ANNONCES POUR LES PAYS-BAS FRANÇAIS

Numéro

0051

Titre(s)

Annonces, Affiches et Avis divers pour les Pays-Bas Français.

Le prospectus porte le titre d'Annonces et Affiches pour les provinces de Flandre et Artois mais lors du tirage du premier numéro, le titre est Annonces, Affiches et Avis divers pour les Pays-Bas Français.

Il ne faut pas confondre le périodique lillois avec les Annonces et avis divers des Pays-Bas (2 déc. 1760 – 1762) publié par Brindeau-Desroches et Maubert de Gouvest, à Bruxelles.

Titre indexé

ANNONCES POUR LES PAYS-BAS FRANÇAIS

Dates, périodicité, privilège(s), approbation(s)

Janvier 1761 – 28 décembre 1762. En mars 1759, Charles Joseph Panckoucke, libraire établi à Lille, reprend le projet de son père André Panckoucke, et adresse une demande de privilège à l'intendant des Flandres Antoine Le Fèbvre de Caumartin. Celui-ci accepte la publication des Annonces affiches et avis divers pour les Pays-Bas français. Aussitôt Lamoignon de Malesherbes, directeur de la librairie, lui rappelle: «Suivant les règlements, les intendants ne sont chargés dans aucun cas de donner des permissions d'imprimer. Les feuilles volantes et autres brochures de peu de consistance sont permises par les lieutenants de police de chaque ville et les plus considérables ne peuvent l'être que par un privilège ou avec permission scellée, c'est-à-dire par M. le Chancelier». Malgré son esprit éclairé et sa tolérance, Malesherbes veut rappeler les exigences de la législation et les monopoles parisiens. Peut-être redoute-t-il les audaces de la part de cet ami des philosophes qu'est C.J. Panckoucke.

Dans son prospectus, Panckoucke annonce la publication en janvier 1761 des Annonces et affiches pour les provinces de Flandre et d'Artois,sous la protection de M. le Maréchal, prince de Soubise, M. le Maréchal duc de Belle-Isle et de M. de Caumartin, Intendant de cette Province.

Hebdomadaire distribué les mercredis.

Description de la collection

Un volume de 464 p., comportant 52 numéros, du 7 janvier au 30 décembre 1761. Cahiers de 8 p. in-8°.

Édition(s), abonnement(s), souscription(s), tirage(s)

Le prix de la souscription, fixé d'abord à 10 £ par an, est abaissé, après réclamation des souscripteurs, à 8 £ 10 s. pour les Lillois, à 10 £ pour les autres villes. Chaque numéro est envoyé par la poste franco de port dans toutes les villes du royaume; on précise: «à l'égard des endroits où la Poste ne va point, nous la ferons remettre dans les lieux qu'on nous indiquera». Cette feuille est imprimée sans division verticale, en 10 p., in-8°.

Chez Jean-Baptiste Henry, de Lille. Le format n'a pas varié pendant la publication des 42 numéros dont Panckoucke est responsable, c'est-à-dire du 7 janvier 1761 au 20 octobre 1762. Un supplément absorbe le surplus d'informations commerciales et littéraires.

Le censeur est Malus, commissaire des guerres.

Le premier numéro rayonne d'optimisme: le nombre des souscripteurs «a passé notre attente». Les Annonces du 15 décembre 1761 mentionnent un tirage de 600 alors qu'à la même époque les journaux de province disposent rarement de 200 abonnements.

Panckoucke se montre prudent: «On nous permettra de ne pas répondre actuellement à ceux qui ont avancé dans le public que cet établissement n'aurait pas lieu ou qu'il ne continuerait pas. Comme ces personnes n'ont probablement pas autant que nous combiné ce projet et que, d'ailleurs, ils ignorent les ressources et les correspondances que nous nous sommes ménagées, ce n'est qu'à la 52e feuille de ce journal que nous leur donnerons réponse». Le 9 décembre 1761, pour accroître l'audience, il promet l'édition d'une Histoire de Lille en supplément de quatre pages numérotées séparément. C'est celle de Montlinot que le Parlement de Douai condamne. Le 13 janvier 1762, Panckoucke avoue: «Le nombre des abonnés étant considérablement diminué, comme on peut s'en assurer par le registre de la Poste, nous ne pouvons pas tenir l'engagement que nous avions contracté avec nos souscripteurs en leur fournissant gratis le supplément de l'Annonce».

Les demandes de remboursement sont nombreuses. Panckoucke abandonne la direction des Annonces le 20 octobre 1762. L'imprimeur Henry prend en charge, jusqu'au 28 décembre 1762 (n° 104) les Annonces.

Fondateur(s), directeur(s), collaborateur(s), contributeur(s)

La rédaction est assurée par Charles LE CLERCQ DE MONTLINOT, chanoine de Saint-Pierre à Lille (1732-1801); né à Crépy en Valois (Oise), docteur en théologie et docteur en médecine, il manifeste des idées hardies, défendant Encyclopédie contre Abraham Chaumeix, publiant des extraits de La Mothe le Vayer, empruntant des principes à Spinoza, à Helvétius, à Diderot, polémiquant avec le père Sylvin, un capucin lillois, et avec Louis Wartel, un chanoine régulier de Cysoing. En juillet 1761, Montlinot cesse sa collaboration aux Annonces.

Parmi les collaborateurs, M. de La Moot est bibliothécaire de Saint-Pierre; Pierre Joseph Dumonchaux est médecin (né à Bouchain en 1733, mort à Saint-Domingue en 1765); Alexandre Xavier Hardouin (1718-1785), secrétaire de l'Académie d'Arras, confie ses poésies et ses études grammaticales; Jean-Baptiste Junquières, lieutenant de la capitainerie royale des chasses de Senlis, compose des poèmes; Aimé Feutry, avocat au Parlement de Flandres, secrétaire du maréchal de Richelieu, se fait connaître par ses poésies romantiques, ses traductions d'ouvrages anglais, ses recherches sur les machines de guerre. Ami de Franklin, Feutry est acquis aux idées des encyclopédistes et collabore au Journal étranger, au Mercure, à Almanach des Muses...

Contenu, rubriques, centres d’intérêt, tables

Le prospectus expose les intentions de Panckoucke. Sa feuille ne rivalisera ni avec les gazettes, ni avec les périodiques parisiens. Son intérêt est géographiquement localisé aux deux provinces de Flandre et d'Artois. Elle s'apparente aux périodiques de Nantes, de Lyon, de Toulouse, de Bordeaux mais, au lieu d'être bornée à une ville, elle s'adresse à «deux provinces considérables dont l'une est peut-être la plus peuplée et la plus commerçante du royaume». C'est donc un organe régional qui s'inscrit dans la renaissance de l'esprit provincialiste au milieu du XVIIIe siècle. «Si le public, poursuit le prospectus, témoigne tant d'empressement pour les nouvelles étrangères, ordinairement frivoles et douteuses et même assez souvent reconnues fausses», il appréciera davantage ce qui concerne la Flandre et l'Artois.

Cette feuille, le jeune libraire la veut essentiellement utile, c'est-à-dire pratique. «Le désir que nous avons d'être utiles à nos concitoyens et à la Province que nous habitons» signifie qu'il s'agit de fournir un document utilisable quotidiennement par les gens d'affaires, les citoyens aisés, les négociants. Panckoucke rêve de réconcilier négoce et culture. Pour les hommes d'affaires, la gazette provinciale contiendra la liste détaillée des biens à vendre et à louer, maisons, terres, charges, meubles, bijoux... Pour les négociants, le journal présente «les objets relatifs à leur fortune ou à leurs besoins»: état des manufactures de la région, productions nouvelles, arrivée et départ des bateaux dans les ports flamands, description de leurs chargements et, dès le deuxième numéro, cours des changes. Pour le public curieux de nouveauté, une partie littéraire est prévue: elle doit, d'une part annoncer les œuvres imprimées dans les provinces de Flandre et d'Artois et, d'autre part, faire connaître les nouveautés de l'étranger: «Plusieurs gens de lettres qui ont bien voulu se charger de notre correspondance, nous ont déjà promis quelques mémoires précieux sur l'histoire et le commerce de la Flandre et de l'Artois».

Une organisation répond à ces intentions. Pour les informations commerciales, un réseau de «Correspondances sûres, jusque dans les villes qui, quoique éloignées, ont cependant un commerce suivi avec les provinces de Flandre et d'Artois. Nous avons trouvé, affirme Panckoucke, à Ostende, à Calais, à Amiens et même jusqu'au Havre, des personnes qui ont bien voulu se prêter à nos vues». Les bureaux de correspondance sont, le plus souvent, des bureaux de poste ou des libraires: Pintiau à Arras, Huguet et Boubers à Saint-Omer, Delannoi à Douai, Boubers à Dunkerque. Dix-neuf bureaux travaillent à Lille, Arras, Saint-Omer, Cambrai, Valenciennes, Douai, Dunkerque, Aire, Bapaume, Béthune, Hesdin, Lens, Lillers, Saint-Pol, Saint-Venant, Bouchain, Cassel, Landrecies, Gravelines. Ces bureaux transmettent les nouvelles commerciales et les avis à imprimer; ils enregistrent aussi les souscriptions.

Comme la plupart des Annonces provinciales, celles de Panckoucke offrent à une frange de lecteurs, appartenant à toutes sortes de catégories, la mention des événements les plus divers: la découverte d'une carrière de marbre à Hesdin; la description de la verrerie royale de Saint-André à Lille, «un des plus beaux établissements de cette ville et qui passe pour une des meilleures de l'Europe»; un navire hollandais revenant de La Rochelle, chargé d'eau-de-vie, arraisonné par un corsaire anglais; une messe pour le repos de l'âme de l'intendant de Séchelles célébrée à Cassel...

Comme les Almanachs, les Annonces se préoccupent des questions médicales. L'ouvrage de Tully, Essai sur les maladies de Dunkerque écrit dans l'esprit de Sydenham, est analysé; l'épidémie de dysenterie à Douai est l'occasion d'indiquer les symptômes et les remèdes; on met en garde contre les empiriques et les charlatans, ces fléaux trop communs dans les campagnes: «on trouve dans tous les lieux et tous les temps des empiriques qui donnent des remèdes, des dupes qui les achètent et des sottes qui les préconisent». Cette condamnation de la crédulité populaire est fréquente dans ce périodique qui se veut éclairé.

Les considérations sur la formation des jeunes sont détaillées: la construction d'un observatoire par les Jésuites du collège d'Anchin déclenche cette réflexion: «Quelle obligation ne doit-on pas avoir à ceux qui cherchent à faire circuler dans la Flandre cette masse de lumière qu'on croyait autrefois devoir toujours être fixée dans la capitale»; au collège anglais à Douai, on étudie Boerhaave, Buffon, Newton, Locke; à Roye, l'intendant facilite l'établissement d'une école de filature de coton...

Le journal crée, par ses annonces et ses avis, un lien direct entre les lecteurs: vente de deux globes de la Terre et du Ciel, d'une maison à Aire, de l'Hôtel du Quesnoy à Lille..., location de terres à Saint-Omer... Les ventes d'offices sont alléchantes. M. de Courcelle, avocat, offre une charge de conseiller du roi à la gouvernante et souveraine du bailliage de Lille et précise les honneurs, exemptions et prérogatives attachés à cette charge, un office de conseiller au Conseil d'Artois confère la noblesse au deuxième degré... Les offres d'emplois et de services révèlent les traits de la société régionale: on vante les talents d'un bon chirurgien; un copiste assure qu'il copie correctement le latin et le français, qu'il déchiffre le gothique.

Plus neuve est la rubrique d'ordre économique: des «Observations sur le commerce de Lille», par un négociant, ou l'article sur les «causes de la décadence du commerce d'Hesdin» illustrant les débats sur les avantages du mercantilisme, sur l'essor des manufactures, sur le protectionnisme... A propos d'un discours prononcé par un professeur du collège d'Arras, s'engagent des réflexions sur le luxe, ses méfaits et ses avantages. Par le biais de cette rubrique, s'esquissent des exposés d'économie politique et même se glissent de véritables nouvelles politiques: Le «Rapport d'un négociant de Dunkerque sur un combat naval entre des bateaux français et anglais» dérive sur le plan politique. Dans le n° 38 du 23 septembre 1761, apparaît le titre «politique» avec des Nouvelles de Londres, ce qui constitue un empiétement sur le monopole de la Gazette.

L'information littéraire est importante mais elle est d'usage dans la presse provinciale. Panckoucke annonce les publications: Calendrier général du gouvernement de Flandre, Almanach historique et géographique de la Picardie...; il publie des poèmes, écrits par les amateurs éclairés de la région. Mais il est surtout attentif aux œuvres élaborées à Paris, caractéristiques du siècle des Lumières: Lettres des deux amants habitant d'une petite ville, recueillies et publiées par Jean-Jacques Rousseau (Amsterdam, Rey, 6 vol., 1761), Préface de la Nouvelle Héloïse ou Entretiens sur les romans entre l'éditeur et un homme de lettres, par J.-J. Rousseau, citoyen de Genève (Paris, Duchesne, 1761), Extrait du Projet de paix perpétuelle de l'abbé de Saint-Pierre, par J.-J. Rousseau. Cette utopie déchaîne l'enthousiasme du publiciste: «Jamais projet plus grand, plus beau ni plus utile n'occupa l'esprit humain». L'équipe de Panckoucke est ouverte aux autres philosophes: commentaires des pièces de Corneille par Voltaire, Essai sur l'homme de Pope, nouvellement traduit de l'anglais avec des notes critiques, Discours sur la politique anglaise Contes moraux de Marmontel... A côté de cette littérature engagée, figurent les nouveautés scientifiques: la Description des arts et métiers, par MM. de l'Académie royale de sciences, la Minéralogie de Valmont de Bomare, Encyclopédie portative de la théorie et la pratique du commerce, les Eléments d'agriculture de Duhamel Dumonceau...

Historique

L'Echec de Panckoucke. Dans le premier numéro, Charles de Montlinot se flatte des «marques non équivoques de bienveillance et de protection que nous avons reçues de différentes personnes en place». L'intendant Caumartin était très favorable à la création des Annonces le duc de Belle-Isle et le prince de Soubise avaient parrainé l'entreprise. Ces appuis firent oublier l'opposition du Procureur général du Parlement de Douai: Calonne. L'enthousiasme manifesté par les Annonces pour Voltaire et surtout pour Rousseau rendait suspect le périodique. En mai 1762, les Annonces célèbrent la publication de Emile. «Philosophes orgueilleux, modernes littérateurs, que vos ouvrages sont froids en comparaison de celui-ci... Pères, Mères, lisez cet ouvrage; vous y apprendrez à former des hommes et, ce qui est plus rare, des citoyens heureux». Avec fierté, le libraire proclame qu'il est le seul à avoir reçu ce livre dans nos provinces. Quinze jours plus tard, le journal reproduit trois pages de Emile et promet d'insérer le chapitre relatif à l'éducation des sens. Calonne prend alors un arrêt contre Emile et met en garde l'intendant Caumartin: l'ouvrage «commençait à faire bruit dans notre ressort et il en a été fait mention dans ces Annonces hebdomadaires de la province qui s'impriment à Lille... On en a même fait un éloge ridicule et impertinent... Au lieu de s'y renfermer dans les matières et avis qui forment le véritable objet de ces sortes de compilations d'affiches, on y annonce indistinctement toutes les nouveautés qui inondent le public... On en donne des extraits dont le choix ne serait souvent avoué ni par la prudence ni par l'amour du bien. On y comble d'éloges excessifs des écrivains reconnus pour dangereux et répréhensibles...». De son côté, Malesherbes avertit les censeurs: «L'annonce d'un ouvrage contraire à la religion, aux mœurs et aux principes de gouvernement et surtout les éloges donnés à ces mêmes livres sont des délits très graves...».

Panckoucke doit se rétracter le 16 juin: la réputation de M. Rousseau, le succès de ses ouvrages, ses principes philosophiques ont incité le rédacteur à annoncer avec éclat l'Emile mais, «contrairement à la note qui terminait le premier article, nous n'avions pas encore reçu cet ouvrage». Panckoucke avoue son imprudence: la lecture attentive du Traité de l'éducation lui a fait découvrir «que les poisons actifs et pénétrants coulaient de la plume de M. Rousseau». Il déplore sa conduite et estime que la lecture de l'Emile doit être interdite à tout le monde...

Le n° 42 (20 oct. 1762) est le dernier sur lequel est porté le nom de Panckoucke. Peu après, il quitte Lille et s'installe à Paris. L'imprimeur Henry prend en charge les Annonces et les maintient jusqu'en décembre 1762. L'échec s'explique peut-être par une gestion maladroite: le prix d'insertion des annonces et avis était vraisemblablement trop élevé aux yeux des négociants ignorant l'efficacité de ce moyen de communication. L'échec s'explique aussi par la défense des monopoles parisiens menée par le ministre des Affaires étrangères, par le directeur de la Librairie, par leurs commis, enfin par l'hostilité du Parlement de Flandre et notamment de Calonne. Il s'explique enfin par l'impréparation du public lillois et flamand à accueillir une presse dévouée aux audaces des Lumières, à faire vivre un journal qui aborde des problèmes nouveaux sur un ton du défi et de l'enthousiasme provocant.

Localisation(s), collections connues, exemplaires rares

B.M. Lille (coll. incomplète).

Bibliographie

D.P. 2, art. «Panckoucke». – Bellanger C, et al., Histoire générale de la presse française, t. I, Paris, 1969, p. 378-382. – De Paris C, «Assauts de plume à Lille au siècle des Lumières», Mélanges Robinet, Lille, 1982, p. 235-240. – Dinaux A., «Le premier journal du Nord», Arch. hist. littéraires du Nord, 1837, p. 75-78. – Trenard L., «La presse périodique en Flandre», Dix-huitième siècle, n° 1, 1969, p. 100-104. – Histoire de Lille, t. III, «L'ère des révolutions, 1715-1851», Toulouse, Privât, 1990. – Tucoo-Chala S., Charles Joseph Panckoucke,Paris, Touzot, 1977, p. 64-69.

Date indexée

1761
1762