AFFICHES DE RENNES
Numéro
Titre(s)
Affiches de Rennes. Surtitre: Feuille hebdomadaire pour la Bretagne puis à partir du 9 mai 1791: Feuille hebdomadaire pour le département de l'Isle et Vilaine
Fondées le 28 juillet 1784. Dernier numéro connu, n° 63 du 27 février 1792. Les Affiches de Rennes ont fusionné le 31 mars 1792 avec le Journal des Départements, Districts et Municipalités quotidien publié à Rennes.
Titre indexé
Dates, périodicité, privilège(s), approbation(s)
Feuille hebdomadaire, distribuée tous les mercredis jusqu'en décembre 1789. Bihebdomadaire paraissant le lundi et le vendredi à partir de janvier 1790: «Sur l'invitation de plusieurs de nos souscripteurs, nous nous déterminons à donner deux feuilles par semaine, l'une le lundi et l'autre le vendredi. Le prix d'une année sera de 13 livres pour Rennes, et de 15 livres par la poste, franc de port; le format sera le même. La liberté rendue à la presse, et l'étendue de deux feuilles, nous permettront d'y mettre dans un détail suffisant, non seulement les séances de l'Assemblée nationale, dont on sera alors instruit avec plus de promptitude, mais encore toutes les nouvelles politiques les plus intéressantes, surtout celles de Liège, du Brabant, et de tous les autres pays où se développent et même se préparent de grandes révolutions. Nous dirons tout, mais avec sagesse et retenue» (23 déc. 1789). Malgré leur changement de périodicité, les Affiches de Rennes gardent leur surtitre de Feuille hebdomadaire.
Les Affiches de Rennes sont censurées par le maire de la ville qui est en même temps lieutenant général de police. Du 28 juillet 1784 au 24 janvier 1787, le maire de la Motte-Fablet donne le «permis d'imprimer». Lui succède le plus ancien des échevins, juges de police, Robinet (31 janv. 1787 – 16 juil. 1788), puis le nouveau maire Tréhu de Monthierry (22 oct. 1788) qui autorise les Affiches jusqu'au 15 mars 1790. Au-delà de cette date, il n'y a plus mention d'une quelconque permission. Les Affiches de Rennes paraissent enfin librement. Quand le maire ou l'échevin qui en occupe les fonctions n'est pas là, d'autres juges de police autorisent à sa place: Gandon, Solier de la Touche, Lucas de Montrocher, Le Minihy de la Villehervé. Lorsqu'il autorise pour la première fois, ce dernier indique: «Permis d'imprimer pour l'absence de M. le Lieutenant général de police et des Juges plus anciens, le 24 septembre 1786. Signé Le Minihy» (27 sept. 1786). Par exception, le procureur général au Parlement, de Caradeuc, fils de La Chalotais, autorise une fois les Affiches (17 mai 1786).
Description de la collection
Les Affiches de Rennes sont imprimées sur les deux colonnes de 4 p. in-4°. Il s'agit d'une demi-feuille de papier carré (format non rogné 212 x 273). Quelques rares numéros ont 2 p. supplémentaires. Les numéros étant paginés à la suite, la première année (28 juil. 1784 – 20 juil. 1785, 52 numéros) compte 210 p., la deuxième (27 juil. 1785 – 19 juil. 1786, 52), la troisième (26 juil. 1786 – 18 juil. 1787, 52) et la quatrième (25 juil. 1787 – 16 juil. 1788, 52) 208 p. chacune, la cinquième (23 juil. 1788 – 15 juil. 1789, 52) 214 p., la sixième (22 juil. 1789 – 19 juil. 1790, 81 numéros) 330 p. La septième année (23 juil. 1790 – 22 juil. 1791) a 105 numéros. Le dernier numéro connu, le n° 63 de la huitième année (27 févr. 1792) est paginé 311-314.
Pendant la première année, les numéros sont décorés du même haut bandeau rectangulaire enserrant le cartouche central du surtitre imprimé sur trois lignes et suivi de la numérotation, cartouche accompagné à gauche et à droite de damiers constitués de fleurons et de palmettes. Sous le bandeau s'étendent le titre Affiches de Rennes imprimé en grands caractères pleins, puis la date en italique. Les deux colonnes de texte, séparées par un filet vertical, sont composées en caractères cicéros et ont une justification de 68 mm. Avec le premier numéro de la seconde année (27 juil. 1785), l'imprimeur gagne de l'espace en réduisant la hauteur du bandeau et en allongeant la justification des colonnes. Le bandeau est devenu un mince cadre de filets enchâssant à gauche l'âge de la feuille «seconde année», au centre le surtitre et le titre disposés sur deux lignes Feuille hebdomadaire pour la Bretagne. Affiches de Rennes à droite le numéro. Sous le bandeau est mentionnée la date, toujours en italique. Voici donc seize lignes de plus pour le texte. Les colonnes s'élargissent, parvenant à 77 mm. Le rédacteur souligne cet effort: «Le prix de l'abonnement sera le même; on a cependant pris quelques arrangements typographiques pour que ces feuilles contiennent à l'avenir plus de choses qu'au passé: elles contiendront environ un quart de plus, à commencer du mercredi 27 du présent mois» (6 juil. 1785). A partir du n° 1 de l'année suivante (26 juil. 1786), nouvelle révolution: la présentation reste identique, mais le texte, désormais composé en caractères petits romains, est beaucoup plus dense; les colonnes, de même justification, ont 55 signes la ligne au lieu de 45 précédemment; en deuxième et troisième pages, elles ont 60 lignes de haut, au lieu de 50. Cet élargissement progressif de l'espace imprimé prouve que les Affiches de Rennes ont réussi à s'implanter et sont devenues une affaire suffisamment rentable pour payer l'accroissement des frais typographiques. Les abonnés se sont multipliés et les annonces ont suivi. Dès le 25 août 1784, le rédacteur envisageait une telle évolution: «On ne peut pas se dissimuler que quatre pages d'impression offrent peu d'étendue pour placer dans un certain détail un assez grand nombre d'objets; la ressource, il est vrai est aisée, c'est de donner six ou huit pages d'impression au lieu de quatre pages; mais alors les frais d'impression exigeraient de toute nécessité un supplément au prix de la première souscription, ou un plus grand nombre de souscripteurs: le public fera connaître encore, si bon lui semble, ses intentions à ce sujet».
Édition(s), abonnement(s), souscription(s), tirage(s)
Les Affiches de Rennes sont imprimées dans l'atelier de François Vatar. Né à Rennes en 1721, François Pierre Vatar, dit Vatar de Jouannet, succède en 1759 à son père Guillaume à la tête de l'atelier familial situé au coin du Palais, «à la Palme d'Or». Il s'agit d'une grosse imprimerie, puisqu'il y fait travailler neuf ouvriers et deux apprentis. Il meurt subitement en 1771. Sa veuve, Jeanne Le Saulnier du Vauhello, lui succède et gouverne l'atelier jusqu'en 1823. Elle s'est remariée en 1777 à Brute de Remur qui meurt à son tour en 1786. Elle signe les Affiches: «A Rennes, chez la veuve François Vatar (De B.D.R.) Imprimeur du Roi et du Parlement», puis à partir du 8 mars 1786, «A Rennes, chez la veuve de François Vatar et de Brute de Remur, Imprimeur du Roi et du Parlement». La veuve Vatar se dit imprimeur du roi jusqu'au dernier numéro connu (févr. 1792), mais le 19 mars 1790, le Parlement disparaît de sa souscription. Les Vatar n'eurent aucun rôle dans la fondation des Affiches ni dans leur gestion.
Le «Bureau d'avis et de distribution» des Affiches de Rennes est établi chez le libraire Le Scenne, rue d'Estrées. L'abonnement est de 7 £ 4 s. pour Rennes, et de 9 £ par la poste. «MM. les abonnés pourront faire prendre chez lui leur feuille le mercredi, depuis neuf heures du matin jusqu'à midi, sinon elle sera portée chez eux dans le cours de l'après-dînée» (11 août 1784 – 19 janv. 1785). Ce libraire quittant la ville, le Bureau se transporte le 28 mars 1787 chez son confrère Robiquet, au bas de la place du Palais, puis le 20 octobre 1788, «rue Royale, la quatrième boutique à gauche en entrant par la place du Palais, n° 818». Un volume des Affiches de Rennes (A.D., 2. Per 1062/1) contient un avertissement d'échéance d'abonnement adressé le 10 juillet 1789 à Louvel, procureur au présidial: «Monsieur, Votre abonnement pour les Affiches de Rennes finira le 15 courant, avec le n° 52. Je vous prie de le faire renouveler si vous désirez continuer à recevoir cette Feuille: le prix de la souscription est de 9 livres franc de port par la poste pour tout le royaume, ou 7 livres 4 sols pour la ville de Rennes. Je suis avec respect, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur, Robiquet, l'aîné, libraire, rue Royale, n° 818».
Fondateur(s), directeur(s), collaborateur(s), contributeur(s)
Fondateur des Affiches de Rennes et leur seul rédacteur, le procureur au présidial MAUGER reste constamment dans l'ombre, mais son nom y apparaît dès le premier numéro, au moins dans une annonce: «A vendre. Office d'huissier au Parlement de Bretagne. S'adresser à M. Mauger, Procureur au Présidial de Rennes, près la place Sainte-Anne» (28 juil. 1784). Le 28 janvier 1789, il avoue clairement la rédaction des Affiches en reproduisant une publicité de Beffroy de Reigny, l'homme des Planètes «Je viens de composer, et je livrerai bientôt au public, dans un de mes numéros, une folie intitulée Adam et Eve aux Etats de Bretagne. Quand cette folie paraîtra, rien n'empêchera le cousin Mauger d'en parler dans son journal; et plus il inspirera le désir d'avoir mes Planètes plus mes Planètes lui en sauront gré». En avril 1789, l'Assemblée du tiers état de la sénéchaussée de Rennes l'élit parmi les vingt membres du Bureau de Correspondance chargé d'informer les députés, tout autant que de communiquer au public leurs avis et leurs comptes rendus des séances des Etats généraux. Lors des élections de février 1790, il devient officier municipal. Après avoir dressé la liste des quatorze nouveaux membres de la municipalité, une liste qu'il achève sur son nom «Mauger, Procureur au Présidial», il veut bien confier avec une belle fausse modestie: «La bonté de ces choix, si l'on excepte celui de ce dernier, qui rédige cette feuille, annonce une administration sage, douce, éclairée» (1er mars 1790). Le 26 novembre 1790, Louvel, l'un de ses confrères procureurs au présidial, lui demande d'intervenir à propos de leur assemblée du samedi précédent: «Mon très cher syndic. J'apprends dans le moment, et je me hâte de vous en instruire, que notre assemblée de samedi dernier a été bien cruellement calomniée [...] Quantité de nos confrères, avec lesquels j'ai incontinent eu occasion de m'en entretenir, vous sollicitent le plus expressément, de concert avec moi, de faire cette protestation dans la prochaine des Feuilles hebdomadaires dont vous êtes le rédacteur.» Aussitôt, Mauger de laver les procureurs de ces accusations: «Une Communauté qui s'est distinguée par le civisme le plus pur, ne devait pas s'attendre à être inculpée, comme ayant fourni le projet d'apporter quelque obstacle, même le plus léger, à l'établissement du nouvel ordre judiciaire. Quelle que soit sa perte, elle n'a eu, et les membres qui la composaient n'auront jamais d'autre désir que de voir affermir sur des bases solides et inébranlables, une Constitution qui promet à la France la liberté et le bonheur. Jamais un intérêt particulier ne balancera dans leur cœur un intérêt aussi précieux et aussi cher» (29 nov. 1790).
Il n'est pas indifférent de constater que dans cette ville où le Parlement et l'ancienne noblesse donnent le ton, il ait fallu attendre près de trente ans la création d'une Affiche. Encore a-t-il fallu que l'initiative provienne de la judicature. Mauger s'est entouré de toutes les garanties. Il lui a fallu plus d'un an pour fonder sa feuille. Le 10 février 1783, le Parlement de Bretagne rend un arrêt permettant «de faire imprimer chaque semaine une Feuille d'Avis et de Renseignements, sous le titre Affiches de Rennes et d'insérer dans cette Feuille un article des ventes faites dans l'arrondissement du Contrôle de cette ville, et même dans celui des Bureaux circonvoisins». Dans sa requête au Parlement, Mauger avait justifié son initiative par la nécessaire publicité qu'il convenait de donner aux contrats de vente. Leur insinuation était certes correctement observée, mais les registres ne sortaient pas des Bureaux et le public n'était donc pas informé. Leur «bannie», ou publication à trois reprises à l'issue de la grand'messe de la paroisse où les biens étaient situés, était souvent mal faite ou pas du tout. Prenant l'exemple de la Feuille hebdomadaire de Limoges. Mauger avait observé que l'un de ses plus intéressants articles «par son importance et qui se trouve aussi le premier dans ces Affiches, est celui de la Conservation des hypothèques. Son utilité sensible, engage à en faire un semblable dans chacune des feuilles que l'on se propose de rendre publiques; mais le suppliant sait que les nouveautés dans tous les genres, doivent être revêtues de l'autorité de la Cour, et soumises à ses lumières supérieures. C'est pourquoi il requiert, ce considéré, etc.» Le malheureux Mauger ne parvint pas à fléchir la méfiance des notaires, malgré ses longues «observations sur l'annonce que l'on fait dans cette feuille des contrats de vente et d'échange» (3, 10 et 17 nov. 1784): «Cette partie de nos feuilles, que nous estimions la plus utile et qui a été très goûtée par un grand nombre de personnes, a trouvé des censeurs, qui ont cru même devoir porter leur zèle jusqu'à critiquer le titre de Conservation des hypothèques, sous lequel nous présentions cet objet au public. La censure des uns est-elle fondée, l'approbation des autres est-elle méritée? C'est un problème que nous soumettons au jugement du public. Nous nous y croyons même en quelque sorte obligés, par la considération que nous avons pour MM. les notaires, classe de citoyens estimables, dont les fonctions sont si essentielles et si importantes au bien de la société. Ces MM. sont, nous a-t-on dit, dans l'intention de présenter requête au Parlement, pour faire supprimer de nos feuilles l'annonce des contrats: la plupart d'entr'eux étant au nombre de nos souscripteurs, si nous leur donnons de bonnes raisons pour les détourner de cette démarche, ils nous en sauront sans doute quelque gré». Tout juste évita-t-il de se voir interdire l'insertion des contrats, mais la «Conservation des hypothèques» demeura une rubrique squelettique. Les notaires ne désarmèrent pas.
Le monde des robins, grands et petits, est constamment présent dans les Affiches de Rennes. Lorsqu'en juillet 1785, est élargi leur espace imprimé, à qui pense donc le rédacteur? Aux «jurisconsultes»: «Nous espérons que MM. les Jurisconsultes nous feront passer des analyses, ou du moins des mémoires dans les affaires les plus intéressantes. Ayant plus d'espace, nos articles seront susceptibles d'un plus grand développement, et nous en pourrons mettre que leur longueur en excluait» (6 juil. 1785). Quand il s'agit du Parlement de Bretagne, la flagornerie n'a pas de bornes. Lors de la réunion des Etats de Bretagne, trois discours sont prononcés par le comte de Montmorin, «commandant des Etats», le premier président du Parlement, l'intendant. Lequel reproduire? Après bien des contorsions verbales, Mauger donne celui de l'intendant. Fort heureusement, la même semaine, la rentrée du Parlement est l'occasion d'applaudir à l'érudition, la sagesse, le beau style des interventions du premier président et de l'avocat général (24 nov. 1784). Si en mai-juin 1788, le rédacteur est totalement muet lors des troubles suscités par le renvoi du Parlement, il chante alléluia à son retour (24 sept., 15 et 22 oct. 1788). Son «allégresse» éclate d'autant plus qu'il est en confortable situation: il peut louer, sans renier les convictions patriotiques qui lui feront jouer un petit rôle dans la révolution rennaise.
Contenu, rubriques, centres d’intérêt, tables
Fondées explicitement pour la publication des contrats de vente, les Affiches de Rennes débutent par la «Conservation des hypothèques», à peine une colonne en première page, suivie par les «Plaids généraux du présidial» (seulement quelques lignes). Cette dernière rubrique signale les «appropriements des héritages mouvants» de telle ou telle paroisse relevant de la juridiction du présidial. Il s'agit de mutations de propriété: «Cet avis sera fort utile à tous ceux qui se mêlent d'affaires contentieuses; ce sera pour eux une connaissance utile, ou un moyen de parer à un défaut de mémoire». N'obtenant pas le succès escompté, la «Conservation des hypothèques» émigre en quatrième page le 27 juillet 1785, où, devenue tableau sur cinq colonnes, elle coiffe désormais le tableau du «Prix des grains de la semaine dernière, du pain pour cette semaine, et des viandes de halle». L'ensemble, étalé sur toute la largeur de la dernière page, en occupe plus du tiers. Fort opportunément, la tourmente révolutionnaire vient faire disparaître cette rubrique-croupion, publiée pour la dernière fois le 23 janvier 1790. Les «Plaids du présidial», malgré quelques éclipses, durent jusqu'au 13 décembre 1786. Après ces premières rubriques de service, sont insérées les annonces. Ce sont d'abord les «Avis divers» (des biens immobiliers autant que divers objets «à vendre» ou «à affermer»), ce sont ensuite les «Avis intéressants» (demandes particulières, publicités diverses), souvent accompagnés de publicités de «Librairie», ou bien «d'Annonces» (longues publicités pour tel ou tel produit ou service). Le volume général de toutes ces annonces est variable: elles peuvent se cantonner dans la première page, notamment la première année, elles peuvent aussi s'étendre sur la deuxième page, voire sur la troisième quand sont présentes la «Librairie» ou les «Annonces». Les «Avis divers» et «Avis intéressants» sont beaucoup moins nombreux et variés que dans les Affiches d'Orléans, de Rouen, de Metz ou de Nantes.
Vient ensuite l'espace proprement rédactionnel. S'y trouvent les articles «d'Administration» (suite d'arrêts et autres décisions royales plus ou moins détaillés), de «Législation» (déclarations et ordonnances royales), et de «Jurisprudence». La «Législation» est un bon moyen de remplir les colonnes lorsque manque la copie. L'ordonnance sur la désertion, segmentée article après article, s'étale sur cinq mois (16 août 1786 – 17 janv. 1787). La «Jurisprudence», rubrique vraiment originale, ne peut plaire qu'à un public d'hommes de lois ou d'étudiants en droit, tous robins et étudiants fort nombreux autour du Parlement de Bretagne! Dans cette douzaine d'articles, souvent assez longs, l'un ou l'autre «jurisconsulte» commente certaines décisions du Parlement breton. Un titre parmi d'autres: «Arrêt sur le droit des vicaires des paroisses de participer aux fondations» (jugement rendu à propos du diocèse de Dol, Affiches du 29 juin 1785). Le rédacteur note à la fin de l'article: «Le jurisconsulte qui nous a fourni cet arrêt, l'a estimé très intéressant en lui-même, et plus encore, en ce que ses dispositions pourront par la suite s'étendre dans les autres diocèses où elles n'ont pas encore lieu». L'affaire est effectivement d'importance, puisqu'il s'agit d'étendre au petit clergé le revenu tiré des messes fondées pour le repos éternel de tel ou tel fidèle. Lorsque se réunissent les Etats de Bretagne, le compte rendu minutieux de leurs séances envahit presque tout l'espace rédactionnel (17 nov. 1784 – 16 févr. 1785, 25 oct. 1786 – 31 janv. 1787 et 7-14 janv. 1789). Lors de ces sessions, le rédacteur fait campagne, à sa modeste place, pour la grande question de l'époque: le creusement des canaux bretons. Pendant le mois d'août 1784, quatre articles se succèdent sur les «voies d'eau intérieures» de Bretagne. Le 22 novembre 1786, Mauger revient sur la question en reproduisant les réflexions d'un certain Marcandier dans le Journal économique et en donnant l'extrait d'une lettre d'un habitant de Saint-Gilles, tout heureux de voir arriver dans sa ville les bateaux, après l'achèvement de la première section du canal d'Aigues-Mortes à Beaucaire. Comme dans les autres feuilles provinciales – la copie est certainement insérée sur l'ordre du gouvernement –, les réunions de l'Assemblée des notables sont elles aussi l'occasion de très longs comptes rendus, accompagnés des discours du roi et de ses ministres (21 févr. – 11 avril 1787 et 19 nov. – 31 déc. 1788).
Empruntant beaucoup aux autres «papiers publics», Mauger insère, dans une rubrique souvent appelée «Nouvelles», des informations maritimes venues des ports bretons, ainsi que des nouvelles de Paris, d'autres villes de province ou de l'étranger. Il tire le maximum des nombreuses expériences aéronautiques de Blanchard. Entre le 17 août 1785 et le 10 septembre 1788, à dix-neuf reprises, il emprunte aux Feuilles de Flandres ou au Journal de Paris des relations parfois très longues des ascensions de l'aéronaute. En août 1785, Blanchard voyage en ballon, avec le chevalier de l'Epinard, l'habile rédacteur des Feuilles de Flandres toujours friand de publicité. Enfin, Année littéraire fournit un long récit du voyage du roi en Normandie (12-26 juil. 1786). A tout cela viennent s'ajouter quelques considérations louangeuses sur les philosophes, notamment lors de la mort de Buffon (7 mai 1788) et des «questions d'histoire naturelle», par exemple le «Voyage de Mont Blanc» de M. de Saussure (25 avril 1787).
Au total, les Affiches de Rennes ont un contenu rédactionnel peu local. Mauger a bien essayé de proposer une ou deux améliorations pour la ville de Rennes – un plan des eaux souterraines ou le curage des puits (11 août et 13 oct. 1784) –, il reste sans écho. Gilbert, médecin à Landerneau puis Morlaix, lui écrit deux fois, racontant une cure médicale, proposant un problème mathématique (4 et 11 mai 1785, 11 juil. 1787). Il est peu imité. Tout juste, de temps en temps, une lettre vient-elle raconter le lancement d'un navire (Redon, 30 nov. 1785), un naufrage (Saint-Malo, 13 déc. 1786), un trait de bienfaisance (Saint-Brieuc, 5 mars 1788), l'assassinat d'une famille de paysans, récit accompagné d'intéressantes considérations sur l'insécurité des campagnes (23 avril 1788). Un habitant de Châteaugiron disserte sur les sarcophages en pierre coquillière ou faluns (28 mai 1788). Les abonnés sont en revanche très prolixes lorsqu'il s'agit de versifier. Il suffit qu'un «contrôleur des actes, près Dinan» propose une charade (15 déc. 1784), pour que de nombreux beaux esprits se relaient. C'est à qui donnera une charade, un logogriphe, mais aussi des pièces plus ambitieuses comme des fables, des élégies, etc. Un habitant de Dinan puis Evran, signant H.D.M., Vetier acolyte à Evran, G.L. de Guimgamp, «un abonné de la chambre littéraire de Morlaix», l'avocat L., Georgelin «secrétaire de l'académie bretonne»: toutes ces collaborations prouvent que les Affiches étaient assez bien diffusées à Rennes, mais aussi en Bretagne du nord, jusqu'à Morlaix. A partir du 30 août 1786, chaque numéro s'achève sur la liste des «Morts» de la semaine dans la ville de Rennes. Les 6 et 13 juillet 1785, le plus illustre d'entre eux, La Chalotais, avait été célébré par des éloges en prose et en vers. Viennent ensuite les tableaux des hypothèques et des mercuriales.
Avec l'année 1789, les Affiches de Rennes changent profondément de contenu. C'est d'abord la préparation des Etats généraux. Mauger prend parti pour le tiers contre les deux autres ordres. Il le fait de manière très prudente, mais il est impossible de s'y tromper. Alors que la politique lui est interdite, il parvient à exprimer son indignation lors des deux journées des 26 et 27 janvier 1789, quand la noblesse et la jeunesse estudiantine se heurtent violemment. Mauger clame bien haut son silence: «Quoi! pas un mot de ce qui s'est passé et se passe à Rennes! ... Non, mes respectables lecteurs ... Non, pas un mot ... La douleur et la prudence ne nous permettent pas d'en faire le déplorable récit» (4 févr. 1789). C'est ensuite, numéro après numéro, des «déclarations», des «remerciements au roi», des «procès-verbaux des assemblées générales des trois ordres» de telle ou telle province, de tel ou tel bailliage. Mauger se tait toujours, mais ses choix indiquent clairement où vont ses préférences: il applaudit au doublement du tiers, valorise les idées réformatrices de telle ou telle noblesse, par exemple celle du bailliage de Chartres (1er avril 1789), publie le contenu d'une brochure réformiste (25 mars et 1er avril 1789). Enfin, le 29 avril 1789, il envisage de réformer les abus de la justice, en supprimant la vénalité des offices («délibération des officiers du présidial de Bourg-en-Bresse, du 8 mars 1789»), ce qui est méritoire quand on sait qu'il est lui-même procureur au présidial. Sans jamais parler de ce qui se passe à Rennes, mais en permettant à leurs lecteurs de faire d'instructives comparaisons avec ce qui se déroulait ailleurs, les Affiches de Rennes ont joué leur rôle, à leur modeste place, dans la préparation des esprits aux bouleversements révolutionnaires. Patriote comme la bourgeoisie rennaise, Mauger est prêt à rendre compte des débats des députés aux Etats généraux: «Une grande scène s'est ouverte, et va fournir un spectacle du plus grand intérêt: nous ferons nos efforts pour répondre au vif empressement que l'on aura d'en connaître tous les détails» (29 avril 1789). Effectivement, dès le numéro suivant (6 mai 1789), les Affiches de Rennes sont consacrées, de manière quasi exclusive, au compte rendu des séances. Le 13 mai, y apparaît le Bulletin de la Correspondance du Tiers Etat, arrêté au Bureau de Rennes.
Une telle évolution ne plaît pas à tout le monde. Le premier président au Parlement de Bretagne s'en étant plaint au Garde des Sceaux, le directeur de la librairie indique le 22 mai 1789: «Monseigneur m'a renvoyé une lettre dans laquelle M. de Catuélan se plaint de l'auteur des Affiches de Rennes qui paraît se livrer aux principes nouveaux que la fermentation des esprits a amenés dans le royaume. La feuille jointe à la lettre de M. de Catuélan prouve que la plainte de ce magistrat est fondée. Mais comme il s'agit d'un genre d'ouvrage qui relève principalement du département des Affaires étrangères, que d'ailleurs le Parlement a mandé le lieutenant général de police qui censure cette feuille, et qu'enfin M. le premier président paraît n'avoir en ce moment d'autre but que d'informer Monseigneur des circonstances de cette affaire, j'ignore si Monseigneur jugera devoir répondre à cette lettre, ou attendra ce que la suite produira» (A.N., carton V1 551). Les pressions du premier président paraissant être demeurées sans effet, les Affiches de Rennes continuèrent de publier la Correspondance des députés de Rennes aux Etats généraux.
Localisation(s), collections connues, exemplaires rares
B.M. Rennes, 18036, un volume relié, coll. complète des quatre premières années (28 juil. 1784 – 16 juil. 1788), une liasse renfermant les cinquième et sixième années (23 juil. 1788 – 19 juil. 1790) et deux numéros de la septième, n° 2 (26 juil. 1790) et 31 (5 nov. 1790, y compris le supplément de 2 p.); manquent dans cette liasse les numéros 13, 25-28, 31, 35, 48-49 de la cinquième année, 22, 33, 36, 41, 44, 46, 48-51, 55-59, 61, 63-66, 75 et 79 de la sixième; 39387, 2 vol.: vol. I, n° 1-24 (28 juil. 1784 – 31 déc. 1788), manquent les deux premières pages du n° 1 (28 juil. 1784), n° 14 et 16 (25 oct. et 8 nov. 1786), 24 (3 janv. 1787), 21 (12 déc. 1787), 13 (15 oct. 1788); vol. II, n° 25-63 (7 janv. 1789 – 27 févr. 1792), manquent le supplément du n° 50 (29 mars 1790), n° 61 et 83 (18 févr. et 6 mai 1791), très longue lacune après le n° 86 (16 mai 1791), la collection reprenant avec le n° 42 (16 déc. 1791), sont ensuite seulement présents n° 43 (19 déc. 1791), 56-58 (3, 6 et 10 févr. 1792), 60 et 63 (17 et 27 févr. 1792); A.D. Ille-et-Vilaine, 2 Per 1062/1, un volume relié portant l'ex-libris d'Arthur de la Borderie, vingt-et-un numéros non rognés, n° 24-33 (3 janv. – 7 mars 1787), 10-16 (26 sept. – 7 nov. 1787), 18-20 (21 nov. – 5 déc. 1787), 23 (26 déc. 1787); Per 1062/2, une liasse de numéros non rognés ayant servi à encarter des actes notariés, n° 30 (16 févr. 1785), 10 (28 sept. 1785), 44 (21 mai 1788), 40 (22 avril 1789, 2 p. seulement), 45 et 52 (27 mai et 15 juil. 1789), 8 (9 sept. 1789), 39 (22 févr. 1790), 59 (11 févr. 1791, avec supplément), 62 (21 févr. 1791), 37, 43-46 (28 nov., 19, 23, 26, 30 déc. 1791); B.M. Morlaix, Per 226, 2 vol. reliés en désordre, ex-libris de l'ancienne chambre de lecture de Morlaix, les six premières années depuis le n° 25 du 12 janv. 1785 jusqu'au n° 24 du 30 déc. 1789, manquent cinq numéros, n° 26 et 51 (19 janv., 13 juil. 1785), 44 (21 mai
1788), 20 et 43 (3 déc. 1788, 13 mai 1789). Notons que cette collection contient le n° 13 du 15 oct. 1788, absent des autres coll.; A.N., C 214, cinq numéros (13 juil. – 10 août 1785).
Aucune de ces collections ne conserve le prospectus auquel fait allusion Mauger (25 août 1784).
Bibliographie
Borderie (A. de la), «Histoire de l'imprimerie en Bretagne. Les races typographiques. Les Vatar, imprimeurs à Rennes et à Nantes», Revue de Bretagne, de Vendée et d'Anjout. X, juil.-déc. 1893, p. 405-421. – Lépreux G., Gallia typographica... série départementale, t. IV, Bretagne, Paris, 1914. – Sée H., «Note sur la presse provinciale à la fin de l'ancien régime: les Affiches de Rennes (1784-1790)», Annales historiques de la Révolution française, 1927, t. IV, p. 18-25. – Buffet H.F., Répertoire de la presse et des publications périodiques d'Ille-et-Vilaine (1784-1958), Rennes, 1959, 42 p. – Bricaud J., L'Administration du département d'Ille-et-Vilaine au début de la Révolution (1790-1791), Rennes, 1965, p. 351-361. – Feyel G., «La Presse provinciale française dans la seconde moitié du XVIIIe siècle: géographie d'une nouvelle fonction urbaine», La Ville et l'innovation, Paris, EHESS, 1987, p. 89-111 – Feyel, G., «Négoce et presse provinciale au XVIIIe siècle, méthodes et perspectives de recherches», article à paraître aux Editions de l'EHESS.
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