49, 12 et 19 déc.) portent la simple mention «A Paris».

Fondateur(s), directeur(s), collaborateur(s), contributeur(s)

L'auteur, Jean EPSTEIN, bourgeois de Paris, d'origine allemande et de religion calviniste, tenait un véritable bureau de traduction des gazettes étrangères, venues des Pays-Bas et d'Allemagne. Le 9 juillet 1631, il s'associe par acte notarié à l'imprimeur Jean Martin et au libraire Louis Vendosme (acte publié par G. Jubert, p. 161-162):

«ledict sieur Epestein a promis et promect faire venir et apporter toutes les septmaines d'Allemagne les nouvelles courantes communément appellées Gazettes, les rendre traduictes et translatées en françois en telle sorte qu'elles puissent estre receues et avoir cours – à commencer vendredy unziesme jour des presens moys et an et continuer de la en avant par chacune sepmaine audict jour. Ce qu'il effectuera tous les jeudys avant midy pour estre si faire se peult le mesme jour imprimées et assistera icelluy sieur Epestein à l'impression et correction desdictes nouvelles pour estre lesdictes nouvelles vendues et distribuées le vendredy de bonne heure.

Et sera aussy tenu icelluy sieur Epestein supporter la tierce partye de tous les frays et despens qui se feront en ladicte composition, impression, publication et distraction desdictes nouvelles.

Par mesme moyen est convenu que lesdicts Martin et Vendosme seront tenuz asseurer et s'obliger comme ilz promectent et s'obligent que lesdictes nouvelles pourront estre exposées en vente sans aulcun peril ni danger.

A ces fins poursuivront iceulx Martin et Vendosme – à leurs frays, dilligence et despens – les permissions et licences nécessaires à ladicte exposition, mesmes obtiendront previllege si faire se peult, sinon lesdictes licences et permissions après qu'elles auront esté levées et relevées par personnes ayans à ce pouvoir, à ce que rien ne soit faict contre l'honneur de Dieu et service du roy, bien et repos de son royaume sans offense de qui que ce soit.

Et tous lesdicts susnommez comparans promectent de porter chacun d'eulx la troisiesme part de tous frays et despens necessaires à ladicte fourniture et exposition desdictes nouvelles jusques en cette ville de Paris, le tout modéré en quatre livres pour chacune septmaine.

Lesquelles nouvelles seront promptement imprimées et en tel nombre d'exemplaires que lesdictes partyes adviseront sans perdre temps ny occasion de proffiter de la vente desdictes nouvelles.

Et seront lesdictes nouvelles baillées par compte à l'une et à l'autre desdictes partyes pour en faire le débit soit en ceste ville de Paris soit hors d'icelle et se tiendront icellesdictes partyes bon et fidel compte l'une d'elles à l'autre de tout ce qu'elles en auront vendu pour estre partager entre elles par tiers esgalement et de bonne foy.»

Après la disparition des Nouvelles ordinaires, Epstein continua ses traductions dont profitaient Renaudot et quelques autres pourvoyeurs de nouvelles, par exemple l'écrivain Jean Chapelain. Ce dernier dirigeait un véritable bureau de nouvelles multipliant chaque semaine les copies d'une gazette manuscrite envoyée à des grands nobles alors en campagne dans les armées du roi ainsi qu'à quelques amis, tels Balzac et Godeau. Epstein ne se contentait pas de traduire les nouvelles étrangères, il proposait lui aussi une gazette manuscrite reçue en 1636 par le duc Bernard de Saxe-Weimar, en 1639-1640 par le marquis de Montausier. Il n'envoyait pas seulement des nouvelles du «septentrion» ou «de Hollande et d'Allemagne», il donnait aussi des informations sur la guerre franco-espagnole: «Monsieur, écrit, le 10 août 1640, Chapelain à Montausier, je ne vous diray point le détail de ce qui s'est passé à l'attaque de nos retranchemens d'Arras pour ne pas courir sur le marché du bon Espestein et pour ne remplir pas tout ce papier de nouvelles de guerre» (Lettres de Jean Chapelain). Epstein, toujours lui, fournissait à la nation allemande de l'université d'Orléans les nouvelles d'Allemagne. L'assesseur de l'université lui écrit d'envoyer des nouvelles chaque semaine, le dimanche, s'il est possible, et de les donner sans parti pris, avec exactitude et brièveté: «estans intéressés par nos biens et parens aux affaires d'Allemagne, nous sommes bien aise de scavoir les choses comme elles vont» (J. Mathorez, cité par G. Jubert). Pressé par le duc de Saxe-Weimar puis par Chapelain, le chancelier finit par reconnaître les bons services d'Epstein en lui accordant à la fin de 1639 ou au début de 1640 la nationalité française. Mais ce dernier donna une telle ampleur à son «industrie» qu'il finit par gêner Renaudot. Le gazetier obtint le 31 juillet 1646 un arrêt du Conseil d'Etat interdisant à Epstein «et plusieurs autres» de faire «ordinairement des assemblées où ils rapportent comme dans un bureau tout ce qu'ils apprennent» et de composer, écrire à la main ou copier «des nouvelles à leur fantaisie», «desquels écrits ils débitent très grande quantité tant en la ville de Paris qu'ailleurs au préjudice du service de Sa Majesté» (A.N., V4 1499, f° 155-160, 11e pièce enregistrée).

De religion calviniste comme son confrère Louis Vendosme, Jean Martin a été reçu libraire à Paris, en 1624. Il est maître imprimeur, demeurant sur le pont Saint-Michel, paroisse Saint-Séverin. Comme certains de ses confrères, il s'est spécialisé dans l'édition de feuilles volantes d'actualité, ainsi que le prouvent les catalogues de la Bibliothèque nationale et des bibliothèques américaines (catalogue Lindsay et Neu). Quelques-unes de ces pièces concernent les affaires allemandes: Dernières nouvelles d'Allemagne, de Hongrie et de Hollande [...] Ensemble le mécontentement des chefs des armées de l'empereur [...] Plus la déffaite du duc de Saxe..., 1627; Recit veritable de la vie et de la mort dv comte de Mansfelt. Ensemble les dernieres paroles qu'il a tenuës, estant vestu de ses plus riches habits..., 1627, 15 p.; Relation veritable de ce qui s'est fait et passé entre les armees de l'empereur et celles du roy de Suede en la présente année 1630. Selon les memoires enuoyez d'Allemagne..., 1630, 30 p.; La déffaite des impérialistes par le roy de Svede, 1631; La prise de la ville de Rostoc par les ducs de Mecklebourg, 1631.

En revanche, Louis Vendosme, demeurant rue des Canettes, paroisse Saint-Pierre-aux-Bœufs et uniquement libraire depuis au moins 1627, ne semble avoir publié aucun occasionnel. Le seul où l'on trouve son nom est distribué en décembre 1631, édité en association avec Jean Martin: L'Histoire dv progrez des armes dv roy de Svede en Allemagne. Auec ce qui s'est passé de plus memorable en la bataille de Leipsic [...] Le tout escrit par un gentil-homme, du camp du roy de Svede, à un seigneur de qualité, 1631, 48 p.

Contenu, rubriques, centres d’intérêt, tables

F. Dahl (p. 30-34) a bien montré que les Nouvelles ordinaires, tout à fait semblables à la Gazette, dans leur format, dans leur cadre rédactionnel – c'est une succession de nouvelles venues de différentes villes européennes, dont les plus anciennes, d'abord insérées, sont suivies par les plus récentes – et même dans leur disposition graphique – l'origine de la nouvelle et sa date sont imprimées en marge du texte –, ont un contenu différent. Les deux gazettes concurrentes ne sont en aucune manière la contrefaçon de l'une par l'autre. La Gazette a un contenu plus varié, au moins dans la provenance de ses nouvelles; entre juillet et décembre 1631, F. Dahl a compté 84 villes différentes dans la feuille de Renaudot, mais seulement 59 dans les Nouvelles ordinaires. Si l'on examine la liste des villes qui ont fourni au moins 5 nouvelles, on s'aperçoit qu'en dehors de Venise (18 nouvelles) et de Rome (9), toutes les correspondances insérées dans les Nouvelles proviennent des Pays-Bas ou d'Allemagne; le contenu de la Gazette est plus diversifié: aux villes du Nord viennent s'ajouter Rome (24), Paris (18), Madrid (15), Constantinople (15), Venise (14), Naples (7), Fernambouc (6) et Château-Thierry (6). Lorsque les deux gazettes portent en même temps une nouvelle venue de la même ville, de même date et portant sur le même événement, les deux textes sont assez différents pour que la réécriture des deux traducteurs ne puisse suffire à expliquer le phénomène: dans ces cas-là, il s'agit manifestement de deux sources différentes.

Localisation(s), collections connues, exemplaires rares

Ars., 4° Rés. H. 8918 (2): une collection complète, n° 27-n° 49 (17 juil.-19 déc. 1631); 4° H. 8918 (1): n° 36 et 37 (19 et 26 sept. 1631), reliés après les Gazette de 1631; B.R. Stockholm; n° 42 (31 oct. 1631), dans un recueil de la Gazette pour l'année 1631.

Bibliographie

Dahl F., Petibon F. et Boulet M., Les Débuts de la presse française: nouveaux aperçus, Göteborg et Paris, 1951. – Jubert G., «La Légende dorée de Théophraste Renaudot», Bulletin de la Société des antiquaires de l'Ouest, 4e série, t. XVI, 2e trimestre 1981, p. 141-162. – Feyel G., «Richelieu et la Gazette», Richelieu et le monde de l'esprit, catalogue de l'exposition organisée en Sorbonne sous la direction d'A. Tuilier, Paris, novembre 1985, p. 205-216. – Idem, «Richelieu et la Gazette. Aux origines de la presse de propagande», Richelieu et la culture, actes du colloque international en Sorbonne, sous la direction de R. Mousnier, Paris, 1987, p. 103-123. Sur Jean Epstein: – Lettres de Jean Chapelain, de l'Académie française, publiées par P. Tamizey de Larroque, Paris, 1880-1883, t. I. – Mathorez J., Les Etrangers en France sous l'ancien régime, t. II, «Les Allemands, les Hollandais, les Scandinaves», Paris, 1921, p. 25. – Un catalogue des occasionnels: – Lindsay R.O. et Neu J., French political pamphlets, 1547-1648. A catalog of major collections in American libraries, University of Wisconsin Press, 1969.

Historique

La querelle de l'antériorité. Au début des années 1950, Folke Dahl, Fanny Petibon et Marguerite Boulet déboutaient Théophraste Renaudot, le créateur de la Gazette, de ses prétentions à être le fondateur de la première feuille périodique imprimée en France. Tous trois avaient découvert que les libraires Jean Martin et Louis Vendosme avaient publié à Paris une feuille hebdomadaire, les Nouvelles ordinaires de divers endroicts,dont le premier numéro connu, le n° 27, était daté du 17 juillet 1631. Marguerite Boulet avait mis au jour une requête présentée «Au Roy et à nos seigneurs de son Conseil par les syndics et adjoints de la communauté des Imprimeurs, Libraires et Relieurs, comme protestation contre Théophraste Renaudot et sa Gazette et contre ses efforts de monopolisation aux despens de tous les libraires, non seulement de Paris, mais de toute la France...», et avait daté ce factum imprimé de la fin octobre ou du début novembre 1634. Les libraires y affirmaient: «Aussi les entreprises dudit Renaudot, Sire, ne sont fondées que sur des suppositions et faux donnez à entendre. Les Supplians justifient, Qu'il n'est le premier inventeur de la Gazette, comme il presuppose, vn nommé Vendosme l'ayant imprimée à Paris long temps deuant luy». Ainsi devenait-il évident que les Nouvelles ordinaires avaient précédé la Gazette, et que leur premier numéro était probablement paru le 16 janvier 1631. Ainsi comprenait-on mieux pourquoi une longue suite d'actions judiciaires avait opposé Renaudot et les libraires: Vendosme et ses confrères s'étaient efforcés d'empêcher le gazetier de leur voler leur invention. La cause paraissait entendue: bien éloigné d'être «le premier inventeur de la Gazette», ainsi qu'il l'a affirmé à trois reprises (Préface du recueil des gazettes de 1631, Relation des nouvelles du monde receuës tout le mois de février 1632, p. 87, Relation des nouvelles du monde receuës tout le mois de janvier 1633, p. 41), Renaudot n'était que le plagiaire de ses concurrents.

Tout cela apparaît beaucoup moins sûr aujourd'hui. Certes le premier numéro connu des Nouvelles ordinaires laisse supposer que 26 numéros l'ont précédé. Mais, dans ce cas, pourquoi ce numéro 27 est-il signé A? De A à Z, les imprimeurs ne disposaient que de 23 lettres pour signer les cahiers de leurs impressions; le J, le U et le W, confondus avec le I ou le V n'étaient pas employés. Après les 23 premiers numéros, les cahiers suivants auraient dû être signés Aa ou A2, Bb ou B2, etc. Pour sa part, le numéro 27 aurait dû se trouver signé Dd ou D2. Enfin, comme les 5 premiers cahiers de la Gazette, les 4 premiers numéros connus des Nouvelles ordinaires (n° 27-30, 17 juil.–7 août 1631) ne portent pas l'adresse de leurs éditeurs. N'y a-t-il pas là quelques indices tendant à suggérer que les Nouvelles ordinaires n'ont pas été imprimées avant leur 27e numéro?

Récemment publié par Gérard Jubert, le contrat d'association entre Jean Martin, Louis Vendosme et Jean Epstein semble confirmer, et par ses clauses (voir plus haut), et par sa date, que le premier numéro imprimé des Nouvelles ordinaires est bien le n° 27 du 17 juillet 1631. Rien n'y indique une quelconque collaboration antérieure d'Epstein et des libraires. Tout au contraire, il apparaît clairement que les trois hommes s'associent pour fonder une nouvelle gazette. Si les Nouvelles ordinaires existaient déjà depuis 6 mois, il est bien étrange que l'acte n'ait pas mentionné au moins une fois leur titre; seul leur contenu est désigné par l'expression – «les nouvelles courantes communément appelées Gazette» – ou bien tout simplement par ces deux mots – «les nouvelles». Autre détail paraissant indiquer une création à venir: les libraires doivent demander une permission pour vendre la feuille, et «si faire se peult» obtenir un privilège. Dernier indice emportant la conviction: la date même de l'acte, le 9 juillet 1631, un acte qui prévoit que la gazette sera pour la première fois distribuée le vendredi 11 juillet – «à commencer vendredy unziesme jour des presens moys et an et continuer de la en avant par chacune sepmaine audict jour» –, alors que le premier numéro connu des Nouvelles ordinaires est daté du jeudi 17 juillet!

Mais alors, pourquoi cette numérotation 27? Peut-être Epstein avait-il tout simplement rédigé jusque-là, comme il le fera plus tard, nous en avons la preuve, une gazette hebdomadaire manuscrite dont étaient déjà parus les 26 premiers numéros? Autre objection: la requête d'octobre-novembre 1634 affirme que Vendosme a imprimé la Gazette à Paris «longtemps devant» Renaudot, qui n'en est pas «le premier inventeur». Sans discuter du caractère de cette dernière source, un plaidoyer pro domo produit par les libraires afin de faire annuler le privilège du gazetier, on peut tout de même observer qu'il existe une certaine ambiguïté dans l'appellation «Gazette» qui pouvait tout autant désigner une feuille hebdomadaire comparable à la Gazette de Renaudot, que les nombreux occasionnels, les «bulletins d'information» effectivement imprimés depuis plusieurs années, sinon par Vendosme qui n'était que «marchand libraire», du moins par ses confrères imprimeurs, tel Jean Martin. A partir d'octobre 1631, le libraire de Rouen Claude Le Villain distribue Le Courrier universel, gazette hebdomadaire dont chaque «suite» reproduit conjointement un numéro de la Gazette et des Nouvelles ordinaires de Vendosme (numéro des 24 oct., 7, 14, 21 et 28 nov.). Si ces dernières avaient été imprimées «depuis longtemps», il est étonnant que ce libraire rouennais ou l'un de ses confrères, qui eux aussi distribuaient de nombreux occasionnels réimprimés par leurs soins, ne se soient pas lancés beaucoup plus tôt dans la distribution d'une feuille hebdomadaire (voir la notice du Courrier universel).

Si Renaudot est bien «l'inventeur» de la Gazette, comment expliquer la longue série d'actions judiciaires l'opposant aux libraires? Lorsque le 16 septembre 1631, Vendosme ouvrit les hostilités, il ne revendiqua pas la paternité des gazettes. Il s'agissait pour lui de bien autre chose: qui de Renaudot ou de la communauté des imprimeurs et libraires obtiendrait le privilège qui lui permettrait d'écraser la feuille concurrente. Déjà, Renaudot avait réussi à débaucher Epstein en août ou au début de septembre. Si les libraires laissaient faire, ils risquaient de perdre l'impression et la distribution, non seulement des feuilles hebdomadaires (Gazette ou Nouvelles ordinaires), mais aussi des occasionnels, source appréciable de revenus: «Il [Renaudot] s'avisa de recercher tellement ledit Epstin, qu'il l'obligea de luy fournir les Memoires et Traductions qu'il fournissoit ausdits Imprimeurs, suivant le contract qu'il avoit fait avec eux, lesquels au mesme instant mirent en procez ledit Renaudot, et eurent trois Sentences contre luy du Baillif du Palais, soustenans qu'il n'estoit Imprimeur, qu'il ne pouvoit faire leur fonction, et encore moins empescher ledit Epstin de continuer à leur fournir ladite Gazette» (Requête de 1634).

Il ne s'agit pas ici de décerner des brevets de moralité à l'une ou l'autre partie, comme on l'a trop fait jusqu'à présent. Certes Renaudot s'est arrangé pour débaucher Epstein et tuer ainsi la feuille concurrente. Cependant, il est impossible, en l'état actuel du dossier, de l'accuser de plagiat: fondée le 30 mai 1631, la Gazette serait bien la première feuille hebdomadaire jamais publiée en France. Pour contester définitivement son antériorité, il faudra découvrir de nouvelles pièces, tel un seul des 26 hypothétiques premiers numéros des Nouvelles ordinaires. Il n'est nul besoin de revenir ici sur tous les procès que Renaudot eut à subir ou à engager. Retenons simplement que le pouvoir royal a constamment appuyé le gazetier dans cette longue lutte qui s'acheva en février 1635 sur la défaite définitive des libraires et la création d'un véritable monopole de l'information au bénéfice de l'Etat monarchique.

Auteur

Titre indexé

NOUVELLES ORDINAIRES DE DIVERS ENDROITS

Date indexée

1631

NOUVELLES DU TEMPS 2

1025
1747

Titre(s)

Nouvelles du Temps.

Dates, périodicité, privilège(s), approbation(s)

Gazette bihebdomadaire datée de Paris, le dimanche et le mardi. Comme la première feuille conservée est numérotée 22, «Paris, 19 mars 1747», le numéro 1 de 1747 doit être situé le dimanche 1er janvier. Sans doute cette gazette paraissait-elle déjà l'année précédente. Combien de temps dura-t-elle? Son dernier numéro connu, le n° 48, est daté du 20 juin 1747, un mardi.

Description de la collection

Chaque feuille, imprimée en longues lignes sur 3 ou 4 p. de format in-4°, est ornée d'un bandeau aux armes royales. La pagination est continue pour l'année: le n° 22 du 19 mars est paginé 85-87, celui du 20 juin (n° 48), 201-203.

Édition(s), abonnement(s), souscription(s), tirage(s)

Aucune signature d'origine, pas de marque d'imprimeur. Feuille cependant très probablement imprimée à Rennes.

Contenu, rubriques, centres d’intérêt, tables

Cette gazette présente une série de nouvelles militaires autant que politiques. Ne s'agit-il pas de l'impression rennaise de nouvelles à la main venues de Paris? Comment ne pas souligner ici son étroite parenté avec les Nouvelles intéressantes publiées à Nantes la même année 1747, ou bien avec le Courrier du mardy [ou du vendredy] diffusé à Bordeaux en 1744 (voir les notices particulières de ces deux feuilles)? Ainsi se confirme-t-il qu'aurait été alors distribuée dans les villes de l'Ouest et du Sud-Ouest une gazette bihebdomadaire, probablement imprimée à partir de nouvelles à la main envoyées depuis Paris. Une diffusion faite dans la semi-clandestinité (absence du nom de l'imprimeur) afin d'éviter les foudres du propriétaire de la Gazette ou de son représentant provincial, le fermier de la réimpression locale. Il reste à savoir si d'autres villes ont joui de cette feuille bihebdomadaire. Il reste aussi à identifier l'officine parisienne envoyant en province ces nouvelles à la main.

Localisation(s), collections connues, exemplaires rares

A.D. Ille-et-Vilaine, C. 2594, huit numéros conservés pour l'année 1747, n° 22 (19 mars, dimanche, p. 85-87), 33 (30 avril, dimanche, p. 141-143), 34 (2 mai, mardi, p. 145-147), 36 (9 mai, mardi, p. 153-157), 40 (24 mai, mercredi, p. 169-171), 43 (4 juin, dimanche, p. 181-184), 47 (18 juin, dimanche, p. 197-199), 48 (20 juin, mardi, p. 201-203).

Auteur

Titre indexé

NOUVELLES DU TEMPS 2

Date indexée

1747

MANIFESTE

0862
1782 ?

Historique

Manifeste. Feuille imprimée deux fois la semaine à Marseille, contenant le détail des cargaisons de tous les bâtiments dans le port, avec nom des bâtiments, des capitaines et des propriétaires des marchandises, indication du lieu de leur départ. Ces feuilles, autorisées par la Chambre de commerce de Marseille, étaient éditées par Gaspart Reboul, Receveur du Droit sur les huiles étrangères, au Bureau du Vingt pour Cent. Elles sont offertes en dehors de Marseille au prix annuel de 24 £ franches de port. En 1782, elles paraissent «depuis longtemps» (d'après une annonce des Affiches de l'Orléanais du 11 oct. 1782). Non retrouvé.

Auteur

Additif

Titre indexé

MANIFESTE

Date indexée

1782
1789

LISTE DES AVIS DU BUREAU D'ADRESSE

0840
1669

Titre(s)

Liste des Avis du Bureau d'Adresse pour servir depuis... (1669-1670).

Journal [de la ville de Paris] des avis et des affaires de Paris [de Colletet] (1676).

Liste des avis du Journal général de France ou Bureau de Rencontre du... (1681).

Liste générale du Bureau d'Adresse, et d'Avis [ou/et de Rencontre, estably] par privilège du Roy [en la place Dauphine](1688-1689).

Liste des avis du Journal général de France, ou Bureau de Rencontre, pour servir au public depuis le... (1693).

Liste des Avis qui ont été envoïez au Bureau d'Adresse et de Rencontre pendant... (1703-1707).

Dates, périodicité, privilège(s), approbation(s)

Aucune des cinq Listes n'a duré bien longtemps. Le placard in-folio Du Bureau d'Adresse restably pour la commodité publique, ruë Thibaut-aux-dez, au carrefour de la rue des Bourdonnois annonce que la première Liste débutera très précisément le 15 novembre 1669. Il s'agit d'un bimensuel paraissant le 1er et le 15 de chaque mois. Il en subsiste deux exemplaires, l'un du 16 décembre 1669, l'autre du 1er janvier 1670. Nul doute qu'il ait au moins duré quelques mois. Après le Journal de Colletet, la deuxième Liste, celle de Donneau de Visé, fut publiée pendant deux mois et cessa, interdite par le lieutenant général de police La Reynie. Hebdomadaire distribué tous les jeudis, elle parut entre le 9 octobre 1681 (n° I) et le 27 novembre suivant (n° VIII effectivement paru, puisque mentionné dans la correspondance entre La Reynie et le commissaire Delamare). Seuls sont conservés les n° III, IV et V (23 et 30 oct., 6 nov.). La troisième Liste eut plus de chance et paraît avoir vécu près d'un an, peut-être plus. Son premier exemplaire connu, daté du 10 juillet 1688, fait allusion à une feuille précédente qui a pu paraître à la fin de juin. D'abord annoncée comme bimensuelle (Liste du 7 août 1688), elle paraît être devenue mensuelle à l'automne suivant. Sept seulement sont connues: 10 juillet, 7 août, novembre 1688, 1er février, 1er mars, 1er avril et 1er mai 1689. Seul a été conservé le n° I (2 déc. 1693) de la quatrième Liste annoncée comme devant paraître «tous les mercredys, de quinze jours en quinze jours». Combien de temps dura-t-elle? Dernière du lot, la Liste de 1703-1707 vécut le plus longtemps, plusieurs années semble-t-il. Débutant le 1er mai 1703 (avis de la seconde quinzaine d'avril), elle existe encore en 1705, reparaissant le 15 janvier (n° I), «après avoir discontinué [...] depuis les vacances»: cette première Liste de 1705 reproduit en son entier le privilège de librairie, alors obtenu par Jean Amilien, directeur du Bureau d'Adresse, privilège daté du 11 janvier 1705. Après avoir «été interrompue pendant plus de six mois» (Liste, 15 juin 1707), cette cinquième Liste reprend le 15 juin 1707, dernier numéro connu. Paraissant d'abord le 1er et le 15 de chaque mois, elle finit par devenir mensuelle. Comme Jean Amilien est resté directeur du Bureau d'Adresse, au moins nominalement, jusqu'en 1718, on peut supposer que sa Liste a pu durer beaucoup plus longtemps que ne l'indiquent les collections très lacunaires qui en sont conservées (neuf numéros pour 1703, n° I-X, 1er mai – 15 oct. – manque le n° II du 15 mai – , n° XIII de juil. 1704, n° I et II des 15 et 31 janv. 1705, n° I du 15 juin 1707). Seule donc la Liste de Donneau de Visé est hebdomadaire, suivant en cela l'exemple du Journal de Colletet. Moins ambitieuses et plus sages, les quatre autres se contentent de paraître tous les quinze jours. Mais pour durer, deux d'entre elles, la troisième et la cinquième, sont forcées d'allonger encore leur périodicité en devenant mensuelles. Indice, parmi bien d'autres, du mal de vivre du Bureau d'Adresse.

Description de la collection

En dehors de la troisième, toutes les Listes ont adopté le format petit in-8° de 16 p. par fascicule (format le plus rogné, 107 x 152 ou 167; le moins, 123 ou 127 x 186). Curieusement – peut-être suit-elle l'exemple de Colletet? – la Liste de 1688-1689 a pris un plus grand format, 4 p. in-4° (161 à 182 x 198 à 237), lui permettant l'affichage mural, ainsi que le prouve son exemplaire du 1er février 1689, imprimé uniquement sur le recto; comme dans tous les numéros de cette Liste, les pages 1 et 4, imprimées en longues lignes, sont réservées à tout ce qui concerne la publicité des opérations du Bureau d'Adresse, alors qu'imprimées sur deux colonnes, les pages 2 et 3 sont consacrées aux avis. Les fascicules in-8° des autres Listes sont, sauf exception, précédés d'une page-frontispice, indiquant le titre et l'adresse de l'imprimeur ou du Bureau. En troisième page, après un rappel du titre coiffé d'une frise de palmettes (ce sont de petits dauphins, marque de l'imprimeur Blageart, pour les Listes de 1681), le texte débute sur une vignette. La première page des Listes de 1688-1689 est toujours ornée d'une frise de palmettes. Sortant d'une autre imprimerie, les deux dernières feuilles sont plus décorées: une vignette ouvre le texte, et les armes royales viennent s'ajouter au bandeau de palmettes le 1er mai 1689.

Édition(s), abonnement(s), souscription(s), tirage(s)

Il est très significatif que sauf un, tous les Bureaux d'Adresse de ces Listes soient domiciliés dans l'île de la Cité, dans ce quartier très actif au XVIIe siècle, entre le Marché neuf – là où Théophraste Renaudot avait lui aussi établi son premier Bureau – , le Palais et la place Dauphine. Le Bureau de 1681 est installé chez l'imprimeur Blageart ou à côté de son atelier, dans «la Court-neuve du Palais, au Dauphin, à la première Chambre». Celui de 1688-1689 est établi tout près, dans «l'enclos du Palais, Cour de Lamoignon, du costé du quay des Morfondus», puis émigré en novembre 1688 ou un peu avant «à l'entrée de la place Dauphine, du costé du Pont Neuf, entre l'Epicier et le Cabaretier». En 1693, le Bureau est situé «dans le Marché-Neuf, chez un Serrurier, attenant la Barrière des Sergens». Dix ans plus tard, le voici «au bout du Pont Neuf, au coin du Carrefour de l'Ecole, vis-à-vis la Samaritaine». Seul, le Bureau de 1669 est établi en dehors de la Cité. Il est vrai qu'il n'est pas installé bien loin, puisqu'on le trouve rive droite, «rue Thibault-aux-dez», derrière la Monnaie, paroisse Saint-Germain l'Auxerrois. Même Colletet a dû se résoudre à rejoindre ce quartier très actif. D'abord domicilié chez lui, «rue du Meurier, proche Saint-Nicolas du Chardonnet», son Journal déménage pour s'établir près du Palais: «Je suis obligé d'avertir le Public, pour lequel je me consacre dans ce travail penible des affaires de Paris, que pour luy épargner beaucoup de peine et de pas, conformément à son intention, je me suis approché du Palais, où sera estably le Bureau d'Adresse pour lesdits Avis et Affaires; sçavoir sur le quay de l'Horloge du mesme Palais, autrement dit des Morfondus, qui regarde celuy de la Megisserie, et qui aboutit d'un bout au Cheval de bronze, et l'autre à la ruë de Harlay, contre un Notaire qui fait le coin de ladite ruë, à l'enseigne du Roy d'Angleterre. Les Affiches marqueront la porte» (n° 10, 1er oct. 1676). Lorsqu'au moment du système de Law, le mouvement des affaires s'intensifie rive droite, vers les rues des Lombards et Quimcampois, le Bureau d'Adresse, tout naturellement, se transporte dans ce quartier, rue Saint-Sauveur, près la rue Saint-Denis (1717-1718).

Deux imprimeurs seulement sont connus. La Liste de Donneau de Visé (1681) sort de chez l'imprimeur du Mercure galantClaude Blageart, «Court-neuve du Palais, au Dauphin». Les Listes de 1703-1707 sont imprimées par Jean Boudot, «Imprimeur du Roy, et Libraire de l'Académie royale des Sciences, rué Saint-Jacques, au Soleil d'Or». La Liste de 1688-1689 a fait appel aux services de deux imprimeurs dont nous ignorons les noms.

Les Listes étaient vendues au numéro. Le prix de la troisième (format in-4°) n'est pas indiqué. L'évolution du tarif des quatre autres, toutes du même petit format, suit les fluctuations du papier, dont le prix à la rame augmentait ou diminuait selon le poids de la fiscalité royale (voir G. Feyel, p. 69-75). Publiée avant l'accroissement des divers droits des années 1673, 1674 et 1680, la première (1669) était la moins coûteuse; 15 d. Après le maximum de 1681, 3 s. 6 d., le prix des autres diminue progressivement, malgré le maintien de la pression fiscale: 3 s. (1693), 2 s. 6 d. (1703-1707). Cette évolution répercute aussi le coût de l'impression proprement dite, très certainement chiffré différemment selon les imprimeurs. La première et la cinquième Listes étaient distribuées grâce à des dépôts établis dans les différents quartiers parisiens, 14 en 1669, 19 puis 17 en 1703-1707. Deux Listes précisent le tarif des enregistrements d'avis: en 1688-1689 et 1703-1707, il est de 15 s. S'il était nécessaire de répéter une seconde fois l'avis, il était gratuit (1688-1689) ou coûtait 5 s. (1703-1707). La troisième annonce et les suivantes était payées 5 s. dans les deux Listes.

Fondateur(s), directeur(s), collaborateur(s), contributeur(s)

Outre les Listes elles-mêmes, deux séries de documents permettent de restituer l'histoire du Bureau d'Adresse entre la fin des années 1660 et 1720; la correspondance entre le lieutenant général de police de Paris et le commissaire Delamare (B.N., ms. f. fr. 21741), dont Edouard Fournier (1878) avait bien vu tout l'intérêt, mais qu'il faut utiliser avec beaucoup de précautions parce que les rapports de Delamare sont bien souvent inexacts sur les points de détail, les dates, etc.; la série des baux de fermage du Bureau d'Adresse que nous avons retrouvés au Minutier central des notaires parisiens (A.N.).

En 1666, Furetière, dans son Roman bourgeois, mentionne deux fois l'existence du Bureau d'Adresse. Malgré l'opposition des six corps des marchands et du lieutenant général de police, la famille Renaudot a en effet cherché à perpétuer l'institution. Le 18 mai 1669, Théophraste II RENAUDOT (1610-1672), sieur de Boissemé, conseiller en la Cour des Monnaies, alors titulaire du privilège de la Gazette et des Bureaux d'Adresse, afferme l'exploitation d'un Bureau d'Adresse à Rouen. Nicolas Hue pourra «establir un Bureau d'Adresse en la ville de Rouen pareil à celuy qui est estably en cette ville de Paris», preuve qu'il en existait alors effectivement un dans la capitale. Les droits d'enregistrement qui s'y perçoivent sont encore de trois sous, comme au temps du premier Théophraste Renaudot. Cette cession est faite pour six ans, moyennant un fermage annuel de 200 livres chacune des deux premières années, 300 livres les années suivantes. Quatre jours après (22 mai 1669), Théophraste II traite du Bureau parisien avec Gilles Filleau, sieur Des Billettes, bourgeois de Paris, demeurant rue Neuve Saint-Honoré, paroisse Saint-Roch, le fondateur très probable de la première Listecelle de novembre 1669. Le sieur Des Billettes se voyait interdire de s'occuper des «conditions serviles», réservées à un autre Bureau d'Adresse alors consacré au seul placement des domestiques, établi au Marché neuf; il ne pouvait également «s'ingérer de faire ny faire faire directement ny indirectement l'impression ou vente des Gazettes, Nouvelles ordinaires et extraordinaires [...] ny mesme tenir en ses bureaux des assemblées publiques pour débiter des nouvelles imprimées ou manuscrites de France ou estrangères». Hors ces restrictions d'importance, le nouveau directeur pourrait «establir un ou plusieurs Bureaux d'Adresse en cette ville fauxbourgs de Paris», «avec l'écriteau apposé sur la porte qui contient seulement ces mots Bureau d'Adresse», où il jouirait, dans toute leur plénitude, des droits attachés au privilège des Renaudot. Cela pendant neuf années, avec un fermage de 500 livres chacune des six premières années, et 1000 livres les années suivantes. Prévu pour le très long terme, ce bail pourrait être renouvelé tous les neuf ans – moyennant 900 livres de pot de vin. Il était même stipulé que la propriété du Bureau d'Adresse pourrait être vendue à Filleau Des Billettes 6000 livres après les neuf premières années, 12 000 livres au bout de dix-huit ans. Manifestement, le Bureau n'eut pas le succès escompté et ferma au bout de quelques mois – c'est tout au moins ce qu'en dit le commissaire Delamare, dans le rapport assez mal informé qu'il proposa en 1718 au lieutenant général de police Machault d'Arnouville. Cet échec paraît avoir été provoqué par la méfiance toujours éveillée des six corps des marchands. La voie était libre, en tout cas, pour le Journal des avis et des affaires de Parisqui dura lui aussi peu de temps, parce que les marchands y virent une concurrence déloyale. A partir de son n° 13 (21 oct. 1676), Colletet n'y proposa-t-il pas la vente d'objets qu'il avait en dépôt à son Bureau? «On nous a confié une belle et grande platine de cuivre, fort et bien conditionné avec son pied [...] Nous avons en dépost au Bureau une petite cassette de toilette de bois façonné, garnie de belles plaques de cuivre doré, avec sa clef et sa serrure […] Nous avons en nostre disposition un beau tapis de table [...] Ce jour on nous apporta deux lustres à glace...». Alerté par les six corps, le lieutenant général de police La Reynie en référa à Colbert et reçut du roi l'ordre de supprimer le Journal, ce qu'il fit le lendemain 28 novembre 1676, par une ordonnance «portant défenses de composer, imprimer ou débiter de pareilles Listes, à peine de 3000 livres d'amende» Correspondance administrative de Louis XIV, t. II, p. 369, et rapport du commissaire Delamare, déjà cité).

Après ce double échec, la famille Renaudot bailla de nouveau le Bureau d'Adresse à un certain Jean-Baptiste Poiret, mais reconnut, en juin 1681 (règlement de la succession d'Isaac, frère de Théophraste II et d'Eusèbe, tous fils du grand Renaudot), que ce contrat «n'a point eu d'effet». C'est alors, qu'assuré de la faveur royale, DONNEAU DE VISÉ «prit de M. l'abbé Renaudot une cession de son privilège, il établit le Bureau et recommença d'y faire faire le commerce par ses Commis» (rapport de Delamare). Les même errements produisirent les mêmes effets. Vendant à son Bureau des meubles et autres objets, il s'attira l'hostilité du lieutenant général de police. Deux lettres de La Reynie à Delamare sont fort explicites sur ce point. «Les six corps des marchands m'ont fait de grandes plaintes contre Monsieur de Visé de ce que sous prétexte des avis qu'il fait donner dans le Journal du Bureau de rencontreon fait des magasins dans lesquels on porte toutes sortes de choses pour les y vendre, ou pour les troquer. Et comme non seulement les six corps des marchands, mais encore les Communautez des artisans de Paris ont un grand interest de s'opposer à cet establissement et qu'il en reviendroit un grand préjudice au publicq, vous prendrez soing de veoir Monsieur de Visé et l'en advertir de ma part afin qu'il fasse cesser aussy tost ce qui se fait à cet égard» (25 nov. 1681). «J'ai receu deux lettre de M. de Visé que j'ay lues et que je vous prie de luy rendre. Je ne veux point me prévaloir des raisons qu'il a escrites contre ses propres interests, je souhaiterois au contraire de le pouvoir favoriser et que le bien publicq ne m'en ostat pas le moyen comme il fait en cette occasion. On a vainement essayé du vivant du feu Roy et du vivant de M. le Card. de Richelieu qui protégeait Renaudot d'establir ce que M. de Visé entreprend de faire réussir; on en a fait depuis une infinité de tentatives et toutes les fois qu'on s'est mis en devoir de faire le moindre establissement qui en approchât, je m'y suis opposé de tout mon pouvoir depuis quatorze ou quinze ans que je suis obligé d'entendre parler et de prendre quelque connoissance des affaires publiques; les raisons dont M. de Visé se sert et d'autres encore beaucoup plus fortes et plus spécieuses ont esté examinées et rejetées plusieurs fois et je ne consentiray jamais à quoy que ce soit qui put favoriser un bureau et un marché publicq, capable de ramasser tout le commerce de Paris et susceptible d'un nombre presque infini d'inconvénients très dangereux. Le bureau peut estre bureau de rencontre par les advis, mais ce ne doit pas estre un magasin ni un lieu de vente et de débit. Je trouve fort mauvais qu'on ayt, sous prétexte de la Liste des advis que j'ay cru pouvoir estre utile au publicq, commencé cet autre establissement et plus encore qu'on ayt mis dans la Liste du jeudi 27 de ce moy la préface qu'on y a mise et que sans cérémonie et sans douter de quoy que ce soit, on ayt proposé au publicq l'establissement de ce bureau ou magasin, comme une chose toute faite et toute libre. Il est nécessaire que le publicq soit informé par la mesme voye que tout cela se réduict aux simples advis, car autrement je ne pourray me dispenser de défendre les advis et la Liste mesme qui a été capable de produire un tel effet» (29 nov. 1681). Donneau de Visé se le tint pour dit. Ne voulant pas se satisfaire de «simples avis», il ferma son Bureau.

Pendant que le Bureau d'Adresse menait cette existence chaotique, si souvent interrompue, le Bureau des «conditions serviles» du Marché neuf avait une vie sans histoire, peut-être un peu trop tranquille au gré de ses directeurs successifs. Le 14 avril 1671, Pierre Milhau, bourgeois de Paris, en continuait l'exploitation en traitant sous seing privé avec Théophraste II Renaudot. Le bail était passé pour cinq ans, moyennant un fermage de 450 livres par an. Est-ce ce même Milhau qui publia un prospectus de 16 p. (format 118 x 174) en 1678, pour relancer son entreprise? Le Bureau d'Adresse, établi pour les Maistres qui cherchent des Serviteurs, et pour les Serviteurs qui cherchent des Maistres débute sur une préface: «La conjoncture de la paix à laquelle nous touchons, qui va rétablir le commerce, ramener l'abondance, et faire fleurir les arts, a fait naistre la pensée de remettre le Bureau d'Adresse pour les Conditions, dans son ancienne splendeur. Dans le commencement de son établissement il y a cinquante ans, tout le monde convint que c'estoit une chose très bien imaginée. Chacun donna dedans, et il n'y eut personne qui n'y trouvast ses commoditez et ses avantages. On se relâcha dans la suite, et comme si la facilité d'y trouver les choses, en eust éteint le désir et fait perdre l'empressement, il est arrivé par la suite du temps, qu'on a négligé de recourir au Bureau d'Adresse, bien qu'il soit également commode et nécessaire à tous». Toujours établi au Marché neuf, «vers le milieu, du costé de la rivière, vis-à-vis un Tablettier», le Bureau des «conditions serviles» enregistrait, contre un droit de 15 sous, les offres et demandes d'emplois domestiques.

Nouveau titulaire du privilège de la Gazette et des Bureaux d'Adresse (1679), l'abbé Eusèbe RENAUDOT (1648-1720), un petit-fils du fondateur, se décharge assez rapidement de l'exploitation des Bureaux sur son «commis», Nicolas Bardou, bourgeois de Paris (sur ce dernier, voir G. Feyel, p. 14). Le 23 décembre 1687, Bardou est investi de tous les droits de Renaudot dans «l'établissement des bureaux ou registres d'adresse et de rencontre de toutes les commodités réciproques des sujets de Sa Majesté en toutes les villes et lieux de son obéissance». «Ce transport fait moyennant bon paiement» – une fausse vente en quelque sorte, puisqu'aucun prix n'est indiqué –, va permettre à Bardou de traiter directement des Bureaux d'Adresse, sans en importuner son maître, trop occupé par ses chères études et la rédaction de la Gazette. Selon l'acte, il existe désormais à Paris trois Bureaux. Le Bureau que l'on pourrait appeler d'avis, dont la direction est alors louée à un certain sieur de Saint-Ange depuis le 1er avril 1684, moyennant un fermage annuel de 300 livres, le Bureau des «conditions serviles et droit de placer aprentis, garçons de boutiques, gens de mestiers, lacquais, servantes et autres personnes de quelque qualité qu'ils puissent être», et, troisième Bureau, le «privilège et permission de placer les garçons cabaretiers et traitteurs».

Tout de suite, Nicolas Bardou se met au travail. Le lendemain, 24 décembre 1687, il afferme pour neuf ans à Claude Brunei, sieur du Mesnil, demeurant rue des Vieux Augustins, paroisse Saint-Eustache, le Bureau d'avis et le Bureau des «conditions serviles», contre 600 livres chaque année. Fort échaudé par les expériences précédentes, Bardou prend ses précautions: «Ledit sieur preneur, ses commis et ayants cause ne pourront s'ingérer de faire imprimer dans les Listes, ny faire lire aucunes nouvelles de celles qui s'impriment dans les gazettes dudit sieur Renaudot [...], ledit sieur cédant ne demeurera point garant envers qui que ce soit des articles que le preneur pourra employer sur ses journaux dont ledit preneur sera responsable à ses frais et dépens [...], et encore à condition que généralement tous les establissements que ledit sieur preneur pourra faire en vertu du présent transport se feront de l'agrément de Messieurs les Magistrats». Entré en jouissance de son bail le 1er janvier 1688, Claude Brunei est donc le fondateur de la troisième Listecelle de 1688-1689. Meurt-il prématurément, préfère-t-il abandonner son Bureau? Il est rapidement remplacé par un certain Chaumat qui au début de décembre 1688 demande au lieutenant général de police la permission de continuer à faire imprimer les Listes chaque mois. Comme ces deux hommes gèrent aussi le Bureau des «conditions serviles», on comprend que les Listes lui donnent de la publicité; «Pour ce qui est du Bureau d'Adresse concernant les domestiques de toutes les qualitez qu'on les peut souhaiter, ce n'est pas une chose nouvelle, il y a longtemps qu'il est estably, et plusieurs personnes pourraient encore rendre témoignage de l'utilité et commoditez que produit cet établissement si nécessaire au public [...]» Liste, 10 juil. 1688). Rendus prudents par les malheurs de Colletet et Donneau de Visé, les nouveaux directeurs prennent bien soin d'affirmer, sur chacune de leurs Listes, tel un leitmotiv, que leur Bureau «n'est estably que pour l'indication seulement» (nov. 1688). Ils insistent: «Les commis du Bureau n'entrent de leurs chefs dans aucune affaire, toutes leurs obligations se renferment à recevoir les avis et déclarations de ceux qui se presenteront au Bureau, lequel n'est étably que pour l'indication purement et simplement» (1er mars 1689). Attentivement surveillé par La Reynie et Delamare – ses Listes sont censurées par la police –, Chaumat ne trouve pas tout le profit qu'il pouvait espérer et finit par abandonner l'affaire. Nouvel essai en 1693; alors dirigé par le nommé Du Manuel, le Bureau d'Adresse ne parvient toujours pas à s'installer dans la durée.

L'expérience de 1703 fut beaucoup plus longue, et se poursuivit bien au-delà du dernier numéro connu de la cinquième Liste (15 juin 1707). Le 27 février 1703, Jean Amilien, bourgeois de Paris, domicilié rue des Bernardins, paroisse Saint-Nicolas du Chardonnet, prend à bail les Bureaux d'Adresse pour dix ans. Le 26 avril 1713 – il demeure alors Cloistre et paroisse Saint-Germain l'Auxerrois –, il renouvelle son bail. Etant donné la difficulté des temps – la guerre de succession d'Espagne –, et les malheureuses expériences précédentes, l'abbé Renaudot et son fidèle Nicolas Bardou sont beaucoup moins gourmands, ne demandant qu'un fermage de 200 livres chacune des quatre premières années, 300 livres les années suivantes (clauses de 1703, maintenues à l'identique en 1713). Mais ils interdisent à Amilien de nuire aux corps des marchands, puisque le contrat précise que ce dernier ne pourra faire aucun Bureau «que conformément aux ordonnances de police, règlement des Corps de Mestiers et avec la permission des Magistrats et juges des lieux». Amilien s'étant vu forcer de prendre un privilège de librairie pour la diffusion de ses Listes (1705) – il faut voir là les effets de la politique du chancelier Pontchartrain, du directeur de la Librairie l'abbé Bignon et du lieutenant général de police Voyer d'Argenson qui censure et impose son visa sur chacune des Listes –, le bail de 1713 prend soin de préciser qu'il pourra «obtenir toutes permissions que besoin sera pour faire faire toutes impressions concernant les choses dépendantes desdits Bureau d'adresse et de rencontre, sans aucune exception telle qu'elle puisse être». Au-delà de leur éclipse passagère de 1706, les Bureaux d'Amilien – il a en charge les avis, mais aussi les «conditions serviles» (placement des domestiques, garçons chirurgiens, perruquiers, etc.) –, paraissent avoir vécu jusqu'à la fin du règne de Louis XIV. C'est alors qu'en 1717-1718, de nouveaux venus, espérant bien sûr quelques gros profits des effets du système de Law, parviennent à déposséder Amilien de son bail. L'affaire est assez embrouillée. Amilien, ne s'occupant plus des Bureaux, en aurait cédé la gestion sans en avertir l'abbé Renaudot. En septembre 1717, en accord avec ce dernier (?), un nouveau «Bureau général privilégié d'Adresse et de Rencontre» est établi rue Saint-Sauveur, près la rue Saint-Denis, paroisse Saint-Sauveur, sous la direction de Claude Léonard Prieur, «lieutenant de la Varenne du Louvre» et «marchand joaillier suivant la Cour». Associé avec Gabriel Montmerqué, sieur des Chenayes, un financier, caissier des fermiers des aides de la généralité d'Alençon, alors domicilié rue Coq Héron, paroisse Saint-Eustache, Prieur pousse Renaudot à obtenir la résiliation du bail Amilien. L'affaire est plaidée aux Requêtes de l'Hôtel en février 1718. Finalement, Amilien se désiste à l'amiable, moyennant 6000 livres que Prieur et Montmerqué s'engagent à lui verser en annuités de 400 livres. Le nouveau bail du Bureau d'Adresse est donc passé aux noms des deux compères, pour une durée de quinze ans (2 avril 1718). Bouleversant les fortunes et multipliant les échanges, l'expérience Law leur permet d'espérer de gros profits. Aussi n'hésitent-ils pas à rémunérer grassement la bienveillance de l'abbé Renaudot; le fermage annuel est fixé à l'énorme somme de 4000 livres. Un chiffre encore jamais vu, dont il faut aussi attribuer la démesure à la profonde dévaluation de la monnaie métallique et à la spéculation sur le papier-monnaie.

Pour lancer ses affaires, Prieur édite une nouvelle Liste, la sixième, dont nous n'avons aucun exemplaire, mais que le lieutenant général de police, Machault d'Arnouville, évoque dans sa correspondance avec le commissaire Delamare. Toujours revient l'éternel problème des ventes au Bureau d'Adresse et du mécontentement des six corps des marchands! Une première Liste est distribuée au début de février 1718, et aussitôt le zélé Delamare d'alerter son nouveau supérieur (Machault vient d'être nommé lieutenant général). Si son rapport n'est pas toujours exact – nous l'avons déjà dit –, retenons cependant ses conclusions qui ne peuvent être mises en doute: «Vous verrés, Monsieur, par la Liste que je prends la liberté de vous envoyer, que tous les abus qui l'ont fait fermer tant de fois y sont renouvelés, avec d'autres plus dangereux que l'on y ajoute. 1°: Les gens qui tiennent le Bureau y prêtent sur gages dont ils retirent recompense. 2°: Ils sont les proxénètes pour faire prêter de l'argent à intérêt, sans que le fonds soit engagé, ils l'annoncent par leurs Listes et si on le leur souffre, c'est autoriser l'usure. 3°: Ils font de ce Bureau un magasin de boutique de toutes sortes de marchandises qu'ils vendent; ainsi, c'est être commissionnaire ou faire le regrat, l'un et l'autre est défendu sicvous en sçavez Monsieur les conséquences et vous en aurés bientôt des plaintes des six corps des marchands pour le neuf, des fripiers pour le vieux et des artisans pour leurs ouvrages. J'ai fait faire en marge des articles du petit livre quelques autres remarques particulières dont quelques-unes ont semblé encore plus intéressantes. J'en ai fait faire l'extrait mieux écrit pour vous en faciliter la lecture.» Le 20 février 1718, Machault d'Arnouville remercie son subordonné: «Lorsque les six corps des marchands, les ouvriers et autres formeront des plaintes contre le Bureau d'Adresse, je les ecouteray volontiers. Je reconnois d'ailleurs combien ce Bureau abuse de son prétendu privilège et qu'il est nécessaire de le restreindre ou de le faire supprimer. J'ay examiné aussy la Liste imprimée sans permission et l'on m'a promis qu'à l'avenir on me la remettra avant de la faire imprimer». Il ajoute, le 24 février: «Sur ce que vous m'avez mandé concernant les Listes du Bureau d'Adresse, je me suis fait représenter le manuscrit de la première Liste qui doit estre imprimée [il s'agit bien évidemment de la première Liste à venir, c'est-à-dire de son deuxième numéro, celui de mars 1718]. Je vous prie de l'examiner et de marquer tous les articles que vous estimez devoir estre retranchez pour l'interest des marchands et ouvriers de cette ville de Paris. Je suis persuadé qu'il convient d'abolir ce Bureau ou du moins d'en restreindre infiniment le privilège. On me presse de rendre le manuscrit».

A lire le Dictionnaire universel du commerce de Savary Des Bruslons (et non le Dictionnaire de Trévoux, ainsi que l'indique par erreur Hatin), il semblerait que Prieur ait gouverné son Bureau jusqu'en 1723. A cette date, le Bureau d'Adresse aurait été remplacé par un Magasin général, fondé par Hubert Houdar, marchand mercier, joaillier et banquier, l'un des officiers de la garde-robe du roi. Ce dernier a effectivement obtenu un privilège royal pour faire imprimer pendant vingt ans, «autant de fois qu'il le jugera à propos [...] un livret qui contiendra les différentes espèces de marchandises de mercerie et joyalerie qu'il aura dans ses magasins, et qui devront estre vendues et débitées [...] à condition néanmoins que chaque fois qu'il le fera imprimer, il sera tenu d'en fournir un exemplaire à notre amé et féal le Sieur Lieutenant général de Police de notre bonne ville de Paris, qui pourra, si bon luy semble, se transporter, ou faire transporter tel officier de police qu'il voudra commettre, à l'effet de vérifier si les marchandises mentionnées dans le livret se trouveront en nature dans le magasin de l'exposant» (30 juin 1722). Un arrêt du Conseil d'Etat organise le 5 juillet 1723 une commission de maîtres des requêtes, présidée par le lieutenant général de police, chargée de juger toutes les contestations qui pourraient s'élever lors de la vente des «meubles, bijoux, marchandises et autres effets» confiés au Bureau. L'Avis au public sur l'établissement du Magasin général à l'Hôtel Jabach, ruë Neuve Saint-Merry, à Paris est très explicite. Le Magasin général est bien un lieu où l'on peut venir déposer toutes marchandises que l'on veut vendre. Elles y sont estimées «entre les propriétaires et les estimateurs, pour la seureté des acheteurs», puis enregistrées. «Les Registres sont paraphez par M. le Lieutenant général de police. Il en sera fait, sous ses ordres, des inventaires généraux du Magasin; et on donnera aussi tous les mois une Liste détaillée de toutes les marchandises, afin que chacun voye ce qui pourra luy convenir». «Aussitôt que la vente sera faite, on en donnera avis au propriétaire de la marchandise, afin qu'il vienne en recevoir le prix, à la déduction du sol pour livre seulement, pour frais des magasins, commission et autres». Selon Savary Des Bruslons, le Magasin général était dirigé par MM. de Grom et Gérard. Ce nouvel établissement dépend-il toujours du privilège des Bureaux d'Adresse, ainsi que le suggère le Dictionnaire universel du commerce. Au niveau du vocabulaire, rien n'y rappelle le privilège des Renaudot, même si le Magasin général est organisé comme les anciens Bureaux. Notons enfin que sa seule installation est une rupture considérable dans la politique suivie jusque-là. Après tous les essais plus ou moins avortés des soixante années précédentes, voilà en tout cas une revanche posthume éclatante pour Théophraste Renaudot et Donneau de Visé! Les six corps des marchands ont-ils laissé faire? Le Magasin général a-t-il vécu bien longtemps?

Contenu, rubriques, centres d’intérêt, tables

Toutes les Listes ambitionnent d'établir une communication entre ceux qui offrent et ceux qui demandent un bien foncier, un objet, un service. Selon Donneau de Visé, «ce canal donnera lieu réciproquement à tous les particuliers de se rendre service les uns aux autres, et ils trouveront ce qu'ils souhaitent sans soin, sans recherche, sans peine, sans sortir de chez eux, presque pour rien, et par un seul quart d'heure de lecture» (Prospectus, 1681). Comme s'il était indécent de commencer directement sur les avis – ce que feront les Annonces, affiches et avis divers de la seconde moitié du XVIIIe siècle –, les Listes débutent toujours par un texte plus ou moins long, une sorte de préface ou d'introduction, un «avertissement» Listes de 1703-1707), où le directeur vante les opérations de son Bureau d'Adresse. Il faut par exemple indiquer au lecteur qu'il ne s'agit pas d'une feuille périodique comme les autres, et qu'une partie du contenu doit être répétée une fois sur l'autre, afin d'assurer une bonne publicité; «Il faut à l'occasion satisfaire icy à la plainte de quelques-uns contre ces Listes, prétendans qu'elles ne soient toutes que la même chose, sous prétexte seulement qu'ils ont pu voir en chacune, peut-estre 10 ou 12, ou fort peu plus d'avis de l'une en l'autre [...] ils doivent, une fois pour toutes, considérer qu'à peine voit-on jamais trois fois de suite cinq ou six avis de choses à vendre ou demandées, si elles ne sont d'une grande conséquence; et qu'à l'égard de ceux qui font sçavoir leur demeure et les choses qu'ils débitent, et de ceux qui ont coutume d'afficher, ils doivent nécessairement estre répétez non seulement trois ou quatre fois, mais toujours, puisqu'il y a continuellement des gens nouveaux qui ont besoin de les connoistre. Et ainsi ce petit nombre d'avis renouveliez, outre qu'il n'est pas considérable à proportion des nouveaux, pour faire qu'on songe à espargner 15 deniers pour les voir, est même une chose nécessaire à tout le monde, pour trouver à point nommé de certaines gens dont on peut avoir affaire» (15 janv. 1669). Il faut aussi montrer concrètement l'utilité des Listes «Nous sommes bien-aise de dire aussi en passant, que l'emmeublement de Damas cramoisi de Gènes qui avoit coûté onze mil livres, marqué dans l'article 21 du premier livre, a été vendu par la connoissance que nous en avons donnée au public; comme aussi plusieurs maisons de campagne, dont l'acquisition s'est faite par les avis du même livre que nous distribuons tous les quinze jours» (15 juin 1703). Infiniment répétitifs, ces textes mêlent parfois ces quelques arguments publicitaires à d'autres considérations telles que la gloire du roi, l'immensité de la ville de Paris, l'importance de son commerce, etc. Le rédacteur de la Liste de 1688-1689 est un expert dans ce genre de littérature; «Paris, par son immensité estant regardé comme la patrie commune de tout le Royaume, et s'y trouvant des gens de toutes les Nations, non seulement dans le commerce général, mais dans le particulier, tout devient également intéressé à découvrir ce qui tombe dans la nécessité du service, et dans le dessein du commerce; c'est de là qu'on a pris grands soins de rétablir le Bureau d'Adresse et de Rencontre» (1er mars 1689). «Pendant que toute l'Europe armée contre la France travaille à porter la gloire du Roy jusqu'à l'immortalité, pendant que son nom seul fait trembler l'Univers, et qu'il porte la terreur et la crainte jusque sur les trosnes et jusqu'au cœur des armées les plus nombreuses [...] Paris n'est pas seulement la capitale du royaume, mais celle du monde» (1er mai 1689). Notons ici que Colletet, dont tous les journaux étaient également précédés de ce genre de préface, savait lui aussi tourner ce type de compliments, au milieu d'arguments proprement publicitaires.

Après cette introduction, viennent les différentes rubriques d'avis. Les deux premières Listes sont structurées à l'identique; quatre rubriques s'y succèdent. Les trois premières regardent l'offre: «Immeubles à louer, vendre ou échanger», «Meubles meublants à vendre», «Choses diverses». La dernière présente les «Demandes». La Liste de 1688-1689 s'embarrasse moins de détails, mais a exactement le même genre de contenu. Après l'introduction imprimée en longues lignes sur la première page, deux rubriques lui suffisent, insérées sur deux colonnes, p. 2 et 3: «A vendre» et «Demandes». Les Listes de 1693 et 1703-1705 préfèrent de nouveau distinguer immmeubles et autres biens: «Immeubles», «Meubles» et «Demandes» (1693), «Terres, maisons, et autres immeubles à vendre», «Choses diverses à vendre» et «Demandes» (1703). «Maisons à vendre et à louer», «Boutiques à louer», «Choses curieuses à vendre», «Livres à vendre», «Demandes» (1705). En dehors de la Liste de 1693, tous les avis sont numérotés par rapport aux registres dont ils sont extraits (1669, 1681, 1703) ou bien selon chaque Liste (1688-1689, 1705). Voici un ou deux avis pris parmi les «Choses diverses» ou les «Demandes»: «97. On veut vendre un grand tableau de près de dix pieds de long, y compris la bordure, sur cinq pieds de large, ou environ. Il est très beau, et original du Sceneidre (sic). Il représente un vieillard chargé de fruits, et un petit garçon qui luy coupe sa bourse, cependant qu'il entre dans un lieu plein de gibier diversement étendu sur la place. Il est au Bureau» (30 oct. 1681). «Les journaux des Sçavans depuis 1665, qu'ils ont commencé à paroistre, jusqu'en 1687 en 15 volumes in-12 de l'Impression d'Amsterdam, du prix de 45 livres» (nov. 1688). «75. On demande deux petits lits de Damas de Gènes, rouge ou vert, ou aurore et vert, ou aurore et rouge, ou de tapisserie. On n'y veut ny or ny argent, mais on les demande fort propres. On y mettra depuis cinq cens jusques à mille livres. Adresse au Bureau» (30 oct. 1681).

La publicité proprement dite pour tel ou tel produit, tel ou tel service ou autre «secret» s'introduit dès 1681, dans les «Choses diverses»: «56. On a trouvé un secret pour remédier aux incommoditez de la fumée, et empescher par une manière toute extraordinaire, que le Soleil, les vents, les pluyes et neiges, et les brouillards, n'entrent dans les tuyaux des cheminées, et ne les fassent fumer, en quelque exposition et scituation qu'elles puissent estre, sans abattre ny les manteaux ny les tuyaux, et sans qu'il faille rien changer, tant intérieurement qu'extérieurement. On est si assuré de l'événement, que l'on ne demande point d'estre payé, que l'expérience ne soit faite, ou qu'on ne s'oblige à la garantie. Adresse à M. Messier, Architecte et Maistre Maçon à Paris, demeurant sur les Fossez de Saint-Victor, proche les Pères de la Doctrine chrestienne» (23 oct. 1681). On peut aussi trouver ces publicités dans une rubrique «Avis» venant après toutes les autres, mais précédant «l'Avis», «l'Avertissement», les «Avis généraux» ou la liste des Bureaux de distribution, toutes ultimes rubriques où le Bureau d'Adresse fait l'apologie des services qu'il peut rendre. Voici par exemple l'une de ces publicités pharmaceutiques qu'on retrouvera si souvent par la suite, dans la presse du XVIIIe siècle: «On avertit qu'encore que le chevalier Talbot, médecin anglois, soit retourné à Londres, on ne laisse pas de trouver toujours son véritable remède à Paris. C'est M. Smith son associé qui le distribue. Il loge à Paris dans la rue Saint-Thomas du Louvre, vis-à-vis l'Hostel de Longueville, où logeoit le chevalier Talbot» (6 nov. 1681). En 1688-1689, les avis publicitaires ne savent littéralement pas où se mettre. On les trouve soit au bas de la seconde colonne de la troisième page, après la rubrique «Demandes», soit au début de la page 4, avant les «Avis généraux», alors imprimés en longues lignes comme ces derniers. Ils sont donc en quelque sorte en dehors du cadre des rubriques, souvent mis en valeur par l'emploi de caractères italiques. Quelques exemples, souvent répétés plusieurs fois: «Le sieur Rolas ruë Sainte-Marguerite, fauxbourg Saint-Germain, entre un Perruquier et un Chandelier, première chambre, enseigne le toisé, l'arpentage, les fractions, les changes, l'arithmétique en toutes ses parties en un mois de temps, lorsqu'on sçaura les quatre règles, et plusieurs autres belles sciences par une methode courte et tres facile; et du tout donne des leçons par écrit». «Le sieur Mouillard bon Praticien et Arpenteur, logé rue de la Huchette à la Tour d'argent, donne avis aux Seigneurs et Dames qui voudront faire renouveller leurs papiers terriers et avoir des plans de leurs Seigneuries pour voir l'étendue de leurs Censives; comme aussi à ceux qui ont des héritages à la campagne, et qui en veulent avoir des cartes avec la contenance d'iceux par figure, pour empescher les usurpations, qu'il le fera, et pour seureté de sa conduite donnera bonne caution à Paris». «Le sieur Legeret, Maistre Menuisier à Paris, rue Saint-Louis, Isle Notre Dame, donne avis qu'il fait et vend une machine fort légère et portative, par luy depuis peu inventée, qui coupe la paille aussi menue qu'est l'avoine; ce qui fait que les chevaux la mangent plus facilement, surtout lorsqu'on y mêle un peu d'avoine». En 1703, la rubrique «Avis» contient la réponse à une demande d'un particulier qui voulait savoir comment faire pour entrer à l'Académie de peinture et sculpture. Ce long texte de deux pages qui est peut-être déjà une publicité rédactionnelle, déguisée, est suivi par un avis très clairement publicitaire où un sieur Didelet, écrivain et arithméticien annonce qu'il enseigne son art «dans un très bel air et dans un lieu fort agréable, qui est la ville de Lagny, où il prend des pensionnaires». Suit une dernière rubrique, assez rare pour être remarquée, mentionnant les «Livres nouveaux». Rubrique toujours présente en 1705, alors suivie d'«Autres Avis», tel celui-ci: «58. Les Seigneurs et Dames de la Cour, et le public sont avertis que le sieur Daumont, seul privilégié suivant la Cour, débite toujours, ruë de la Huchette, à l'Enseigne du Messager de Montpellier, les véritables syrops de Capillaire du Canada et de Montpellier, Eaux de la Reine de Hongrie, Eau de Thym, Eau Impériale, Huile de Pétrole de Gabian, Eau de Cordouë, Eau de fleurs d'orangers double, Eau de Cette, Vin muscat, Vin de S. Laurent, et autres liqueurs qu'il faut faire venir des Pays étrangers». Comme en son premier numéro de 1707, la Liste manque quelque peu de copie, son rédacteur y a inséré une très longue publicité rédactionnelle (9. p.), la «Lettre de M. B. D. M. à M. l'Abbé de Vallemont, en luy envoyant l'Analise de l'eau naturelle et minerale de la source de feu M. Billet, de la Croix Fauschin à Paris». Clin d'œil de l'histoire? Les illustres Guy Patin et Théophraste Renaudot y sont en quelque sorte réconciliés dans leur goût commun pour cette eau minérale!

Ces quelques exemples suffisent à prouver qu'avec ces Listes nous sommes aux origines de la publicité de presse. Une publicité que refuse la Gazette, même si ses réimpressions provinciales lui sont fort accueillantes dès les années 1680 (voir Feyel, p. 146-167). Une publicité que les gazettes de Hollande commencent d'insérer en ces mêmes années 1680-1690. Voilà donc retrouvé le chaînon manquant reliant les anticipations de Théophraste Renaudot aux Annonces, affiches et avis divers de la seconde moitié du XVIIIe siècle.

Localisation(s), collections connues, exemplaires rares

B.N., ms. f. fr. 21741 (fonds Delamare) contient la plupart des Listes encore conservées, outre la correspondance entre le commissaire Delamare et le lieutenant général de police (f° 218-232). Liste de 1669-1670: placard annonçant sa création, f° 290, et feuille du 1er janvier 1670, f° 234. Prospectus de 1681, Journal general de France, ou Inventaire des adresses du Bureau de Rencontre... f° 245. Liste de 1688-1689: feuille du 7 août 1688 (f° 254), copie manuscrite de la feuille de novembre 1688 (f° 256 et 276), feuilles des 1er février (f° 258 et 274), 1er mars (f° 260), 1er avril (f° 262) et 1er mai 1689 (f° 264). Liste de 1693: feuille du 2 décembre 1693 (f° 266). Prospectus de la Liste de 1703-1707, Rétablissement du Bureau d'Adresse et de Rencontre 278. Prospectus du Bureau des «conditions serviles», 1678, Le Bureau d'Adresse, établi pour les Maistres qui cherchent des Serviteurs, et pour les Serviteurs qui cherchent des Maistres; 208.

Autres collections. Liste de 1669-1670: 16 déc. 1669 (Maz., A. 11141 pièce 25). Liste de 1681: Journal general de France, ou Inventaire des adresses du Bureau de Rencontre (Maz., A. 15197 pièce 12); n° III, 23 oct. 1681, dont il manque les p. 13-16, et n° V, 6 nov. 1681, dont il manque les p. 3-4 (Maz., 36442 pièce 5); n° IV, 30 oct. 1681 (B.N., 8° V. pièce 18599). Liste de 1688: 10 juil. 1688, dont il manque les p. 3-4 (Maz., A. 15424 pièce 44, Rés. ). Liste de 1703-1707:; Rétablissement du Bureau d'Adresse et de Rencontre (Maz., 42914 pièce 7), n° I-X, 1er mai – 15 oct. 1703, manque le n°II (B.N., V. 45066), n°IV, 15 juin 1703 (Maz., A. 15456), n° XIII, juil. 1704 (B.N., V. 45067), n° I et II, 15 et 31 janv. 1705 (Maz., 42914 pièce 7), n° I, 15 juin 1707 (B.N., V. 45068).

Baux de fermage des Bureaux d'Adresse: A.N., Minutier central, liasses LXXXIV-176 (baux des 18 et 22 mai 1669), LXXXIV-181 (mention du bail Milhau d'avril 1671, dans l'inventaire après décès de Théophraste II Renaudot, 1672), XCVI-119 (mention du bail Poiret, dans le règlement de la succession d'Isaac Renaudot, juin 1681), CXVIII-150 (23 et 24 déc. 1687, transport de l'abbé Renaudot à Nicolas Bardou, bail Brunei du Mesnil), CXVIII-231 (27 févr. 1703, bail Amilien), XLII-286 (26 avril 1713, renouvellement du bail Amilien), LVIII-258 et 259 (28 janvier au 3 avril 1718, désistement d'Amilien, bail Montmerqué-Prieur).

Autres sources: B.N., ms. f. fr. 22084, f° 6, pièce imprimée de 4 p. in-folio sur le Magasin général d'Hubert Houdar (1722-1723); 21950, f° 977, n° 1284, enregistrement du privilège des Affiches de Paris, des provinces, et des pays étrangers, au nom de Jean Du Gono, sieur du Chablat.

Bibliographie

H.P.L.P., t. II Savary des Bruslons, Dictionnaire universel du commerce, 1re éd., 1723, notice «Bureau de Rencontre». – E. Fournier, Le livre commode des adresses de Paris pour 1692, par Abraham du Pradel (Nicolas de Blegny), Paris, 1878, deux tomes. T. I, longue introduction (p. V-LX) où E. Fournier a fait le premier l'histoire du Bureau d'Adresse et de ses Listes entre 1669 et 1693, à partir du ms. f. fr. 21741. T. II, appendices, p. 302-385, reproduction du texte des Listes du 1er janv. 1670, 7 août 1688, 1er mars, 1er avril et 1er mai 1689, 2 décembre 1693. – Feyel.

Historique

Pendant tout le règne de Louis XIV, la famille Renaudot s'est efforcée de maintenir, non sans difficultés, l'institution du Bureau d'Adresse. Lors des rétablissements successifs de ce Bureau, les directeurs ont publié une feuille périodique chargée de diffuser les «avis» – le mot est présent dans tous les titres des feuilles – que les particuliers y faisaient enregistrer. Certes, dès 1630, Théophraste Renaudot avait déjà employé ce terme, mais jamais dans l'intitulé de ses feuilles. Autre nouveauté, le mot «liste», apparu en 1669 et, à la seule exception du Journal des avis et des affaires de Paris (1676), constamment repris jusqu'en 1707. Renaudot préférait parler de «table».

Nous avons inséré parmi toutes ces Listes le Journal des avis et des affaires de Paris du poète François Colletet (voir sa notice particulière). S'étant vu interdire de continuer son Journal de la ville de Paris, où il faisait la part trop belle aux nouvelles de petite actualité, Colletet s'est très certainement abouché avec les Renaudot pour faire reparaître son journal. Notons la mutation du titre où les avis et affaires entrent en force, mutation confirmée par le contenu: après avoir persisté jusqu'au n° 3 (5-11 août 1676), les nouvelles parisiennes de petite actualité disparaissent définitivement du journal au bénéfice de trois rubriques d'avis; une première série d'annonces, chacune précédée par son titre en italiques, la rubrique «Avis et affaires de la semaine» où se succédaient les avis, datés du mercredi au mardi suivant, enfin la rubrique «Livres nouveaux». Dans les introductions qui ouvrent régulièrement son journal, Colletet reconnaît ça et là qu'il dépend du privilège du Bureau d'Adresse et que sa feuille vient après quelques autres: la ville de Paris «sçait le fruit qu'elle en a déjà tiré il y a quelques années» (p. 3, n° 1); il évoque ensuite plusieurs fois le «rétablissement» de ce «commerce innocent» (p. 13, 33, 113, n° 2, 5 et 14); après en avoir vanté tous les mérites, il reconnaît même explicitement la dépendance de son Bureau: «Ce trait de plume en passant n'est que pour confondre l'opinion malicieuse de ceux qui sement de faux bruits contre un Etablissement que Sa Majesté, après Louys XIII d'heureuse memoire, a trouvé aussi juste que necessaire. Ce grand Roy, qui veut tout établir pour le bien de ses Sujets, et qui connoist le bon et les consequences de toutes choses, a préveu de quelle utilité seroit nostre Bureau d'Adresse, puisqu'il en a voulu confirmer les Lettres patentes»; un Bureau qu'il appelle «Bureau d'Adresse» dès son n° 2 (p. 18), où il tient registre, ainsi que le faisait Théophraste Renaudot (voir la notice Feuille du Bureau d'Adresse) des «Avis et mémoires, affiches, billets, ventes, achapts, pertes, secrets, etc.» qu'on voudra bien lui apporter.

Lorsqu'à son tour Donneau de Visé, le fondateur du Mercure galant, prend la direction du Bureau d'Adresse, il publie un prospectus qui dans son titre et son contenu réunit la tradition de Renaudot et les innovations de Colletet: le Journal general de France, ou Inventaire des adresses du Bureau de Rencontre ou chacun peut donner et recevoir avis de toutes les necessitez et commoditez de la vie et société humaine. Par permission du Roy contenue en ses Brevets, Arrests de son Conseil d'Etat, Declaration, Privilege, Confirmation, Arrest de sa Cour de Parlement, Sentences, et Jugemens donnez en conséquence, une brochure de 20 p. (dont 4 non imprimées), in-4°, 168 x 212, imprimée «A Paris, chez Claude Blageart, Court-neuve du Palais, Au Dauphin, MDCLXXXI». Innovations de Colletet? Ce titre de Journal general de France, où le mot Journal ne vient pas de Renaudot, mais bien de Colletet et de son Journal des avis et affaires de Paris. Dans l'introduction de son prospectus, Donneau de Visé reconnaît son emprunt. Même si c'est pour en critiquer le contenu, il se place en successeur du Journal de Colletet, achevant de prouver que ce dernier a bien fait partie de la famille des feuilles du Bureau d'Adresse: «Ce Journal a esté entrepris et quitté; ceux qui s'en sont meslez n'y ayant point donné les soins necessaires, et l'ayant remply d'Histoires et de Nouvelles qui n'y doivent point entrer; et quand mesme tout ce qu'on y a débité de cette nature auroit esté bon et vray, les meilleures choses ne plaisent point quand on les rencontre où on ne les cherche pas». Tradition de Renaudot? La seconde partie du titre, Inventaire des adresses du Bureau de Rencontre...est la reprise exacte de l'intitulé de la brochure de 1630, où Théophraste Renaudot avait présenté les compétences de son Bureau d'Adresse (voir notice Feuille du Bureau d'Adresse. Donneau de Visé a véritablement démarqué le texte de son grand prédécesseur: après une introduction de six pages vient la longue énumération des «mémoires» – pas moins de 53 rubriques! – que pourra faire enregistrer le public au nouveau Bureau. Une longue liste où Donneau de Visé s'est beaucoup inspiré de Renaudot, et une introduction où son influence est bien marquée, ne serait-ce que par l'évocation de Montaigne, dès la première phrase: «Le fameux Montaigne, dont les Ecrits sont estimez de toute la Terre, est celuy qui a le premier donné la pensée de cet Etablissement. Il marque dans ses Essays, qu'il s'étonne qu'on n'ait point encore trouvé le moyen de faire que les Hommes se communiquent leurs pensées les uns aux autres». Bien sûr, le fondateur du Mercure galant ne s'est pas contenté d'emprunter. Il apporte des idées nouvelles. Par exemple cette intéressante réflexion sur l'affichage mural et les rapports que devront entretenir les placards et la presse. Preuve que depuis Renaudot, qui n'en parle pas, s'est beaucoup développée cette forme de publicité. Des réflexions neuves qui seront souvent reprises par la suite. Anticipant sur l'avenir, Donneau de Visé va jusqu'à employer le terme Affiches pour désigner sa feuille: «Si tous ceux qui veulent se défaire de choses de peu de conséquence, estaient obligez de les faire afficher, la dépense des Affiches monterait souvent plus haut que la somme que produirait ce qu'ils veulent vendre. Joignez à cela qu'il y a quantité de choses pour lesquelles on ne s'est point encore servy d'Affiches; mais la voye du Journal est plus abrégée, et beaucoup plus seûre. Elle n'est point onéreuse, et fait voir si-tost qu'on l'a souhaité, tout ce qui peut entrer en commerce des nécessitez de la vie, soit à Paris ou à la Campagne, par le moyen de cette Affiche mobile et universelle, que tout Paris verra tout-à-la-fois, et qu'on verra mesme dans toute la France; au lieu que les Affiches ne sont veuës que de ceux qui vont à pied, dont la plûpart mesme se font une espèce de honte de les regarder. Elles sont d'ailleurs d'une telle confusion, pour le grand nombre qu'on en trouve tous les jours, qu'on ne daignerait y chercher celle dont on a besoin; en sorte qu'on ne remarque jamais que celles qui sautent aux yeux à cause qu'elles sont fraîches; ce qui dure encore si peu, qu'en moins de rien elles sont réduites au mesme état que les autres, ou sont couvertes par les nouvelles. Je laisse à examiner combien il en couste pour afficher inutilement, et à quoy montent les frais que font les Marchands et Artisans, pour les Planches et Billets imprimez qu'ils donnent à tout le monde pour se faire connoistre, et ainsi du reste». Sans grande imagination, les successeurs de Donneau de Visé se contenteront de répéter les intéressantes considération de ce prospectus. En 1693, l'un d'eux assume d'ailleurs complètement cette dette en reprenant mot pour mot le titre de la Liste de 1681. Comme celui de 1681, le prospectus de 1703, titré Retablissement du Bureau d'Adresse et de Rencontre, une plaquette de 22 p. (dont trois non-imprimées), format petit in-8°, 139 x 206, présente une introduction démarquant en partie celle de Donneau de Visé (p. 1-8), puis une longue «Liste de plusieurs choses pour lesquelles on peut s'adresser au Bureau de Rencontre, et qui seront mises sur les Registres, et imprimez dans les petits livres d'Avis» (p. 9-18, 46 rubriques recopiées de Renaudot et de Donneau de Visé).

S'il est légitime d'associer à toutes ces Listes le Journal de Colletet, on ne peut en faire autant pour les Affiches de 1716. Le 30 juillet 1715, l'avocat Jean Du Gono, sieur du Chablat, obtient un privilège de librairie afin de «donner au publicq par semaine, par quinzaine, ou par mois, les Affiches de Paris, des provinces, et des pays étrangers». Ces Affiches de Paris, des provinces, et des pays étrangers, précédées par un prospectus de 12 p. in-4°, 180 x 228, daté du 20 février 1716, paraissent sous un plus petit format (125 x 185) au moins jusqu'à leur n° IX (7 juil. 1716), dernier numéro connu (voir leur notice particulière). Même s'il est fondateur, puisqu'il va léguer aux feuilles d'annonces du XVIIIe siècle ce titre d'Affiches, le projet de Du Gono s'inscrit dans une toute autre perspective que celle du Bureau d'Adresse. Il ne s'agit nullement de diffuser les «avis» enregistrés par les particuliers auprès d'un Bureau établi pour cela. Du Gono n'a pas de Bureau où les recevoir. Ce n'est pas son projet. Il fait allusion au Bureau d'Adresse, mais sans reconnaître une quelconque dépendance par rapport au privilège de la famille Renaudot. Le recueil de ses Affiches «intéresserait plus de gens que la Gazette, et que le Journal des Sçavans, et ne serait peut-être pas plus mal reçu, que le Mémoire qu'on envoyait du Bureau d'Adresse, au commencement du dernier règne, et que l'Etat qu'on y donne encore aujourd'hui des Saisies réelles, ou plutôt des certifications des Criées». Au vrai, le projet de Du Gono est une régression par rapport aux idées novatrices de Théophraste Renaudot, relayées par Donneau de Visé. Pressentant que la presse périodique serait un excellent support publicitaire, capable de concurrencer l'affichage mural, ce dernier avait appelé les particuliers à venir faire enregistrer leurs «avis» à son Bureau plutôt qu'à les faire afficher sur les murs de Paris. Pour Du Gono, il n'est point question de rivaliser avec les affiches murales. Ses Affiches se contenteront de les reproduire. Il «prie ceux qui feront faire des Affiches à Paris, ou ailleurs, de vouloir bien en envoyer un exemplaire à l'Imprimeur de ce Recueil, et d'en affranchir le port lorsqu'ils les envoyeront de province. Il ne manquera pas d'y insérer cet exemplaire». De rivale, la presse régresse au rôle de servante de l'affichage mural, même si Du Gono a quelques réflexions fort proches de celles de Donneau de Visé: «La vûë de ceux qui font poser ces Affiches, est qu'on les lise. Et c'est pourtant ce que ne font pas bien des gens. La bienséance ne permet pas à toutes sortes de personnes, de s'amuser au coin des ruës, pour y voir tout ce que leur présentent ces sortes de Placards. Les personnes qui sont en carrosse, ne sçauraient guéres s'y arrêter. Un Magistrat, ou d'autres personnes en robe, des Ecclésiastiques d'un certain rang, et bien d'autres d'un certain étage, ne seraient pas bien aises qu'on les vît grossir la foule de ces gens, qu'une nouvelle Affiche assemble ordinairement». Leur faciliter la lecture de ces affiches est le but que s'est fixé Du Gono. Pas de Bureau d'Adresse, pas d'enregistrement des «avis»: les Affiches de Paris, des provinces et des pays étrangers n'appartiennent pas à la famille des Listes d'avis du Bureau d'Adresse, ni non plus d'ailleurs à celle des Annonces, affiches et avis divers qui s'épanouira dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.

Auteur

Titre indexé

LISTE DES AVIS DU BUREAU D'ADRESSE

Date indexée

1669

HAVRE DE GRÂCE. COMMERCE MARITIME

0594
1776 ?
1939

Titre(s)

Havre de Grâce. Commerce maritime (1776 ? – années 1780).

Devenu Feuille maritime. Havre de grâce (années 1780 – germinal an III, avril 1795) ; puis Port du Havre. Bulletin d'entrée et de sortie et prix-courant des marchandises (1er floréal an III [20 avril 1795] – nov. 1811). Continue ensuite sous divers titres successifs. Devenu Journal du Havre, a cessé de paraître en septembre 1939. Selon L. Brindeau, cette feuille a succédé vers 1760 à un bulletin journalier créé vers 1750 et donnant les chargements des navires. Le premier numéro conservé date de janvier 1776.

Dates, périodicité, privilège(s), approbation(s)

Feuille hebdomadaire, datée du mercredi, jusqu'à la fin de 1792. Paraît le mercredi et le samedi à partir du 1er janvier 1793. Devenu assez rapidement quotidien par la suite, puisque l'on compte 5784 numéros entre janvier 1793 et décembre 1811, soit en moyenne plus ou moins 350 livraisons annuelles.

Description de la collection

4 p. de format in-8°.

Édition(s), abonnement(s), souscription(s), tirage(s)

Feuille imprimée par P.-J.-.D-.G. Faure, 3, rue de la Gaffe (1776), puis sous la Révolution par son successeur Stanislas Faure, qui déclare alors la rédiger.

Contenu, rubriques, centres d’intérêt, tables

Renseignements commerciaux et maritimes : entrées et sorties des navires, chargements, cours des denrées coloniales, ventes publiques de navires et de marchandises, nouvelles de mer pouvant intéresser les armateurs et les négociants du Havre, et quelques faits divers s'y référant, concernant notamment les ports du Havre, de Rouen et de la baie de la Seine. A partir de 1793, la feuille contient également une grande quantité de nouvelles diverses concernant la France, l'étranger, le département et la ville.

Localisation(s), collections connues, exemplaires rares

B.M. Le Havre, PJ2, années 1776-1779, 1805 et la collection complète à partir du 29 mai 1814. La bibliothèque de la Chambre de commerce du Havre possède une collection «à peu près complète» à partir de 1795. Nous sommes très dépendants des descriptions, assez peu précises, que L. Brindeau a pu faire à partir d'une collection privée comportant les années 1790 à 1815.

Bibliographie

Brindeau Louis, Historique du Journal du Havre, 24 p., 1904.

Auteur

Titre indexé

HAVRE DE GRÂCE. COMMERCE MARITIME

Date indexée

1776
1777
1778
1779
1780
1781
1782
1783
1784
1785
1786
1787
1788
1789
1790
1791
1792
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1794
1795
1796
1797
1798
1799
1800
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1808
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1813
1814
1815
1816
1817
1818
1819
1820
1821
1822
1823
1824
1825
1826
1827
1828
1829
1830
1831
1832
1833
1834
1835
1836
1837
1838
1839
1840
1841
1842
1843
1844
1845
1846
1847
1848
1849
1850
1851
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1855
1856
1857
1858
1859
1860
1861
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1864
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1866
1867
1868
1869
1870
1871
1872
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1877
1878
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1880
1881
1882
1883
1884
1885
1886
1887
1888
1889
1890
1891
1892
1893
1894
1895
1896
1897
1898
1899
1900
1901
1902
1903
1904
1905
1906
1907
1908
1909
1910
1911
1912
1913
1914
1915
1916
1917
1918
1919
1920
1921
1922
1923
1924
1925
1926
1927
1928
1929
1930
1931
1932
1933
1934
1935
1936
1937
1938
1939

GAZETTE ET NOUVELLES ORDINAIRES

0560
1632

Titre(s)

Gazette et nouvelles ordinaires de divers pays loingtains.

Dates, périodicité, privilège(s), approbation(s)

Le seul exemplaire connu est daté du 9 janvier 1632. Il est d'ailleurs très probable que cette gazette, une parodie de la Gazette de Renaudot, n'eut jamais que cette seule et unique livraison.

Description de la collection

4. p. in-4°, paginées 1-4, format rogné 158 x 211, aucun décor typographique.

Édition(s), abonnement(s), souscription(s), tirage(s)

Au bas de la p. 4 figure l'adresse fantaisiste : «De la Boutique de M. Jaques Vaulemenard, Musicien ordinaire de la basse Andalousie, ce 9 janvier 1632».

Contenu, rubriques, centres d’intérêt, tables

Le rédacteur de cette parodie est manifestement un esprit libre et sceptique. Comme Renaudot dans la Gazette, il enchaîne onze nouvelles. En dehors de «Guabardemechi au Pelloponesse», un pays sous domination turque, il les localise prudemment en dehors d'Europe, dans les pays du Sud. Quelques dénominations sont purement fantaisistes : «l'isle des Vesugues, Tubinge, Bisnagar et Narsingue, Dargagourin, la Tour fergon». Le genre parodique lui permet une assez bonne réflexion sur le contenu même de l'information. Nouvelles retenues : trois guerres, deux soulèvements, une famine doublée d'une peste, des catastrophes (tremblement de terre, incendie). Deux autres nouvelles, teintées de scepticisme, sont une réflexion sur certains méfaits de la religion (le tombeau de Mahomet), ou bien le merveilleux (des perroquets, affamés, finissent par manger les hommes). Les guerres sont provoquées par les querelles parfaitement futiles de princes toujours soucieux de maintenir leur réputation. Les soulèvements des peuples sont réprimés de façon horrible. L'incendie, localisé en Chine, permet quelques piques contre les jésuites. Le genre burlesque grossit les effets. Par exemple : «Les Penexesagoularogues se sont exemptez de guerre, mais non pas de famine, qui y a esté telle que les meres ont mangé leurs enfans dans leur ventre, après avoir despendu les justiciez». Ou bien, cette répression en pays musulman : «Leurs desseins sont tous avortez, le Roy en a faict escorcher trois cens des plus seditieux, et de leurs peaux en a fait fouëtter publiquement trois cens autres». Après avoir énuméré les merveilleuses prédictions «d'un nouvel astrologue», des vérités d'évidence telles que «l'esté sera plus chaud, et la neige en hyver sera plus blanche», ou bien (petite pique contre le médecin Renaudot ?) «les fort malades se porteront très mal : et la phlebotomie n'empeschera pas de mourir ceux qui n'auront plus de sang dans les veines», la dernière nouvelle, «venue» de Malaca s'achève sur cette mise en garde : «nous sommes menacez de quantité de fausses nouvelles, dont Dieu par sa saincte benediction nous veuille preserver et nous conduise au port de salut». Cette petite satire du monde de l'information, cette réflexion sur le contenu de la nouvelle et sur le merveilleux, on dirait aujourd'hui le «sensationnel», prouvent tout autant le succès de la Gazette de Renaudot, tout juste née, que la popularité de très nombreux occasionnels, où depuis le XVIe siècle, le merveilleux se séparait mal de l'information véritable.

Localisation(s), collections connues, exemplaires rares

B.N., 4° Lc2 10.

Auteur

Titre indexé

GAZETTE ET NOUVELLES ORDINAIRES

Date indexée

1632

GAZETTE [DE FRANCE]

0492
1631
1792

Titre(s)

Gazette (1631-1761), Gazette de France (janvier 1762-15 août 1792), puis Gazette nationale de France. De novembre 1631 à décembre 1682, la Gazette est chaque semaine accompagnée d'un cahier annexe intitulé Nouvelles ordinaires. A côté de ces numéros ordinaires sont publiés des Relations et des Extraordinaires, très nombreux jusqu'au milieu des années 1670, époque où ils disparaissent presque complètement pour le plus grand profit de Donneau de Visé qui multiplie les Extraordinaires de son Mercure galant à partir de 1678.

Dates, périodicité, privilège(s), approbation(s)

30 mai 1631 – 15 septembre 1915. De 1631 à 1791, 161 volumes annuels.

Hebdomadaire daté du vendredi (mai 1631-déc. 1632), puis du samedi (janv. 1633-déc. 1761). Paraît deux fois par semaine, le lundi et le vendredi (janv. 1762-nov. 1778), le mardi et le vendredi (déc. 1778-déc. 1791). Quotidien à partir du 1er mai 1792. N'a pas paru le 11 août 1792.

Description de la collection

En 1631, chaque cahier (Gazette et Nouvelles ordinaires) est paginé 1 à 4. A partir de l'année suivante, les volumes sont paginés annuellement, et à partir de 1633, les livraisons (Gazette, Nouvelles ordinaires, Relations, Extraordinaires)sont numérotées. Entre 1632 et 1634, le total annuel des pages ne dépasse pas 600 : (1634 : 596). La guerre avec l'Espagne provoque un gonflement immédiat des volumes qui passent de 742 p. (1635) à 974 (1641), puis de 1216 (1642) à 1290 (1647) : à partir de 1642, la Gazette a régulièrement 8 p., les Nouvelles ordinaires 4 p. Avec les premières années de la Fronde, les Extraordinaires pouvant constituer à eux seuls jusqu'aux deux tiers du volume, la Gazette atteint : 1768 p. (1648), 1296 (1649), 1720 (1650). De 1651 à 1662, la pagination annuelle varie entre 1524 et 1200. Puis de 1663 à 1678, c'est le reflux, progressif et définitif : 1716 p. (1663), 1352 (1668), 1240 (1673), 1034 (1678). En 1679, le volume de la Gazette s'effondre : 680 p. Pendant la guerre de Hollande (1672-1678), les rédacteurs ont modifié la structure de leur ouvrage. En 1673, la Gazette contient encore de nombreux Extraordinaires: 151 numéros. A la fin de 1674, on préfère publier moins d'Extraordinaires, tout en allongeant le texte des numéros ordinaires : les Nouvelles ordinaires conservent 4 p., mais la Gazette proprement dite passe de 8 à 12 p. Jusqu'à la fin de juillet 1678, les numéros ordinaires de 16 p. (4 + 12) deviennent de plus en plus nombreux et régnent sans partage en 1677. Avec la paix, les numéros ordinaires de 12 p. (4 + 8) redeviennent la règle, mais les Extraordinaires sont en voie de disparition : en 1679, la Gazette n'a plus que 125 numéros. Par la suite, les volumes dépassent rarement 700 p. : 760 (1681), 808 (1682), 732 (1683), 810 (1684), 748 (1685), 786 (1686), 704 (1688), 740 (1691), 756 (1722). La norme s'établit à 624 p., parfois 632 ou 636.

A partir du 29 avril 1752, sont publiées deux éditions parisiennes. L'édition traditionnelle, aux longues lignes de caractères Saint-Augustin (12 à 13 points) imprimées sur 12 p., soit une feuille et demie (format in-4°, moyen et rogné : 150 à 155 x 215 à 220), puis sur 8 p. à partir de janvier 1762, soit une feuille (même format), dure jusqu'en décembre 1778. Nombre annuel des pages, de 1762 à 1778 : entre 808 (1763) et 980 (1773). L'édition d'abord réservée aux provinciaux, est imprimée en caractères petits romains (9 à 9,5 points) sur 2 colonnes et 4 p., soit une demi-feuille (format in-4°, moyen et rogné : 145 à 165 x 230 à 235). Cette dernière édition, seule distribuée à partir de 1779, est alors imprimée en caractères philosophie (10 à 11 points). Nombre annuel de pages, y compris les quelques suppléments : entre 416 (1765) et 534 (1789).

En 1631, le titre des cahiers (Gazette ou Nouvelles ordinaires) ne porte aucun décor. Pendant toute l'année suivante, la première lettre du titre est décorée d'une vignette, cependant que les autres caractères, évidés, sont tordus ou perlés. Dans ce décor baroque, le lecteur retrouve constamment trois livres reliés et une paire d'éperons, dont l'un est cassé : symbole du courrier qui vient apporter au gazetier des nouvelles de toute l'Europe. En janvier 1633, les titres reçoivent leur forme définitive. Les caractères, redevenus droits et pleins, sont précédés de la nouvelle et célèbre vignette : un «G» ou un «N» évidé, accompagné d'un globe terrestre et de l'aiguille d'une boussole, le tout sommé par les sept étoiles de la Petite Ourse, l'aiguille indiquant l'étoile polaire. Tout autour, une devise : française pour la Gazette, «guidée du ciel, j'adresse et par mer et par terre», latine pour les Nouvelles ordinaires: hanc Polus, inde salo dirigit atque solo. Sans qu'on sache pourquoi, la Gazette abandonne cette véritable image de marque, peut-être jugée trop vieillotte, en janvier 1689. Se succèdent alors d'autres vignettes. C'est d'abord un «G» sur fond de grotesques et d'arabesques (1689), puis le même «G» semble posé sur un joli feuillage (1693), ensuite apparaît un cadre où la lettre est sommée de draperies d'où pend un bouquet de fruits (1696). En 1712 apparaît une Renommée ailée, sonnant de la trompette, alternant à partir de 1736 avec une autre Renommée assise et casquée. En janvier 1748, la Gazette reçoit deux nouvelles images : un Mercure alterne avec une Renommée ailée sonnant de la trompette au-dessus d'un paysage parisien symbolisé par la cathédrale Notre-Dame et quelques maisons. A partir de 1752, l'édition traditionnelle garde ses deux vignettes, cependant que l'édition de 4 p. fait alterner deux Renommées : l'une vêtue, survole un paysage de maisons, l'autre, nue, un port maritime. En 1762 et sur l'édition de 4 p., trois grandes vignettes aux armes royales, de dessin différent, alternent au-dessus du titre Gazette de France. De 1763 jusqu'à la Révolution, le titre est inséré dans un cadre plus ou moins épais et plus ou moins orné. En 1763, dernière année de la guerre de Sept Ans, un épais cadre est sommé par les trompettes de la Renommée. Entre 1764 et 1778, il s'agit d'un double cadre, constitué de filets assez minces ; le cadre intérieur est orné de guirlandes, cependant que des fleurs de lys sont présentes sur les quatre angles du cadre extérieur. A partir de janvier 1779 et jusqu'au 15 août 1792, la Gazette porte un cadre qui, avec la Révolution, devient une véritable déclaration de fidélité à la monarchie : cet épais cadre est sommé de deux angelots soutenant les armes royales. Accès de prudence ? Prétextant le manque d'espace alors qu'elle revient aux caractères petits romains pour accroître son contenu, la Gazette se débarrasse de ce cadre encombrant, le 26 octobre 1790. Mais dès le 12 novembre suivant, les armes royales réapparaissent sous forme d'un fleuron isolé, puis le 7 décembre revient le cadre originel, toujours présent jusqu'à la chute de la monarchie.

Depuis 1631, le début du texte est toujours décoré : soit d'une simple majuscule située dans un de ces cadres historiés que les typographes appellent un «passe-partout», soit d'une de ces lettrines ornées de feuillages ou d'arabesques qu'ils appellent une «lettre grise». Les volumes de la Gazette sont précédés de frontispices décorés des armes royales ou de fleurons, paniers de fleurs et de fruits, etc. Comme l'indique son frontispice, «Recueil des Gazettes, de l'année 1631. Dédié au Roy. Avec une préface servant à l'intelligence des choses qui y sont contenues. Et une table alphabétique des matières», l'année 1631 possède, outre une dédicace au Roi, une remarquable préface où Théophraste Renaudot donne une excellente leçon de journalisme, ainsi qu'une table des matières. Le volume de 1632 est lui aussi dédicacé au Roi. Par la suite, de très grands personnages auront droit à ce rare honneur : le maréchal de la Meilleraie, cousin du cardinal de Richelieu (1640), le cardinal Mazarin (1644). Dans quelques collections (B.N., Lc2 1 ; B.M. Versailles, Réserve in-4°, I 124 K à I 327 K), le relieur a inséré, collé au dos du frontispice de 1631, un portrait de Renaudot, gravé par Michel Lasne en 1644.

La table des matières de 1631 n'eut pas de suite. La Gazette dut attendre 130 ans pour disposer à nouveau de cette commodité. Avec le doublement de la périodicité, on se décida en 1762 à livrer des tables semestrielles, au prix annuel de 3 £ les deux tables. Dans le courant des années 1766-1768, une Table ou Abrégé des cent trente-cinq volumes de la Gazette de France depuis son commencement, en 1631, jusqu'à la fin de l'année 1765, rédigée par Edme Jacques Genet (1726-1781), chef du bureau des interprètes au département des Affaires étrangères, fut diffusée en livraisons bihebdomadaires moyennant un supplément annuel de 12 £ (tables des matières comprises). A partir de 1766, un «index des noms français» compléta les tables qui devinrent annuelles en 1768, toujours au prix de 3 £. Domiciliée «au Bureau de la Gazette, rue des Poitevins, hôtel de Thou», c'est-à-dire chez le libraire Panckoucke, la table de l'année 1785 a été manifestement imprimée en 1787 ou plus tard, comme tout naturellement celle de 1786.

Édition(s), abonnement(s), souscription(s), tirage(s)

En dehors des cinq premiers cahiers (30 mai – 27 juin 1631), les livraisons de la Gazette portent en bas de la dernière page l'adresse de leur éditeur ainsi que la date de l'impression : «Du Bureau d'Adresse, au grand Coq, rue de la Calandre, sortant au Marché neuf, près le Palais, à Paris, le …», adresse abrégée par la suite : «A Paris, du Bureau d'Adresse, le...». En mai 1648, Renaudot reçut le privilège d'installer son Bureau au Louvre, et pour plus d'un siècle, les numéros de la Gazette porteront : «A Paris, du Bureau d'Adresse aux Galleries du Louvre, devant la rue Saint-Thomas, le...». Est-ce avant ou après le déménagement du Bureau ? A la fin des années 1640, le gazetier paraît s'être débarrassé de nombreuses collections d'invendus. Petite curiosité bibliographique : l'année 1631 de la B.M. de Versailles présente, outre quelques exemplaires différents de ceux de la B.N. (impression, vignette), exemplaires que l'on peut retrouver ailleurs (Sorbonne, Maz.), la particularité d'avoir ses cinq premiers cahiers domiciliés et datés par le rajout d'une bande de papier collée en dernière page, bande de papier également collée au bas du portrait inséré en frontispice de la collection de la B.N.. Il n'est pas téméraire de penser qu'entre 1644 (date du portrait de Renaudot) et 1648 ou un peu après, le gazetier ou sa famille ont complété leurs collections d'invendus, datant les cinq premières gazettes, réimprimant tel ou tel cahier, voire tel ou tel frontispice. En dehors de ces détails bibliographiques, une comparaison minutieuse des nombreuses collections des premières années de la Gazette est toujours riche de découvertes, Renaudot ayant eu pour habitude de modifier ses textes au cours même de leur impression.

La Gazette paraît avoir été d'abord imprimée dans plusieurs ateliers différents. L'un des premiers imprimeurs fut Michel Blageart, qui travailla entre 1631 et 1651, d'abord installé rue Neuve Saint-Louis vis-à-vis la petite porte du Palais, puis tout près du Bureau d'Adresse, rue de la Calandre, près le Palais, à la Fleur de Lys. Par la suite, Renaudot parvint à créer sa propre imprimerie, on ne sait exactement quand. En janvier 1643, elle était déjà installée «rue de la Callendre en la maison où est pour enseigne le grand Coq», puisqu'elle fut prisée dans l'inventaire dressé lors du règlement de la succession de Marthe Demoustier, épouse du gazetier. Jusqu'en décembre 1778, la Gazette a eu sa propre imprimerie. Elle fut ensuite imprimée par l'Imprimerie royale (1779-1786), l'imprimerie du Cabinet du roi (janv.-août 1787), l'imprimerie des Bâtiments du roi (4-11 sept. 1787), enfin de nouveau chez elle, à «l'imprimerie de la Gazette de France (à partir du 14 sept. 1787), pour revenir un moment à l'Imprimerie royale (3 janv. 1792) et rentrer enfin dans ses propres murs, à «l'Imprimerie du Bureau de la Gazette de France (1er mai 1792).

En février 1633, Renaudot propose sa gazette aux provinciaux moyennant un abonnement annuel de 20 £. A Paris, il la vend aux colporteurs 1 s. le cahier de 4 p. (1650). Prélevant leur rémunération, ceux-ci revendent 4 s. les Extraordinaires comptant en général 3 cahiers. Selon Loret en 1655, «la Gazette en proze» (3 cahiers : 1 pour les Nouvelles ordinaires, 2pour la Gazette) coûte «quatre sols et demy». Cette même année 1655, la Gazette totalise 175 numéros et 1476 p., soit 369 cahiers : en un an, les Parisiens, lecteurs fidèles de la Gazette auront ainsi dépensé près de 28 £. A la mi-course du siècle suivant (1748-1751), l'abonnement annuel n'est que de 15 £ pour 156 cahiers, puisque les Extraordinaires ont presque disparu. Chaque numéro (3 cahiers) coûte donc alors un peu plus, cinq sous dix deniers, soit une augmentation de plus d'un sou par rapport à 1655. A l'abonnement, les provinciaux devaient ajouter les frais postaux, plus ou moins lourds selon la distance. Ils étaient de 8 s. par semaine pour Aix-en-Provence en 1633, doublant ainsi le prix de la Gazette. Aussi, très rapidement, la feuille de Renaudot fut-elle réimprimée en province par des imprimeurs qui en affermaient le privilège : 61 baux, passés devant notaire, ont été retrouvés. Au total, entre 1631 et 1752, 38 villes ont bénéficié d'une réimpression. Les provinciaux y trouvèrent un double avantage : d'une part, pas de frais postaux, un abonnement ou une vente au numéro beaucoup plus réduit (la Gazette était réimprimée à la va-vite, sur 4 ou 8 p., rarement sur 12), d'autre part une plus grande rapidité dans la diffusion des nouvelles. En 1751-1752, les nouveaux propriétaires de la Gazette firent, non sans mal, une véritable révolution. Ils obtinrent de la Ferme générale des Postes une taxe de port, modérée à 9 deniers l'exemplaire de 12 p., quelle que soit la distance parcourue, interdirent les réimpressions provinciales et proposèrent la Gazette moyennant un abonnement annuel de 18 £ (tarif parisien) ou 21 £ (tarif provincial). Les provinciaux ne pouvant acquitter une telle somme pourraient lire la Gazette dans un Bureau d'Adresse fondé à cette fin dans chaque ville. Aussitôt, les lecteurs des provinces de protester. Les réimpressions étaient beaucoup plus abordables : seulement 4 à 5 £ par an pour celles de Reims et de Toulouse dans les années 1740. Ayant l'habitude d'acheter la Gazette et d'en constituer des recueils, on se refusa à en louer la lecture ; les Bureaux d'Adresse ne purent être créés. Aussi les propriétaires de la Gazette durent-ils reprendre la formule qui avait fait le succès des réimpressions : l'édition sur 4 p. dont le premier numéro parut le 29 avril 1752, à l'abonnement annuel très bas de 7 £ 10 s., franc de port. Tout naturellement, on augmenta les abonnements lorsque la Gazette doubla sa périodicité (1762) : 12 £ (édition de 4 p., en petits caractères), 24 £ (édition de 8 p., en gros caractères). Après la disparition de cette dernière édition, tous les souscripteurs furent assujettis à l'abonnement de 12 £, élevé à 15 £ le 1er avril 1780. Avec la périodicité quotidienne (1er mai 1792), les abonnements passèrent à 25 £ pour Paris et 30 £ pour les provinces. Le 16 août 1792 ils furent fixés à 36 £.

Evolution majeure : la lecture de la Gazette s'est progressivement élargie à tout le territoire national, indice de la lente émergence d'une opinion provinciale et de l'élaboration d'un espace culturel national. Autre phénomène constamment vérifié : les guerres de l'ancien régime ont multiplié les lecteurs de la Gazette, cependant que la paix paraît les avoir démobilisés. Le 1er mai 1638, Renaudot déclarait publier 1200 «copies» de la Gazette chaque semaine. Il faut ajouter au tirage de l'édition parisienne celui des réimpressions provinciales. A partir des années 1670-1680, ces dernières se multiplient, notamment lors des guerres menées par Louis XIV, ainsi que beaucoup plus tard pendant les guerres de Succession de Pologne (1733-1738) et de Succession d'Autriche (1740-1748). Les tirages provinciaux et parisiens s'ajoutant, 3400 à 4800 ex. de la Gazette auraient été diffusés dans tout le royaume vers 1670 ; 40 à 45 % de ces gazettes auraient été publiées à Paris, les autres réimprimées en province. En 1749, 6800 à 8800 ex. auraient été distribués en France, dont 80 % seraient à mettre au compte des réimpressions provinciales. Et pendant les années de guerre, ces tirages atteignirent des sommets, ainsi que le prouvent les chiffres que nous possédons pour 1758 : une édition destinée aux provinces diffusée à 12000 ex., probablement plus encore dans les années suivantes ; ainsi qu'une édition parisienne certainement elle aussi en croissance, peut-être 3000 ex., au total 15000 ex. ! Par la suite, la paix dut démobiliser une partie des lecteurs, rebutés par l'augmentation de l'abonnement qui accompagna le changement de périodicité. La guerre d'Indépendance américaine permit de nouveau au tirage de remonter à 12000 ex. (1781). La paix le fit ensuite revenir à 6950 (1785) puis 6250 (1788).

Fondateur(s), directeur(s), collaborateur(s), contributeur(s)

Pendant l'année 1631, la Gazette eut à lutter contre la concurrence des Nouvelles ordinaires de divers endroicts (voir la notice consacrée aux Nouvelles). Il est actuellement impossible de savoir qui des deux compétiteurs fut la première feuille hebdomadaire jamais imprimée en France.

Privilège de la Gazette: lettres obtenues en chancellerie le 31 mai 1631 (où les mots et Gazette ont été rajoutés sur rature), mentionnées le 11 octobre suivant dans la lettre du roi Louis XIII au bailli du Palais, enjoignant à ce dernier de cesser d'importuner Théophraste Renaudot, confirmées par les arrêts du Conseil des 27 octobre et 18 novembre 1631, 11 mars et 14 juin 1633, 4 août 1634, tous arrêts définitivement entérinés par les lettres patentes de février 1635. Par la suite, au cours de la Fronde puis lors des changements successifs de titulaire, le privilège fut constamment confirmé par lettres patentes, les dernières datées d'août 1761 l'accordant au ministère des Affaires étrangères. Le privilégié jouit du monopole de l'impression, réimpression et distribution des «Gazettes, Relations et Nouvelles, tant ordinaires qu'extraordinaires, lettres, copies ou extraits d'icelles, et autres papiers généralement quelconques contenant le récit des choses passées et avenues ou qui se passeront tant dedans que dehors le royaume» (lettres de févr. 1635). Au milieu du XVIIIe siècle (lettres patentes d'avril 1751), les Affiches sont explicitement indiquées comme dépendant du privilège de la Gazette, qui a alors une très grande étendue. Jusqu'à la Révolution, aucune feuille d'information générale, politique ou économique ne fut créée sans l'assentiment du propriétaire de la Gazette à qui il fallait payer redevance. Les Affiches furent assez rapidement disjointes du privilège par la cession de leur exploitation au fermier général Le Bas de Courmont (juin-juil. 1756), mais comme la Gazette, elles restèrent sous la censure du ministère des Affaires étrangères.

Titulaires du privilège : – Théophraste Renaudot (1586-1653), médecin philanthrope, commissaire général des pauvres du royaume (1618), fondateur du Bureau d'Adresse (1630), d'un mont-de-piété («Bureau de vente à grâce, troc et achat de meubles et autres biens quelconques», 1637), et des «Consultations charitables» destinées aux pauvres (1640), historiographe du roi (lettres patentes de mai 1646), anobli en juillet 1649. – Théophraste II Renaudot, sieur de Boissemé (1611-1672), deuxième fils du fondateur, avocat au Parlement de Paris, conseiller en la Cour des Monnaies. – François Renaudot (né en 1654), neveu du précédent et fils du médecin Eusèbe Renaudot (1613-1679), devenu chanoine régulier en l'abbaye de Sainte-Geneviève (1676), démissionna du privilège en faveur de son frère aîné Eusèbe (1679). – Eusèbe Renaudot (1648-1720), oratorien, grand orientaliste, membre de l'Académie française (1689), titulaire du privilège entre 1679 et 1720. – Eusèbe Jacques Chaspoux, seigneur puis premier marquis de Verneuil (1695-1747), neveu du précédent et arrière-petit-fils du fondateur, secrétaire de la chambre et du cabinet du roi, introducteur des ambassadeurs et princes étrangers, investi du privilège en 1717 pour en jouir à la mort de son oncle (1720). – Eusèbe Félix Chaspoux, deuxième marquis de Verneuil (né en 1720), fils du précédent et remplissant les mêmes offices, dut vendre assez rapidement le privilège de la Gazette. Dès la mort du premier marquis de Verneuil, Madame de Pompadour s'était imaginée disposer du privilège en faveur du futur cardinal de Bernis, à titre de «récompense littéraire». L'affaire ne s'était pas faite, car l'héritier des Renaudot avait demandé 200 000 £ d'indemnité que Bernis ne pouvant payer, le Contrôleur général s'était refusé à donner (Lettres de M. de Marville, 30 mars, 8, 30 avril et 7 mai 1747). En position très inconfortable, le marquis de Verneuil dut réduire ses prétentions et se résigna à vendre le 20 février 1749, au prix de 97 000 £. – Pierre Nicolas Aunillon (1684-1758), premier président de l'élection de Paris, acquéreur du privilège. Rapidement disgracié, il le conserva tout juste deux ans. – Louis Dominique Le Bas de Courmont (mort en 1777), financier devenu fermier général en 1758, et Denis Louis de Rabiot, chevalier, seigneur de Meslé (mort en 1761), tous deux associés pour reprendre le privilège en avril 1751. En juin-juillet 1756, Meslé devient seul propriétaire de la Gazette, cependant que Courmont est investi des Affiches.

Après la mort de Meslé, le ministère des Affaires étrangères obtient la propriété du privilège (lettres patentes d'août 1761) qu'il va désormais exploiter en régie directe ou en l'affermant. – Régie : 1762-1768, sous la direction de Pierre Remond de Sainte-Albine (1699-1778), «chef du Bureau établi au département des Affaires étrangères pour la composition et administration de la Gazette de France», remplacé le 1er octobre 1762 par l'abbé François Arnaud (1721-1784) et son ami Jean-Baptiste Suard (1732-1817). – Ferme : 1768-1771, sous la direction de ces deux derniers. – Régie : 1771-1786 ; le 27 septembre 1771, François Marin (1721-1809), censeur royal, est chargé de la direction et de la composition de la Gazette de France ; il est remplacé le 30 septembre 1774 par l'abbé Jean-Louis Aubert (1731-1814), censeur royal, «directeur général de la Gazette de France», chargé de protéger les droits du ministère des Affaires étrangères contre tout empiétement sur le privilège et investi d'une censure générale sur toutes les feuilles qui en dépendaient, y compris les Affiches publiées en province. – Ferme : 1787-1791 ; le privilège est exploité par le libraire Charles-Joseph Panckoucke (1736-1798), mais l'abbé Aubert reste le directeur très vigilant de la Gazette jusqu'en 1792. Panckoucke se décide à abandonner la feuille, dont un avis, paru le 28 octobre 1791, annonce la disparition : «On prévient MM. les souscripteurs de la Gazette de France, que cette feuille cessera de paraître, à compter du 1er novembre prochain. Les pertes considérables qu'elle a éprouvées depuis trente mois, ne permettent plus de la continuer». – Régie : dans le numéro suivant, un nouvel avis rectifie et indique que le département des Affaires étrangères reprend l'exploitation directe de la Gazette : «C'est par erreur, que l'on a imprimé l'avis qui se trouve à la tête de la Gazette de France de vendredi dernier. Le département des Affaires étrangères, ancien propriétaire de cette gazette, annonce qu'il la reprend à compter du premier de ce mois, et que cette feuille continuera à paraître régulièrement les mardi et vendredi de chaque semaine. Le département va aussi s'occuper des moyens de la rendre plus intéressante qu'elle ne l'a été jusqu'ici» (4 nov. 1791).

Principaux rédacteurs : – Théophraste RENAUDOT, aidé dans son travail par de nombreux correspondants : le juge d'arme Pierre d'Hozier, les frères Dupuy qui lui transmettaient les lettres de Peiresc, Jean Epstein, Allemand naturalisé Français en 1640 et traducteur des gazettes allemandes, Chapelain, Bautru, Boisrobert, etc. Renaudot bénéficiait en outre de la collaboration assidue du roi Louis XIII lui-même et de celle du cardinal de Richelieu. Il recevait enfin les comptes rendus militaires rédigés par les généraux commandant les troupes royales. Avant même la mort de son fondateur, la Gazette paraît avoir été rédigée par ses deux fils Isaac et Eusèbe, aidés par Charles Robinet de Saint-Jean (1608-1698), entré au Bureau d'Adresse entre 1638 et 1642, qui aurait réécrit seul tous les Extraordinaires publiés de 1640 au milieu des années 1670, et qui participait encore à la rédaction de la Gazette en 1686 ; ce très fidèle collaborateur s'occupait aussi de l'administration de la Gazette. – Gabriel de Lavergne de Guilleragues (1628-1685) et son ami Bellinzani, marquis de Villeneuve, contrôlèrent le style et le contenu de la Gazette, entre l'été 1674 et l'été 1678. Il faut attribuer aux deux amis la mutation de la Gazette au cours de la guerre de Hollande. Elle était rédigée sous leur direction par Robinet et un nouveau venu, l'abbé Claude Bernou (1638-1716), spécialiste des questions coloniales et portugaises au secrétariat d'Etat à la marine. – L'abbé Eusèbe Renaudot, titulaire du privilège, paraît avoir dirigé ou rédigé lui-même la Gazette à partir de 1683 : la disparition des Nouvelles ordinaires en janvier et le départ pour Rome de l'abbé Bernou en mars de cette même année marqueraient le début des activités journalistiques du grand orientaliste. Lorsque lui-même accomplit à son tour le voyage romain (1700-1701), il confia la Gazette à ses amis Claude Bernou et Nicolas Thoynard.

Incapable de rédiger la Gazette, le neveu de l'abbé Renaudot laissa ce soin au savant chimiste Jean Hellot (1685-1766) qui rédigea la feuille de 1718 à 1732 et fut remplacé par Pierre Remond de Sainte-Albine, rédacteur entre 1733 et mai 1749.

L'intermède Aunillon fut une période de grande instabilité : trois rédacteurs se succédèrent sans plaire au ministère. Le premier d'entre eux, le chevalier de Mouhy (1701-1784), parvint à durer un an (mai 1749 - avril 1750) et fut remplacé par un certain Saint-Mars (s'agit-il de Charles Lefebvre de Saint-Marc [1698-1769] ?) remercié en décembre 1750, puis par Louis de Boissy (1694-1758). En mai 1751, l'inévitable «faiseur de gazettes par excellence», Remond de Sainte-Albine reprenait la rédaction de la Gazette pour la conserver jusqu'en septembre 1762.

Après Arnaud et Suard (oct. 1762 – sept. 1771), puis Marin (sept. 1771 – sept. 1774) qui se fit aider par Collet, l'abbé Aubert, déjà rédacteur des Affiches de Paris et des Mémoires de Trévoux (1768-1775), tout en conservant la direction générale du privilège, abandonna en avril 1775 la rédaction de la Gazette à Antoine Bret (1717-1792), «seul rédacteur et directeur» de la feuille jusqu'à sa retraite en juin 1783. Successeur de ce dernier, Jean-Gaspard Dubois-Fontanelle (1732-1812), ancien rédacteur du Journal de Genève rédigea la Gazette entre juillet 1783 et juin 1790. Il fut remplacé par Jacques Peuchet (1758-1830), rédacteur entre juillet 1790 et décembre 1791, puis par Nicolas Fallet (1746-1801) qui écrivit la feuille pendant quatre mois (janv. – avril 1792). L'arrivée au pouvoir de Dumouriez, ministre des Affaires étrangères, et des girondins (20 avril 1792) eut pour conséquence immédiate un changement du ton de la Gazette, qui à partir du 27 avril ajouta après le millésime de la date de chacun de ses numéros, la formule «l'an 4e de la Liberté». Le nouveau rédacteur, Chamfort (1741-1794), indiqua dans un prospectus :

«La Gazette de France, à dater du mardi 1er mai 1792, sera rédigée sur des principes, et paraîtra sous une forme que désiraient également les bons esprits et les bons citoyens. On souhaitait de ne plus trouver entre cet ouvrage périodique et plusieurs journaux patriotes des différences marquées qui en faisaient soupçonner de plus grandes et de plus essentielles entre le vœu de la nation, et les intentions des ministres. Un attachement obstiné à des formules anciennes, devenues trop étrangères à l'idiôme d'un peuple libre, de fréquents oublis, des réticences suspectes, etc. donnaient lieu à des interprétations fâcheuses ou perfides, redoublaient l'inquiétude publique, alarmaient le patriotisme, alimentaient les espérances perverses des mal-intentionnés, et reculaient l'époque qui doit rendre au gouvernement la confiance de la nation.»

Ainsi apparaît-il que la Gazette de France est demeurée l'organe du gouvernement jusqu'à la fin de la monarchie. Rédigée sous haute surveillance depuis ses débuts, la Gazette subit au temps de Louis XIV la censure préalable des départements de la Guerre, de la Marine et des Affaires étrangères. Après son rattachement aux Affaires étrangères, la feuille bénéficie de la collaboration de quelques grands commis du département, par exemple Gérard et son frère Gérard de Rayneval, l'abbé de La Ville, Genet, Pfeffel, de Pons (J.-P. Samoyault, p. 126-127). Une note rédigée par Marin en juillet 1774 détaille très exactement les différentes étapes de la fabrication de la Gazette rédaction, censures et corrections diverses, enfin impression (voir les Archives des Affaires étrangères, M.D.F., 1377, pièce reproduite dans Histoire générale de la presse française, t. I, p. 194-198 ; voir aussi M.D.F. 1367, note de sept. 1769).

Contenu, rubriques, centres d’intérêt, tables

Comme les «corantos» hollandais et les autres gazettes étrangères de l'époque, la feuille de Renaudot est un journal de type épistolaire : une suite de nouvelles venues de différentes villes étrangères. Les premières nouvelles venues de France sont insérées le 11 juillet 1631, dans le premier cahier portant le colophon du Bureau d'Adresse. Les plus anciennes nouvelles sont d'abord insérées, suivies par les plus récentes. Ayant doublé le volume de son journal dès la fin de 1631 par l'adjonction des Nouvelles ordinaires de ses concurrents Jean Epstein et le libraire Vendosme, Renaudot réserve à ces dernières les informations concernant les pays germaniques et l'Europe du Nord, cependant qu'il consacre la Gazette proprement dite aux nouvelles d'Angleterre, des Provinces-Unies, de Flandre, de France, des pays du Midi, d'Orient. La spécialisation des Nouvelles ordinaires est très probablement le résultat d'un accord passé avec Epstein : Renaudot aurait maintenu ce titre et pour bénéficier des traductions des gazettes allemandes que lui fournissait ce dernier, et pour garder plus sûrement le lectorat de la feuille concurrente. Une analyse statistique du contenu des deux feuilles donne l'impression de se trouver en face de deux périodiques différents. En 1640, par exemple, les nouvelles insérées dans les Nouvelles ordinaires sont plus nombreuses (666), que celles de la Gazette (548). Surtout, leur traitement apparaît dissemblable. Les nouvelles de la Gazette sont en général plus longues, 10 120 lignes, soit en moyenne 18,4 lignes la nouvelle. Celles des Nouvelles ordinaires sont plus courtes, 8262 lignes, soit 12,4 lignes. Entre février 1632 et décembre 1633, Renaudot distribue dans les premiers jours de chaque mois un numéro supplémentaire, La Relation des nouvelles du monde receuës tout le mois. Il y exerce pleinement son métier de journaliste, reprenant les nouvelles les plus importantes du mois écoulé, jugeant des hommes et des événements. Une telle liberté de jugement ayant déplu, le gazetier remplace ces analyses par «les seules et simples narrations des choses qui se trouveront le mériter, à mesure qu'elles se présenteront». Lecteurs habitués des occasionnels, les contemporains de Renaudot furent tout de suite favorables aux Extraordinaires. Deux cahiers ordinaires diffusés chaque semaine, des Extraordinaires publiés quand l'opportunité se fait sentir : le cadre rédactionnel de la Gazette est rigoureusement structuré dans ses grandes lignes, tout en restant souple dans le détail, de manière à s'adapter aux exigences de l'actualité.

Créée quelques mois après la «Journée des Dupes» (nov. 1630), la Gazette est l'arme de propagande du roi Louis XIII et du cardinal de Richelieu. En ces temps difficiles de la guerre de Trente Ans, Renaudot a su se préserver une certaine part de liberté, tout en obéissant à deux maîtres impérieux, et en satisfaisant un lectorat (la noblesse d'épée et la haute robe) régi par les lois de l'honneur, désireux de se complaire à l'image toute d'excellence, de courage et d'abnégation que doit lui renvoyer le miroir de la Gazette. Donnant aux vingt premières années de la Gazette une richesse que l'observateur ne retrouve pas par la suite, Renaudot parvient à dominer ces contraintes tout en montrant un tempérament et un talent journalistiques exceptionnels : les nombreuses préfaces de ses Extraordinaires, les réflexions personnelles dont il émaille souvent ses textes donnent des leçons de journalisme d'une remarquable modernité. Après la grande remise en ordre qui achève la Fronde et précède le règne personnel de Louis XIV, la Gazette est comme normalisée elle aussi, aseptisée. Elle participe au grand culte de la personne royale. En dehors de la disparition des Extraordinaires et des Nouvelles ordinaires, elle garde la même structure rédactionnelle jusqu'à la Révolution : une série de nouvelles venues d'un peu partout, datées du jour de leur émission. Les informations françaises, souvent bien insipides, même en 1788 et 1789, ne sont plus que des nouvelles de la Cour ou de Paris, des communiqués officiels – le texte des décisions royales, certains discours ministériels – ou bien des informations plus menues comme les programmes des concours académiques, la célébration de centenaires, etc. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle viennent s'ajouter, à la fin de chaque numéro, un tableau du «Cours des effets publics» ainsi que l'annonce, très laconique, des nouveautés de librairie.

Localisation(s), collections connues, exemplaires rares

Il existe de très nombreuses collections, plus ou moins complètes, des éditions parisiennes de la Gazette. La B.N. possède plusieurs collections, dont celle cotée 4° Lc2 1. Les grandes bibliothèques de Paris conservent toutes une collection, parfois deux, qui permettent de très fructueuses comparaisons pour les vingt premières années : Maz., Inst., Sorbonne, Ars., B.H.V.P., Ste G., Chambre des députés, Sénat, A.N., etc. Il faut aussi signaler les deux collections de la B.M. de Versailles. Quelques grandes B.M. ont en province des exemplaires des éditions de Paris : Aix-en-Provence, Bordeaux, Brest, Carpentras, Dijon, Le Havre, Lyon, Troyes, etc.

La Gazette a été réimprimée en province jusqu'en 1752 dans les villes suivantes : Aix-en-Provence, Amiens, Angers, Avignon, Bayonne, Beauvais, Bordeaux, Brest, Caen, Châlons, Chartres, Clermont-Ferrand, Compiègne, Dijon, Dunkerque, Grenoble, Lille, Limoges, Lyon, Meaux, Metz, Montpellier, Nantes, Noyon, Orléans, Poitiers, Le Puy, Saint-Malo, Reims, Rennes, La Rochelle, Rouen, Soissons, Strasbourg, Toulouse, Tours, Troyes, Verdun. Voir à propos de chacune de ces réimpressions (bail du privilège, durée, imprimeur, composition et description des collections conservées, leurs références de conservation) l'ouvrage de G. Feyel cité plus bas.

Bibliographie

H.P.L.P., t. I ; B.H.C.; H.G.P.F., t. I, Des origines à 1814, rédigé par R. Charlet, R. Ranc, L. Trenard, J. Godechot, Paris, 1969. – Lettres de M. de Marville, lieutenant général de police, au ministre Maurepas (1742-1747), éd. A. de Boislisle, 3 vol., Paris, 1896-1905. – Aime-Azam D., «Le Ministère des Affaires étrangères et la presse à la fin de l'ancien régime», Cahiers de la presse, juil.-sept. 1938, p. 428-438. – Dahl F., Petibon F., et Boulet M., Les Débuts de la presse française : nouveaux aperçus. Göteborg et Paris, 1951. – Grand-Mesnil M.-N., Mazarin, la Fronde et la presse, 1647-1649, Paris, 1967. – Samoyault J.-P., Les Bureaux du secrétariat d'Etat des Affaires étrangères sous Louis XV. Administration, personnel, Paris, 1971. – Solomon H.M., Public welfare, science, and propaganda in seventeenth century France. The innovations of Théophraste Renaudot, Princeton, 1972. – Tucoo-Chala S., Charles-Joseph Panckoucke et la librairie française. 1736-1798,Pau-Paris, 1977. – Jubert G., «La Légende dorée de Théophraste Renaudot», Bulletin de la Société des antiquaires de l'Ouest, 4e série, t. XVI, 2e trimestre 1981, p. 141-162. – Feyel, G., «Richelieu et la Gazette», Richelieu et le monde de l'esprit, Paris, 1985, p. 207-216. – Idem, «Richelieu et la Gazette. Aux origines de la presse de propagande», Richelieu et la culture, Paris, 1987, p. 103-123. – «Théophraste Renaudot : l'homme, le médecin, le journaliste, 1586-1986», Cahiers de l'Institut Français de Presse, n°  1, sept. 1987. Colloque tenu le 29 novembre 1986 pour le quatrième centenaire de Renaudot : G. Jubert, «L'homme Renaudot», p. 9-28 ; P. Albert, «Renaudot et le journalisme», p. 29-48 ; F. Lebrun, «Théophraste Renaudot, médecin des pauvres, à travers Les Consultations charitables et La Présence des absens» p. 49-68 ; G. Feyel, «Renaudot et sa pratique du journalisme : la Gazette en 1640», p. 69-114. – Feyel G., «La Gazette au début de la guerre de Sept Ans : son administration, sa diffusion (1751-1758)», dans Diffusion, p. 101-116.

Auteur

Additif

Bibliographie: Haffemayer, Stéphane, «La Géographie de l’information dans la Gazette de Renaudot de 1647 à 1663», dans Gazettes et information politique sous l’Ancien Régime, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 1999, p. 21-31. – Idem, L’Information dans la France du XVIIe siècle : la gazette Renaudot de 1647 à 1663, Paris, Champion, Genève, Slatkine, 2002.

Titre indexé

GAZETTE [DE FRANCE]

Date indexée

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FEUILLE DU BUREAU D'ADRESSE

0457
1633
1651

Titre(s)

Feuille du Bureau d'Adresse (1633), Cahier des commoditez présentes du Bureau d'Adresse (1651, titre supposé).

Dates, périodicité, privilège(s), approbation(s)

Théophraste Renaudot publia irrégulièrement cette feuille d'avis pour donner quelque publicité aux opérations du Bureau d'Adresse qu'il avait fondé au printemps de 1630. Edouard Fournier (1859) a découvert la Quinziesme Feuille du Bureau d'Adresse, du 1er septembre 1633, imprimée à la suite d'un occasionnel publié par le gazetier. Eugène Hatin (1866) indique qu'il a également eu en mains la Dix-septième Feuille, datée du 21 septembre 1633. Un recueil de la Bibliothèque Mazarine conserve en outre la Dixiesme Feuille du Bureau d'Adresse, du 1er juillet 1633. Paraissant à peu près tous les dix jours, cette feuille aurait donc eu son premier numéro vers le 1er avril de cette même année 1633.

Quelque vingt ans plus tard, se querellant avec les colporteurs parisiens qui contrefont sa Gazette et refusent d'en distribuer l'édition originale, Renaudot annonce qu'il a repris la publication de ces mêmes avis périodiques. Le 8 avril 1651, il indique : «L'espérance que mes faussaires s'amanderont me faisant différer de faire vendre en mes Bureaux et autres lieux des divers quartiers de cette ville mes Gazettes et Extraordinaires, et ne voulant néantmoins priver les curieux des commoditez qui se présentent en mondit Bureau, où ils n'ont pas le temps de les venir chercher, pour satisfaire à leur prière vous serez avertis que vous trouverez un cahier desdites commoditez (cependant que les colporteurs refuseront, comme ils font, de vous l'apporter) tant en mondit Bureau qu'en celui des conditions serviles du Marché-Neuf, devant la porte de S. Louis, rue S. Antoine, et devant celle de S. Jacques de l'Hospital, rue S. Denis, chez un lunettier» (Nouvelles ordinaires, 8 avril 1651). Le 24 juin, il nous informe qu'il s'agit d'un «cahier» hebdomadaire : «Outre le cahier des commoditez qui se sont rencontrées dans ce Bureau et [que] l'on trouve toutes les semaines aux lieux désignés à la fin de chacun desdits cahiers, vous avez eu cette-ci [...]». Le 1er juillet est publié le «treizième cahier des commoditez présentes de ce Bureau que vous trouverez au prix et aux lieux ordinaires». Le 9 septembre, Renaudot est toujours en conflit avec ses colporteurs : «Duquel avis vous apprendrez la nécessité par l'expérience que vous avez eue cette semaine de la malice des colporteurs, lesquels ne crient que fort tard, ou point du tout, mes dits Extraordinaires, afin d'en pouvoir frustrer les personnes avec qui ils ont fait marché pour leur fournir toutes mes impressions le long de l'année, dont ils leur donneroyent la connaissance en les criant : qui est aussi la raison pour laquelle ils ne veulent pas publier les cahiers contenant les grandes et agréables utilitez qui se trouvent tous les jours en ce Bureau : de quoi je vous avertis pareillement, afin que ceux qui ne seront pas moins curieux de l'utile que de l'agréable, les puissent envoyer quérir céans, tant que ces gens de bien persisteront en leur opiniastreté» Nouvelles ordinaires, 9 sept. 1651). Publiés chaque semaine, ces Cahiers des commoditez ont bien débuté le 8 avril 1651 puisqu'ils en sont à leur n°  13 le 1er juillet suivant. Ont-ils duré fort au-delà de leur n°  23 du 9 septembre 1651 ?

Les Cahiers des commoditez sont vendus 3 «blancs» pièce, c'est-à-dire 15 deniers, ainsi que l'indique Renaudot : «Ce cahier ne coustera qu'une pièce de trois blancs, et on y trouvera des terres, offices à vendre, maisons et terres à affermer, et toutes autres adresses à donner et recevoir» Nouvelles ordinaires, 8 avril 1651).

Description de la collection

Les deux Feuilles du Bureau d'Adresse actuellement connues ont toutes deux en commun d'être imprimées à la suite d'occasionnels. Renaudot avait fort bien compris que ces récits, très appréciés de ses contemporains, assuraient à sa feuille une plus large audience que la simple liste des avis de son Bureau d'adresse. En revanche, les deux Feuilles ont des formats bien différents.

Conservée à la Bibliothèque Mazarine (10332 D), une pièce in-folio de 4 p. (format rogné : 164 x 296 mm) présente successivement deux récits occasionnels, puis la Dixiesme Feuille du Bureau d'Adresse. Toute la première page est occupée par La Réception du Roy d'Angleterre en Escosse, relation précédée d'une frise de palmettes et ornée d'une lettrine de début de texte. La deuxième page présente un autre récit, Le Tombeau du Roy de Suéde. Memoriae Sacrum. En bas de page et après un long filet horizontal, débute la Dixiesme Feuille du Bureau d'Adresse du 1. Juillet, 1633. Alors que les deux récits précédents sont imprimés sur toute la largeur de la page, les avis de la Dixiesme Feuille sont présentés sur deux colonnes séparées par un filet vertical. En p. 4, succède aux avis une longue publicité imprimée en italiques. Dans ce texte inédit, Renaudot s'efforce de susciter en province la fondation de Bureaux d'Adresse, promettant à ses éventuels correspondants la primeur des gazettes pour prix de leurs avis, une offre refusée par Peiresc cette même année 1633 (Feyel, p. 7) : «Pource qu'il se trouve plusieurs personnes de toutes les provinces de ce Royaume, qui voyans la commodité que reçoit le public de l'establissement du Bureau d'Addresse en cette ville de Paris et en quelques autres, en souhaittent autant chacun en son pais. L'Intendant Général desdits Bureaux d'Addresse a donné ordre que ceux qui désireront d'y estre employez et pourveuz de la charge de Maistres et Intendants provinciaux ou particuliers de chacune ville, selon le pouvoir qu'il a de Sa Majesté, recevront icy ample instruction des moyens d'exercer lesdites charges avec honneur et profit. A l'exercice desquelles seront propres toutes les personnes de bonne vie et mœurs, moyennant qu'ils sçachent lire et escrire. Mais sur tout les Notaires et autres personnes qui sont desja obligez à se tenir en quelque estude ou Bureau, n'ayant besoing de s'engager à aucune nouvelle despence. Leur exercice consistera à addresser les choses contenues en la table des matières dudit Bureau : et (outre les correspondances qu'ils auront pour les choses cy-dessus) le Bureau de cette ville leur fera tenir des premiers les Gazettes, Nouvelles, Relations et autres choses qui s'y impriment, dont on leur fera une honneste composition». Vient à la suite une annonce en faveur des Conférences du Bureau d'Adressetout juste fondées : «Le premier des deux points desquels il se traittera, ceans en la première heure de la Conférence du lundi 11 du présent mois de juillet, à sçavoir à deux heures après midi sera D'où vient la diversité du raisonnement des hommes. Le second pour la seconde heure, sera De la pierre philosophale. La troisiesme heure sera employée à l'ordinaire, en la proposition, rapport et examen des secrets, curiositez et inventions des arts et sciences licites». La pièce s'achève sur l'adresse : «A Paris, Du Bureau d'Adresse au grand Coq, ruë de la Calendre, le I juillet 1633. Avec Privilege».

Retrouvée par Edouard Fournier qui se garde bien d'en donner les références de conservation, la Quinziesme Feuille du Bureau d'Adresse se trouve à la Bibliothèque nationale, cote 8º Or 95. Il s'agit d'une pièce petit in-8º de 16 pages (format rogné : 104 mm x 159 mm). La page de titre présente le récit occasionnel qui occupe les pages 3 à 9 : Le Duel signalé d'un Portugais, et d'un Espagnol. Extraict d'une lettre escritte de Lisbonne à Paris, au Prince de Portugal. Après un cul de lampe à grotesque, s'étend le colophon : «Du Bureau d'Adresse, au grand Coq, ruë de la Calandre, près le Palais, à Paris, le 31 Aoust 1633. Avec Privilège». En page 10, sous une frise de palmettes, débute la Quinziesme Feuille du Bureau d'Adresse, du premier Septembre 1633, qui s'étend jusqu'à la page 15. Non paginée, la seizième page est occupée par une annonce en faveur des Conférences du Bureau d'Adresse : «Le premier des deux points desquels il se traitera ceans en la première heure de la Conférence du lundi cinquiesme du courant, à sçavoir à deux heures après midi, sera Des causes. En la seconde heure. On recherchera particulièrement pourquoy chacun désire qu'on suive son avis, n'y eust-il aucun interest. La troisiesme heure sera employée à l'ordinaire, en la proposition, rapport et examen des secrets, curiositez et inventions des arts et sciences licites».

Nul doute que les autres Feuilles du Bureau d'Adresse n'aient été elles aussi imprimées à la suite de ces occasionnels de petit ou grand format que Renaudot a publiés en dehors de la Gazette en 1632 et 1633, avant d'en faire ses Extraordinaires à partir de 1634. Nous n'avons pas réussi à retrouver la dix-septième Feuille signalée par Eugène Hatin.

Fondateur(s), directeur(s), collaborateur(s), contributeur(s)

Théophraste RENAUDOT (1586-1653).

Contenu, rubriques, centres d’intérêt, tables

La Dixiesme Feuille du Bureau d'Adresse présente 41 avis, numérotés 1 à 41, répartis en 11 rubriques : Terres seigneuriales à vendre. Maisons et héritages aux champs en roture à vendre. Maisons aux champs qu'on demande à acheter. Maisons à Paris à vendre. Bénéfices à permuter. Offices à vendre. Offices qu'on demande à acheter. Rentes à vendre. Meubles à vendre. Meubles qu'on veut acheter. Affaires meslées. La Quinziesme Feuille offre 35 avis, eux aussi numérotés (1 à 35) et distribués en 10 rubriques, pour la plupart identiques aux précédentes : Terres seigneuriales à vendre. Maisons et héritages aux champs en roture à vendre. Maisons à Paris à vendre. Maisons à Paris à donner à loyer. Maisons à Paris qu'on demande à prendre à loyer. Rentes à vendre. Bénéfice à permuter. Offices à vendre. Meubles à vendre. Affaires meslées. Sur les deux feuilles, chaque avis est suivi de sa référence dans le registre du Bureau d'Adresse. Depuis sa création, le Bureau d'Adresse en est à son troisième registre. Voici par exemple, la Quinziesme Feuille. L'une de ces mentions : «V. 3. f. 250. a. 1. v», signifie «Volume 3, folio 250, article 1, verso». En dehors de trois articles qui n'ont point trouvé preneur, enregistrés depuis assez longtemps (fo 33, 44 et 199 : une cure au diocèse de Troyes, une terre à vendre à Saclay, un office de trésorier du régiment de Limousin), tous les avis ont été enregistrés plus récemment, entre fº 249 et 256 : 6 avis pour chacun des fº 249 à 253, un avis chacun pour fº 254 et 256. Quelques-uns d'entre eux suffiront à prouver que Renaudot est bien à l'origine de la publicité de presse. A les lire, ne croirait-on pas feuilleter l'une des Affiches, annonces et avis divers de Paris ou de province, 150 ans plus tard ? Voici une terre à vendre : «Une terre seigneuriale en chastelenie, avec toute justice, à quatre lieues au deçà d'Orléans, dans la forest, consistant en beau chasteau bien logeable, terres labourables, vignes, prez, droit de pesche et de chasse, bourg qui en dépend, plusieurs mestairies, rentes, droits de patron-nage et autres droits seigneuriaux. Elle est de deux mille livres de revenu, le prix de soixante mille livres. V. 3. f. 252. a. 3. v». Ou bien cette maison parisienne : «On veut transporter le bail d'une maison, qui n'expirera que dans deux ans, vers la montagne Sainte-Geneviève, consistante en petite porte, escurie pour trois chevaux, court dans laquelle y a un beau cabinet, cuisine, puits, salle, six grandes chambres et trois petites, greniers et caves. Le prix de quatre cens vingt-cinq livres. Il faut que celuy qui prendra ce logis veuille tenir des pensionnaires, afin d'acheter vingt lits et autres meubles qui y sont, et on luy laissera douze pensionnaires qui sont dans ledit logis. V. 3. f. 252. a. 2. v». Et puis voici la publicité d'un «donneur d'avis» : «On donnera l'invention d'arrester le gibier et l'empescher de sortir du bois et d'y rentrer, quand il en sera sorti, par d'autres lieux que ceux qu'on voudra. V. 3. f. 253. a. 9. v». Enfin, l'une de ces demandes de compagnie de voyage, très fréquentes jusqu'à la fin du XVIIIe siècle : «On demande compagnie pour aller en Italie dans quinze jours. V. 3. f. 249. a. 3. v».

Localisation(s), collections connues, exemplaires rares

Dixiesme Feuille du Bureau d'Adresse du 1. Juillet 1633, Bibliothèque Mazarine, 10332 D, 32e p.

Quinziesme Feuille du Bureau d'Adresse, du 1er septembre 1633, B.N., 8º Or 95.

Inventaire des addresses du Bureau de Rencontre... avec les trois placards annexes, B.N., Vp 3411 ; Maz., A. 16815 Rés., A.11111 30e p ; B.M. Rouen, Fonds Leber, recueil 4316.

Le Renouvellement des Bureaux d'Adresse, B.N., ms. f. fr. 18600, f° 461 ; B.M. Aix, Rec. D 3, pièce 924.

Bibliographie

H.P.L.P., t. II ; B.H.C., p. 18. – Fournier E., Variétés historiques et littéraires : recueil de pièces volantes rares et curieuses en prose et en vers, t. IX, Paris, 1859, p. 51-61. – Gilles de la Tourette G., Théophraste Renaudot d'après des documents inédits, Paris, 1884. – Grand-Mesnil M.-N., Mazarin, la Fronde et la presse, 1647-1649, Paris, 1967. – Gutton J.-P., La Société et les pauvres : l'exemple de la généralité de Lyon, 1534-1789, Paris, 1971, p. 321-323. – Solomon H.M., Public welfare, science, and propaganda in seventeenth century France. The innovations of Théophraste Renaudot, Princeton, 1972. – Feyel. – «Théophraste Renaudot, l'homme, le médecin, le journaliste, 1586-1986». Colloque du 29 novembre 1986, Cahiers de l'Institut français de Presse, n°  1, sept. 1987, 118 p.

Historique

Médecin de Montpellier, Théophraste RENAUDOT (1586-1653) exerce son art à Loudun, sa ville natale, jusqu'en 1625. Il s'y fait apprécier de Scévole de Sainte-Marthe, du père Joseph, de Richelieu, alors jeune évêque de Luçon. Grâce à ces patronages, il va s'efforcer pendant dix-huit ans, de réaliser la grande idée philanthropique qui lui tient à cœur, le Bureau d'Adresse. Médecin ordinaire du roi, il en obtient dès 1612 «la permission et privilège, exclusivement à tous autres de faire tenir Bureaux et Registres d'addresses de toutes les commoditez réciproques de ses sujets, en tous les lieux de son royaume et terres de son obéissance qu'il verra bon estre. Ensemble de mettre en pratique et establir toutes les autres inventions et moyens par luy recouverts pour l'employ des pauvres valides et traittement des invalides et malades, et généralement tout ce qui sera utile et convenable au règlement desdits pauvres» (Brevet du 14 oct. 1612). L'affaire traîne ensuite dans les bureaux du Conseil d'Etat (avis favorable du 30 oct. 1617, arrêts des 3 févr. 1618, 28 févr. et 22 mars 1624), malgré les efforts du tout nouveau «Commissaire général des pauvres du royaume» (titre obtenu en févr. 1618). Jean-Pierre Gutton a retrouvé quelques interventions de cet infatigable «donneur d'avis» : le voici proposant en 1617 un «Factum du règlement des pauvres mandians de ce royaume», puis soumettant à l'Assemblée des notables réunie par Richelieu en 1626 une «Requête au roi en faveur des pauvres». Il s'agit d'un plan complet d'assistance. Après avoir débuté sur les maux provenant de l'oisiveté et de la mendicité, Renaudot estime que les hôpitaux, s'ils sont multipliés - un par bailliage ou sénéchaussée – et bien administrés, suffiront à recueillir les pauvres invalides. Restent les mendiants valides qu'il est urgent d'assister et pour lesquels il propose vingt moyens de les remettre au travail. Les Bureaux d'Adresse seraient en quelque sorte des offices de placement qui réduiraient le nombre des jeunes ruraux vagabondant ou mendiant en ville, dans l'attente d'un emploi hypothétique. Les pauvres non placés seraient employés à défricher les «terres vaines» et les marais ou bien à des travaux de voirie. Ceux qui refuseraient de travailler pourraient être châtiés et emprisonnés.

Renaudot doit attendre encore plusieurs mois avant de donner une forme concrète à ces idées. C'est l'objet de la déclaration royale du 31 mars 1628 établissant les Bureaux d'Adresse. Il s'agit toujours de permettre aux pauvres de «rencontrer les addresses de leurs nécessitez», mais il n'est plus question de contraindre qui que ce soit à en utiliser les services. Leur fonctionnement est si minutieusement précisé – les registres d'inscription, les frais d'enregistrement pour les éventuels employeurs, la gratuité pour les pauvres, l'information qu'il est nécessaire de donner en cas de placement ou de changement d'avis –, que Renaudot et ses successeurs reprendront souvent les termes de la déclaration, lorsque plus tard ils vanteront l'utilité de ces Bureaux ou voudront les relancer : «Nous avons dit et déclaré, disons, déclarons, voulons et nous plait que ledit Renaudot et ceux qui auront droit de luy puissent, conformément à nostredit Brevet (de 1612), establir des Bureaux et tables de rencontres en tous les lieux de nostre obéissance qu'ils verront bon estre ; ausquels Bureaux il pourra mettre des commis, dont il demeurera civilement responsable, qui tiendront livres et registres dans lesquels il sera permis à un chacun de faire inscrire et enregistrer, par chapitres distincts et séparez, tout ce dont il pourra donner addresse sur lesdites nécessitez, et semblablement d'y venir apprendre et recevoir lesdites addresses par extraits desdits registres. Sans qu'il soit payé plus de trois sous pour chacun enregistrement ou extrait desdits registres, et gratuitement pour les pauvres ; et sans qu'aucun soit contraint se servir desdits Bureaux, tables et registres, si bon ne luy semble. A la charge que ceux qui se seront fait enregistrer seront tenus venir faire descharger le registre dans vingt-quatre heures après qu'ils auront rencontré la chose pour laquelle ils s'estoient fait inscrire, et à l'instant mesme qu'ils auront changé d'avis, en cas qu'ils en vinssent à changer, sous les peines ausquelles ils se soumettront lors dudit enregistrement ; et ce pour obvier à l'incommodité qui adviendrait en addressant des personnes aux lieux où ils ne trouveroient plus ceux qui se seroient inscrits : ce qui priverait lesdits Bureaux de l'utilité que le public en attend ; et pour laquelle descharge il ne sera rien payé».

S'il ne s'agit toujours ici que de soulager les pauvres valides en leur offrant du travail, Renaudot ne va pas en rester là. Avant même son ouverture, il va élargir les compétences du Bureau d'Adresse, soit parce qu'un simple Bureau de placement n'était pas suffisamment rentable, soit plus certainement parce qu'il se heurte à l'opposition des «recommanderesses», «proxénètes» et autres intermédiaires traditionnels. Encore lui faut-il protéger d'éventuels concurrents ses nouveaux projets. C'est là tout l'intérêt du privilège du 8 juin 1629, dont à notre connaissance, personne n'a jusqu'à présent mesuré toute l'importance. Il s'agit tout bonnement d'un privilège de librairie, protégeant de toute contrefaçon un ouvrage à venir intitulé Inventaire des Addresses du Bureau de Rencontre, livre où notre médecin pourra exposer ses nouvelles idées sans risquer la contrefaçon. Du même coup, l'habile homme force quelque peu la main du pouvoir, qui lui donne une sorte de blanc-seing : «Nostre bien amé Théophraste Renaudot [...] nous a très humblement fait remontrer que pour l'effet et exécution du Brevet que nous luy avons concédé, contenant la permission et privilège, exclusivement à tous autres de faire tenir Bureaux et Registres d'addresses ou tables de rencontre de toutes les commoditez de nos sujets [...], il serait nécessaire, pour mieux faire comprendre et gouster au public l'utilité qui s'en peut tirer, de mettre au jour un livre par luy composé sur ce sujet, intitulé L'Inventaire des Addresses du Bureau de Rencontre, qu'il désirerait faire imprimer ; mais il craint que l'ayant fait, et exposé qu'il sera en vente, d'autres libraires et imprimeurs que ceux qu'il aura choisis ne le fassent imprimer, et, par ce moyen, qu'il fût frustré du fruict et effet de son œuvre et labeur, ce qui ne serait raisonnable. A ces causes, luy avons permis et octroyé, permettons et octroyons par ces présentes, ou à ceux qui auront de luy charge et pouvoir, d'imprimer ou faire imprimer, vendre et distribuer partout nostre Royaume ledit livre, avec défense à tous autres, s'ils n'ont charge et pouvoir de luy de le faire imprimer, vendre et distribuer, durant le temps et terme de six ans, à compter du jour et date de l'impression dudit livre, sous peine de confiscation de tous les exemplaires qui en seront trouvez, et d'amende arbitraire, etc.» Au début de l'été 1629, les intérêts lésés par les initiatives de Renaudot - les intermédiaires traditionnels, les six corps des marchands de Paris ou bien les imprimeurs-libraires ? - tentent sans y parvenir d'empêcher la fondation du Bureau d'Adresse. L'affaire remonte jusqu'au Parlement qui déboute les opposants et ordonne que Renaudot jouira «desdits Brevets, Arrests du Conseil, Déclaration et Privilège», «sans qu'aucun autre se puisse immiscer, sinon par son censentement de faire les impressions et adresses y mentionnées» (arrêt du 9 août 1629). Le roi tranche enfin l'affaire le 13 février 1630, dans ses «Lettres de confirmation du don desdits Bureaux d'addresses», entérinées le 5 mars suivant par le Prévôt de Paris. Alors semble-t-il, Renaudot établit son Bureau d'Adresse et publie Inventaire des addresses du Bureau de Rencontre.

Cette mince plaquette de 32 p. in-8º, 162 x 217, est titrée Inventaire des addresses du Bureau de Rencontre, ou chacun peut donner et recevoir avis de toutes les nécessitez, et commoditez de la vie et société humaine. Par permission du Roy, contenue en ses Brevet, Arrest de son Conseil d'Estat, Déclaration, Privilège, Arrest de sa Cour de Parlement, Sentence et jugement donnez en conséquence. Dédié à Monseigneur le Commandeur de La Porte, par T. Renaudot, Médecin du Roy. Après la vignette aux armes royales s'étend le colophon, «A Paris, A l'enseigne du Coq ruë de la Calandre sortant au Marché neuf, ou ledit Bureau d'adresse est estably. 1630». Ce prospectus dont il a un peu honte – ne l'achève-t-il pas sur une excuse : «Lecteur, reçoy par avance ces premières feuilles, que l'impatience de plusieurs a tiré des mains de l'Autheur plus tost qu'il ne pensait» ? – lui est cependant tout à fait suffisant pour donner aux activités de son Bureau toute l'ampleur qu'il leur souhaite désormais. Ce livre manqué débute sur une dédicace à Amador de La Porte, un puissant personnage puisqu'il s'agit de l'oncle de Richelieu (p. 2-8). Après un quatrain de son fils Isaac, et les pompeux éloges d'Amador de La Porte, du Cardinal et du Roi, Renaudot cherche à se justifier de «la diversité de ses emplois» auprès de ses confrères médecins, ses censeurs : «la médecine est le centre de mon repos, c'est la masse de mon édifice». Il s'engage à abandonner son Bureau à des commis, une fois celui-ci bien établi : «Joygnez à cela que ce mien dessein, une fois estably comme il est, n'a plus que faire de mon industrie, et me laisse assez content d'en avoir esté le premier mobile : car de trouver mauvais en moy seul ce que l'usage approuve en tant d'autres, qui font exercer leurs greffes et offices par des commis, ce serait le fait d'une injustice trop ouvertement passionnée». Puis vient une préface (p. 9-13) où Renaudot utilise l'autorité de Montaigne pour légitimer son projet, un «lieu public» où chacun pourrait «rencontrer à point nommé ses nécessités, qui plus, qui moins, selon ses facultés et connaissances, petites ou grandes» : «Feu mon père, écrivait Montaigne Essais, livre I, chap. 34), home pour n'estre aydé que de l'expérience et du naturel, d'un jugement bien net, m'a dit autrefois qu'il avoit désiré mettre en train qu'il y eust ez villes certain lieu désigné auquel ceux qui auroyent besoin de quelque chose se pourroyent addresser et faire enregistrer leur affaire à un officier estably pour cet effect. Comme je cherche des perles à vendre, je cherche des perles à achepter ; tel veut compagnie pour aller à Paris ; tel s'enquiert d'un serviteur de telle qualité, tel d'un maistre ; tel demande un ouvrier, qui cecy, qui cela, chacun selon son besoin. Et semble que ce moyen de nous entr'advertir apporterait une légère commodité au commerce public». Voici donc les Bureaux d'Adresse légitimés non plus seulement par la charité, mais aussi par l'économie, l'argument mercantiliste. Les pages suivantes (p. 14-20) présentent la longue suite des actes royaux qui de 1612 à 1630 furent nécessaires à leur établissement. Le sujet même de l'ouvrage s'étend sur à peine le tiers de la brochure (p. 21-32). Au vrai, il s'agit seulement d'un plan détaillé, un Sommaire des chapitres de l'Inventaire des Addresses du Bureau ou table de rencontre, où sont contenues les matières desquelles on y peut donner et recevoir avis, fort artificiellement divisé en trois livres, de chacun vingt-et-un chapitres. Bien sûr, le Bureau est d'abord au service des pauvres (livre I). Il enregistrera toute idée nouvelle concernant leur soulagement, donnera l'adresse de ceux qu'il faut «ausmoner», des médecins, chirurgiens et apothicaires voulant bien dispenser gratuitement leurs soins, consignera «toutes les expériences qu'on aura et qu'on voudra donner au public des effets admirables des simples et autres remèdes» – voilà les débuts de la publicité pharmaceutique, si riche d'avenir ! –, recevra les factums «bien circonstanciés» et anonymes pour les «maladies secrettes» et «se chargera de leur faire donner promptement avis et consultation ample». Au-delà du service des pauvres, le Bureau révèle ses compétences universelles, lorsqu'il se tourne vers une clientèle plus aisée (livre II). C'est bien sûr un Bureau de placement où l'on pourra trouver des apprentis et des compagnons, mais aussi tous les domestiques, depuis le chapelain et le «gentilhomme suivant» jusqu'aux plus petits «vadepieds et laquais». Il indiquera les adresses des meilleures académies pour les exercices de la noblesse, les collèges, les petites écoles, pensions, etc. Et puis le voici s'occupant des bénéfices ecclésiastiques à permuter, des offices à vendre ou acheter, des maisons et chambres à louer, des terres à affermer, de l'achat ou de la vente des meubles (ameublements de maisons, carrosses, litières, navires et bateaux, bois sur pied et abattu, fruits, provisions, etc.). La publicité faite à tous ces échanges protégera l'intérêt des parties : «Les mémoires qu'on en laissera au Bureau, estant exposez aux yeux de ceux qui les voudront voir avec leurs conditions, donneront aux locataires et fermiers le choix des conditions plus advantageuses, et feront cesser les cabales desdits fermiers par l'enchère que d'autres y pourront mettre». Le Bureau offre aussi ses services aux négociants et autres gens d'affaires : «Associations pour négoce et trafic par mer et par terre. Les commoditez de faire tenir et recevoir promptement nouvelles des lieux où on aura affaire, et y donner correspondance sans y aller. Sçavoir le prix courant des marchandises ez lieux de trafic. Peuplades d'isles et terres nouvellement découvertes». Il donnera «addresse de ceux qui ont 1º argent à prester et emprunter, 2º ou bien à employer en achapt d'héritages, 3º rentes seigneuriales, 4º foncières, 5º et constituées sur le Roy, 6º la maison de ville, 7º corps et communautez, 8º et particuliers. Donnant moyen, tant aux créanciers et acquéreurs qu'aux débiteurs et vendeurs de choisir les meilleures et plus justes conditions qui s'offriront à eux». Dans son livre III, Renaudot donne des garanties à tous ceux dont le Bureau pourrait froisser les intérêts : il «ne fera de tort à personne, sera commode à chacun, mesme aux entremetteurs et proxénètes». Il facilitera même leurs opérations, contribuant à l'assainissement de la profession, en donnant «moyen de choisir les plus fidelles de ces entremetteurs, au lieu qu'on estoit contraint de fier des choses de conséquences à des femmelettes et gens sans adveu, qui trompent ordinairement les deux parties». Assurant sa clientèle du secret le plus absolu si elle le désire, garantissant l'honnêteté de ses commis, Renaudot achève en donnant le mode d'emploi de son Bureau – rédaction d'un «mémoire exact de ce dont on veut donner et recevoir avis, et à quelle condition», formalités d'enregistrement au Bureau, etc.

Ce livre manqué est accompagné de deux placards de petit format qui furent certainement distribués aussi bien qu'affichés sur les murs de Paris. Le premier, un Advertissement au lecteur, permet à Renaudot de rassurer les six corps des marchands parisiens puisqu'il s'y engage à ne faire aucun commerce : «le Bureau ne fournira d'aucune autre chose que d'addresses et mémoires pour faire rencontrer à chacun ses nécessitez et commoditez, en leur donnant plus prompte et facile cognoissance des personnes et lieux où ils les trouveront : affin qu'on n'y vienne chercher autre chose, et qu'aucun ne prenne sujet de se plaindre, comme s'il fournissoit et administrait les choses pour l'exercice, manufacture et débit desquelles sont establies les diverses professions, arts et mes-tiers, dont la société humaine est composée». Surmonté des armes royales, le second placard est plus proprement publicitaire : «De par le Roy. On fait assavoir à toutes personnes qui voudront vendre, acheter, louer, permuter, prester, emprunter, apprendre, enseigner ; aux maistres qui veulent prendre des serviteurs, et à ceux qui cherchent condition pour servir, en quelque qualité que ce soit ; à ceux qui auront les lieux, commoditez et industries propres pour estre employez à quelques-unes des choses mentionnées en ce présent livre, ou qui auront d'autres avis à donner ou recevoir pour toutes sortes d'affaires, négoces et commoditez quelconques, qu'ils y seront reçus indifféremment, sans qu'on y préfère ou favorize aucun autre que celuy qui fera la condition du public meilleure ; et qu'ils se pourront addresser au Bureau estably à cet effet par Sa Majesté pour la commodité publique, qui est ouvert depuis huict heures du matin jusques à midy, et depuis deux jusques à six de relevée, ausquelles heures chacun sera receu à y venir, ou envoyer donner et rencontrer l'addresse qu'il désirera. Ledit Bureau d'addresse se tient près le Palais, rue de la Calandre, et au Marché-Neuf, à l'enseigne du Coq  . Accompagnant parfois ces deux derniers, un troisième placard, de format petit folio celui-ci, très probablement publié l'année suivante (1631) – Renaudot y indique : «Trois mille personnes, placées en diverses conditions, et quatre fois autant qui, depuis son establissement, ont trouvé dans nostre Bureau, I'addresse des commoditez contenuës en ceste Table, luy serviront [mon Lecteur] de recommandation envers vous : s'il en faut encor à ceste institution, après tant de titres, et la possession qu'elle a de la voix du peuple» – et titré Table des choses dont on peut donner et recevoir advis au Bureau d'addresseprésente sur trois colonnes leur liste alphabétique, depuis «l'Abbregé des sciences, et briesves méthodes de les apprendre» jusqu'à «l'Ypecras, malvoisie, vins excellentz, etc.».

Se limitant à son seul Bureau d'Adresse, Renaudot aurait déjà beaucoup fait pour promouvoir la publicité. Il alla plus loin, accumulant autour de cette première fondation de nouvelles initiatives, certaines porteuses d'avenir, comme la Gazette (1631) puis les Conférences du Bureau d'Adresse (1633), d'autres fort dangereuses car elles vont soulever contre lui la double et irréductible opposition de la Faculté de médecine et des six corps des marchands.

Oubliant ses premiers engagements, Renaudot va assez rapidement s'évader des «adresses» ou simples indications pour faire un véritable commerce des objets déposés dans son Bureau. Il a bien sûr pour cela de si excellentes raisons qu'il obtient les 27 mars et 1er avril 1637 un Arrêt du Conseil et un Brevet du roi y autorisant les troques ou échanges, de même que les «ventes à grâce, et pures et simples». En ces temps difficiles de guerre et de misère, il s'agit de secourir les «gentilshommes et autres sujets» du roi, en leur prêtant les deux-tiers de la valeur de l'objet déposé en gage au Bureau ; au bout de deux mois, l'emprunteur peut «racheter» le gage en restituant la somme prêtée, ou bien l'objet est vendu aux enchères. Pour ces «ventes à grâce avec faculté de rachat», de même que pour les ventes «pures et simples» ou les échanges, le Bureau d'Adresse touche du vendeur un droit de 2,5 % (6 deniers par livre). Inutile de le dire ! Cette ébauche de mont-de-piété souleva contre elle l'opposition violente des usuriers, et surtout celle des six corps de marchands qui y voyaient une concurrence déloyale.

Autre promesse non tenue, la liberté de fréquenter ou non le Bureau d'Adresse. Les maîtres se plaignant de ne plus trouver de compagnons, le lieutenant civil de Paris, Isaac de Laffemas, ordonne le 9 décembre 1639 à «tous ceux qui chercheront maistre, de se faire inscrire audit Bureau dans les vingt-quatre heures de leur arrivée en cette ville, et de prendre les conditions qui leur seront indiquées audit Bureau, à peine des galères, comme vagabonds et gens sans adveu». Cette contrainte est encore renforcée par une nouvelle ordonnance en mars suivant (1640).

Depuis 1634 ou 1635, un petit groupe de médecins avaient pris l'habitude de se réunir autour des Conférences du Bureau d'Adresse. Favorables à une médecine clinique et aux remèdes chimiques, ces médecins offraient souvent des consultations gratuites aux pauvres qui fréquentaient le Bureau, ce qui ne pouvait que déplaire à la Faculté de médecine de Paris, adepte fervente de la vieille scholastique. Toujours désireux d'aller au bout de ses initiatives, Renaudot fonda coup sur coup en 1640 un laboratoire où les remèdes chimiques seraient préparés gratuitement par les apothicaires parisiens qui le désireraient, et les «Consultations charitables pour les malades», où les pauvres étaient soignés gratuitement par une équipe de médecins, docteurs de Montpellier (Lettres patentes du 2 sept. 1640). Frappée de plein fouet par le succès immédiat de ce «dispensaire», en grand péril de voir disparaître et ses étudiants et ses malades, la Faculté entra dès l'automne 1640 dans une longue suite de procès qui s'acheva le 1er mars 1644, devant le Parlement de Paris, sur la défaite du philanthrope trop entreprenant. Le coup était rude. Sous l'influence de l'avocat général Orner Talon qui avait amalgamé dans la même réprobation toutes les activités du Bureau d'Adresse, Renaudot se voyait interdire l'exercice de la médecine et ses «ventes à grâce» étaient suspendues jusqu'à plus ample examen.

Suspension on ne peut plus mal venue ! Quelques mois plus tôt, Renaudot avait dû réaffirmer ses droits contre un protégé du duc d'Orléans et du prince de Condé, Balthazar Gerbier. Ce dernier avait reçu des Lettres patentes et un Brevet (3 septembre 1643) pour l'établissement de monts-de-piété à Paris et dans de nombreuses autres villes de France. A son tour, pour se débarrasser de ce rival inattendu, il avait dû obtenir le mois suivant (oct. 1643), des Lettres patentes pour conforter le privilège de ses «ventes à grâce». Pour montrer sa bonne volonté, il se soumet au Parlement et suspend provisoirement toutes les activités de son Bureau d'Adresse, s'efforçant de négocier la réouverture des «ventes à grâce». Mais les six corps des marchands, saisissant immédiatement l'opportunité qui s'offre, bataillent pour la fermeture du Bureau. En 1650 encore, Renaudot est toujours en procès avec eux, et ne parvient pas à faire «vérifier» par le Parlement les Lettres patentes d'octobre 1643. Il a rouvert le Bureau d'Adresse en janvier 1647, un Bureau désormais cantonné dans la seule indication des «commoditez». Les six corps des marchands ne désarmeront jamais par la suite. Voilà l'une des causes de l'échec du Bureau d'Adresse à la fin du XVIIe siècle. Dès qu'il sera soupçonné, à tort ou à raison, de recevoir des objets pour en assurer la vente, il se verra interdire sous la pression des marchands. D'où cette succession de créations avortées ou peu durables entre 1669 et la fin des années 1710 (voir la notice Liste des avis du Bureau d'Adresse

Lorsqu'en 1647, Renaudot relance son Bureau d'Adresse, il publie une brochure de 54 p. petit in-8º, 115 x 177, Le Renouvellement des Bureaux d'Adresse, a ce nouvel an MDCXLVII. Avec une ample explication de leurs utilitez et commoditez. Par Théophraste Renaudot Conseiller et Médecin du Roy, Historiographe de Sa Majesté, Maistre et Intendant général des Bureaux d'Adresse de France.éditée «A Paris, Du Bureau d'Adresse, qui se tient au Marché-neuf, MDCXVII. Avec privilège». Après une longue introduction (p. 3-29), viennent une liste alphabétique des commodités présentes au Bureau d'Adresse, en partie reprise du placard de 1631 (p. 29-52), puis une pièce de vers où sont vantés les bienfaits du Bureau, «conceu par Aristote, enfanté par Montagne, produit par Renaudot, dessous un juste Roy» (p. 53). Renaudot y explique les difficultés que le Bureau a vécues pendant ses quatorze années d'existence (1630-1644). Ne pouvant s'y trouver constamment, il en a confié la gestion à des commis qui n'ont pas toujours su mériter la confiance du public. Ces derniers se sont montrés infidèles, gardant pour eux les affaires les plus rentables qu'ils évitaient d'enregistrer afin de les traiter personnellement et d'en enlever le profit au Bureau. Ou bien, cas moins répréhensible, ils ont été parfois négligents, oubliant les enregistrements nécessaires. De son côté, le public n'a pas toujours correctement rédigé les «mémoires» à enregistrer. Se méfiant trop souvent de la publicité des affaires, préférant le secret, il a souvent encouragé l'infidélité des commis. Pour y remédier, l'Intendant général des Bureaux d'Adresse décide d'instituer désormais un double enregistrement. Tous les avis ou adresses seront d'abord insérés, moyennant le droit habituel de 3 sous, sur un «registre secret», où les feuillets seront cotés, les articles cotés et datés à la suite, avec la mention des noms et domiciles des intervenants. Ils seront immédiatement reportés dans les «registres publics», sans les noms des parties. Chacun de ces derniers registres, servi par un commis spécialisé, sera consacré à un type d'adresses : offices, terres ou meubles à vendre ou à louer, prêts d'argent, rentes constituées, nantissements, etc. Ainsi sera conservé le secret. Lorsqu'un particulier choisira librement dans l'un des registres publics tel ou tel avis qui lui conviendra, il paiera le droit de 3 sous pour s'en faire délivrer un extrait du registre secret, «afin de vuider par là sa curiosité, laquelle autrement se pourrait porter à sçavoir témérairement les affaires d'autrui, ce qu'on ne fait pas si volontiers quand il en doit couster quelque chose». Tout commis coupable de négligence dans l'enregistrement sera pénalisé d'une amende de 12 sous.

Malgré ses difficultés de gestion, le Bureau d'Adresse paraît avoir eu beaucoup de succès, s'il faut en croire les chiffres de fréquentation publiés par son fondateur : plus de 80 000 personnes «de plusieurs conditions» auraient été placées pendant quatorze ans – soit plus ou moins 5700 par an. En sept ans, les «ventes à grâce» auraient fait encore beaucoup mieux: 120 000 personnes, dont 20 000 marchands, y auraient emprunté sur gage – c'est-à-dire plus de 17 000 chaque année ! (Chiffres présentés par le Renouvellement et les quelques factums conservés à la B.N., recueil Thoisy 148).

Auteur

Titre indexé

FEUILLE DU BUREAU D'ADRESSE

Date indexée

1633
1634
1635
1636
1637
1638
1639
1640
1641
1642
1643
1644
1645
1646
1647
1648
1649
1650
1651

FEUILLE DES ARRIVÉES AU PORT SAINT-NICOLAS

0456
1765

Titre(s)

Feuille des arrivées au port Saint-Nicolas.

Dates, périodicité, privilège(s), approbation(s)

Feuille signalée par une publicité insérée dans l'Avant-Coureur. Elle n'a pas été retrouvée. Il s'agit d'une «facture», c'est-à-dire d'une liste imprimée des marchandises arrivant à Paris, par la Seine, au port Saint-Nicolas. Les papiers du directeur de la Librairie, Malesherbes, conservent quelques feuilles analogues pour les années 1750. En 1756, un certain Le Camus propose un prospectus manuscrit d'une de ces «factures» qu'il projette de publier à Paris, Le Courtier ou factures des marchandises, tant de celles arrivées aux douanes et aux ports de Paris que de celles à vendre dans les provinces. «Les Négociants et Marchands seulement auront la liberté d'y faire insérer la facture des marchandises qui leur arrivent, ceux de la province pourront également y envoyer le bordereau de celles qu'ils ont à vendre pour en informer le public. L'intitulé de ce projet est déjà démontré par l'expérience puisqu'il s'exécute depuis longtemps dans les ports de mer, dans les villes commerçantes, et même à Paris par quelques corps de Marchands, entre autres par les Epiciers». Le promoteur d'un autre projet, la Correspondance générale du commerce de terre et de mer, tant national qu'étranger, ouvrage périodique, joint à son prospectus, «pour preuve», quelques-unes des factures «imprimées des marchandises à vendre ou qui sont arrivées et de leur prix courant». Outre le Cours des marchandises de Rouen (voir notice), il s'agit d'une «facture» parisienne. Non titrée, imprimée recto-verso sur un feuillet de format oblong (110 x 352), cette dernière est ornée de la nef des armes de Paris. C'est une succession de trois «chargements» (n° 32, 33, 34) de barques venues de Rouen et tout juste arrivées au port de Paris: pour chaque marchandise sont précisés le marchand propriétaire et la quantité. Au bas du verso, est mentionnée la date de la feuille: «A Paris, ce 20 juin 1756» (B.N., ms. f. fr. 22135, pièces 39 à 45). Nul doute. De nombreuses «factures» de ce genre furent distribuées, feuilles si éphémères qu'il n'en reste à peu près rien aujourd'hui.

Auteur

Additif

Contenu, rubriques, centres d’intérêt, tables: Le Journal des savants d’août 1765 signale la cessation du journal au mois de mai 1765: «La Feuille des arrivées au port Saint-Nicolas cessant d’avoir lieu au mois de mai, les personnes qui la recevaient sont priées de faire savoir si elles veulent qu’on leur envoie la Feuille du marchand et du consommateur, qui sera plus utile et plus considérable que la première, et de faire inscrire au Bureau leurs noms et leur demeure.» (p. 128).

Auteur additif

Titre indexé

FEUILLE DES ARRIVÉES AU PORT SAINT-NICOLAS

Date indexée

1765

EXTRAIT DES DÉCLARATIONS DE LA VICOMTE DE L'EAU

0436
1751

Titre(s)

Extrait des déclarations fournies au Bureau de la Vicomte de l'Eau.

Dates, périodicité, privilège(s), approbation(s)

Un seul numéro conservé (n° 53, 14 septembre 1751) de cette feuille qui paraissait plusieurs fois la semaine à Rouen.

Description de la collection

Une feuille de 4 p., longues lignes, in-4° de format oblong, 98 x 262.

Édition(s), abonnement(s), souscription(s), tirage(s)

S.l.s.n. Sur l'exemplaire conservé, on trouve cette mention manuscrite à l'encre: «Les négociants qui prennent cette feuille payent au sieur Larcher chacun 10 £ par an».

Fondateur(s), directeur(s), collaborateur(s), contributeur(s)

LARCHER, officier de l'Eau.

Contenu, rubriques, centres d’intérêt, tables

Liste des déclarations (marchandises, cargaisons arrivées à Rouen) sans commentaires.

Localisation(s), collections connues, exemplaires rares

B.N., ms. f. fr. 22133, pièce 5.

Auteur

Titre indexé

EXTRAIT DES DÉCLARATIONS DE LA VICOMTE DE L'EAU

Date indexée

1751