SUPPLÉMENT À LA GAZETTE D'HOLLANDE
Numéro
Titre(s)
Supplément à la Gazette d'Hollande.
Titre indexé
Dates, périodicité, privilège(s), approbation(s)
Sous ce titre ont paru, de novembre 1718 à avril 1723, plusieurs collections de périodiques mensuels, issus d'une même source d'information mais distribués par différents éditeurs. Il n'en existe aucune collection complète et la plupart des recueils conservés sont factices, même s'ils comportent une pagination continue. L'étude des collections connues permet de distinguer trois centres de publication:
A) Avignon, Girou, novembre 1718 – décembre 1721; série continue, publiée par Antoine puis Charles Girou, «A la Bible d'Or», paginée de la p. 1 à la p. 362.
B) Liège et parfois Douai, Luxembourg, Bruxelles: série continue avec Suppléments et Suites (non incorporées dans la pagination). La collection de la B.N. semble être une réédition de cette série, complétée avec d'autres, de janvier 1719 à janvier 1723.
C) Lyon (Chise?): il n'existe pas d'exemplaire de cette édition dont l'existence fut brève (fin 1721 – début 1722), mais il est possible que le Supplément ait pris le titre de: Lettres curieuses de différents endroits (voir ce titre); cet atelier fut sans doute la source d'information de tous les autres.
Description de la collection
La série A, apparemment complète, groupe 38 livraisons mensuelles depuis le «Premier Supplément à la Gazette d'Hollande», précédé d'un Avis de novembre 1718, jusqu'à décembre 1721. Périodicité mensuelle: «Il ne partira qu'une fois au commencement de chaque mois, non par faute de matières convenables à ce dessein, mais pour laisser avancer quelque temps la Gazette d'Hollande, puisque celle-ci n'en est que le Supplément» (Avis, p. 1). L'année 1718 comporte effectivement deux livraisons: chacune des années suivantes en comporte douze. La première feuille est de 4 p., les suivantes de 8 p., 150 x 220, in-4°, imprimées sur deux colonnes.
La série B est représentée par plusieurs recueils factices de présentation variable. L'exemplaire lyonnais (B.M., 377 580) en donne sans doute la version originale. Il fournit plusieurs Suppléments imprimés à Douai (30 juin 1720) puis à Luxembourg (juil. 1720-janv. 1721, p. 1-64), texte en pleine page, 185 x 245, in-4°; à partir de mars 1721, le journal est imprimé à Liège chez Barnabé, sur deux colonnes, puis à Bruxelles, de juin à décembre 1721 (p. 73-154), avec la même présentation. L'exemplaire lillois appartient à la même série mais constitue sans doute une réimpression: quoique paginé de la p. 1 à 666, le recueil n'est pas homogène et comporte de nombreuses lacunes. L'exemplaire de la B.N. est, lui aussi, un recueil composite: on y trouve une réimpression des feuilles de janv. – avril 1719, des Suppléments et des Suites sans indication d'origine, des incohérences de pagination et des lacunes, mais il couvre la plus longue durée de publication (janv. 1719 – janv. 1723).
Édition(s), abonnement(s), souscription(s), tirage(s)
Série A: à partir d'avril 1719, l'adresse est «A Avignon, chez Antoine Girou, à la Bible d'Or»; Charles Girou lui succède en octobre 1719, à la même enseigne. La dernière feuille paraît sans adresse, le journal ayant dû être imprimé hors d'Avignon en raison de la peste (déc. 1721, p. 358).
Série B: la Suite du Supplément de février 1720 porte la mention suivante: «On avertit le Public qu'on imprime à Liège avec permission de Son A.R. le Supplément à la Gazette d'Hollande» (ex. de Lille, p. 173). En mars 1721, mention: «Se vend à Liège, chez Guillaume Barnabé, imprimeur de S.A.S.E.»; en septembre 1721, «A Bruxelles, chez Eugène Henry Frick» (ex. B.M. Lyon, 377 580).
Contenu, rubriques, centres d’intérêt, tables
Le contenu est constant d'une année à l'autre et d'une série à l'autre: «Ce Supplément contiendra les nouvelles favorables à la Constitution, comme la Gazette d'Hollande contient celles qui lui sont contraires» (Avis de la série d'Avignon, nov. 1718, p. 1). Par «Gazette d'Hollande», il faut entendre différents journaux publiés en Hollande, essentiellement la Gazette de Rotterdam de Janiçon, la Gazette d'Amsterdam de Charles Tronchin Dubreuil, mais aussi le Journal littéraire de La Haye, les Nouvelles littéraires de Du Sauzet, La Quintessence de Rousset de Missy. Ces journaux sont abondamment cités dans les premiers bulletins des Nouvelles ecclésiastiques publiés clandestinement de 1713 à 1728. Dans tous les Suppléments, le «Gazetier janséniste» est constamment pris à partie ainsi que tous les auteurs «schismatiques». De chaque paroisse, de chaque monastère arrivent des lettres de dénonciation contre les «quesnelistes» et leurs amis oratoriens, bénédictins, appelants de tous ordres (la liste des appelants est fournie à la suite du n° 1 de novembre 1718). Les ouvrages «pernicieux» sont accablés de sarcasmes; les bons livres sur la constitution Unigentius sont abondamment commentés; les mandements et monitoires des évêques constitutionnaires sont largement diffusés. On exalte les martyrs de la bonne cause, tel l'évêque de Marseille, Mgr. de Belzunce, pendant les années de la peste. On dénombre les hérétiques morts d'apoplexie violente ou sauvés au dernier instant par leur rétractation. Les Suites ne font qu'ajouter de nouveaux témoignages et des lettres d'approbation d'avocats, de médecins, de théologiens de toutes origines.
Historique
Les divers Suppléments à la Gazette d'Hollande constituent un ensemble de première importance pour l'histoire de la controverse religieuse au XVIIIe siècle. Ils montrent en effet comment les Jésuites se sont organisés en 1715 pour résister à la politique du Régent et du cardinal de Noailles, avant même que les jansénistes aient mis en place le réseau des Nouvelles ecclésiastiques. Une première tentative avait rencontré en 1714 un insuccès total: la Nouvelle gazette contenant les mensonges des jansénistes,imprimée à Liège d'août 1714 à mars 1715, ne connut que trois feuilles (voir ce titre). Il ne s'agissait encore que d'un recueil de témoignages publiés sans périodicité réelle; il en fut sans doute de même pour les premiers bulletins des Nouvelles ecclésiastiques si l'on en juge par les résumés fournis pour 1713-1728 dans le t. I de ce journal. C'est sans doute Charles Girou qui eut le premier, en 1718, l'idée d'un périodique régulier. Il imprimait depuis 1714-1715, une contrefaçon de la Gazette d'Amsterdam. Le Vice-Légat s'était inquiété en 1716 de voir une gazette janséniste et protestante paraître en terre pontificale (voir R. Moulinas, L'Imprimerie, la librairie et la presse à Avignon au XVIIIe siècle, P.U.G., 1974, p. 290-293). En imprimant un Supplément, Girou offrait l'antidote avec le poison et pouvait se ménager un utile soutien du côté des Jésuites. C'est peut-être pour dissimuler cette duplicité que l'adresse du Supplément ne mentionne d'abord qu'un de ses parents, Antoine Girou. Le Supplément d'Avignon eut une publication régulière et ne disparut que du fait de la peste en décembre 1721. Mais dès la fin de 1719 était apparu un autre Supplément imprimé à Liège; une lettre de Liège du 30 avril 1721 déclare: «A la réquisition d'Urbain Ancion, imprimeur de la ville, le Consistoire avait déclaré le 17 mars 1720 que c'étoit par la permission du Vicaire Général et la sienne qu'il imprimoit le supplément à la Gazette d'Hollande...» (ex. de Lille, Suite du Supplément d'avril 1721, p. 386). Urbain Ancion avait donc obtenu avant mars 1720 une permission qu'on trouve effectivement mentionnée en février 1720 (p. 173). Le Supplément d'Avignon ne manque pas de signaler, en juillet 1720, cette publication «qui s'imprime fort loin d'Avignon» (p. 190); il ne la dénonce pas mais se contente de noter quelques différences. Ce second Supplément s'imprime à Liège jusqu'en juin; mais les Jésuites rencontrent une forte opposition. En mai 1721, le libraire Barnabé, «dont tout le crime est de s'être servi du privilège qu'il avoit de réimprimer les Supplémens à la Gazette d'Hollande» (Lettres adressées à l'Autheur du Supplément à la Gazette d'Hollande, ex. de Lille, numéro du 1er juin 1721), est attaqué en justice par les religieux d'Orval. Barnabé se défend devant le Consistoire: «Il y a dit aux Jésuites qui en sont, que c'étoient eux qui l'avoient engagé et qui lui avoient fourni les Mémoires. Le P. Stephani lui répliqua: Vous en avez menti. Vous avez diffamé la Maison d'Orval, et vous voulez encore calomnier la Société» (Nouvelles ecclésiastiques, t. I, p. 74, lettre de Liège du 13 juin 1721).
Le Supplément, interdit à Liège, semble avoir eu du mal à trouver, entre Douai, Luxembourg et Bruxelles, un asile stable, et les jansénistes purent croire avoir gagné la partie. Dans une «Lettre écrite à l'Auteur du Supplément à la Gazette d'Hollande, à Grenoble, de premier may 1721», ils dénoncent, dans le style des Provinciales, les auteurs du Supplément, qu'ils supposent composé à Lyon. Le premier responsable du journal aurait été le R.P. Barberin, de la Province de Lyon: «Diable ou Ange, c'est pourtant lui qui pendant plus de deux ans a composé ce Supplément» (ex. de Lyon, 377 580, 1re pièce du recueil, p. 5). Dès décembre 1720, la Société, «craignant les suites du fougueux tempérament de Barberin», l'aurait envoyé à Aix lutter contre la peste; il aurait alors été remplacé par le R.P. André, capucin, qui grâce à l'aide des moines mendiants, aurait organisé le réseau d'information: «il a des correspondans dans toutes les villes du Royaume, et même avec grand nombre de Prélats, Cardinaux, Evêques et Archevêques les plus entêtés de la Constitution» (p. 6). L'auteur de cette lettre est sans doute le R.P. Aillaud, oratorien de Grenoble, connu pour avoir répandu en juin-juillet 1721, des «Dialogues» sur le Supplément; ces «Dialogues» n'ont pas été retrouvés, mais la Lettre du 1er mai 1721 en fait très probablement partie. Une lectrice anonyme devait mettre en doute les affirmations du R.P. Aillaud dans une réponse imprimée (2e pièce du même recueil). Selon elle, il n'y eut pas de Supplément imprimé à Lyon, et l'oratorien aurait méconnu l'existence du Supplément de Liège. Il ne l'ignorait certainement pas, à en juger par ses sources; et l'on a de bonnes raisons de croire qu'il ne se trompait pas en attribuant à une équipe lyonnaise la responsabilité du Supplément. A comparer les diverses collections, on constate que l'information leur est commune pour une bonne part (de 30 à 50%), et que chaque série y ajoute des témoignages régionaux relevant de son aire géographique. Si l'on ajoute à cette observation le fait que les différentes séries ne s'attaquent pas l'une l'autre mais se citent assez souvent, on sera amené à leur attribuer une source et peut-être une direction commune. Cette direction était très probablement lyonnaise, mais les Jésuites ne parvinrent jamais à installer leur journal en France. Ils le tentèrent à la fin de 1721, mais sans succès.
Le Supplément d'Avignon fait allusion à cette tentative le 25 décembre 1721, mais pour démentir aussitôt la nouvelle (p. 358). Aucun exemplaire d'une édition lyonnaise n'a été retrouvé. Camusat écrit cependant, au début de 1722, dans la préface des Mémoires historiques: «On voit un malheureux libelle anathémisé par les puissances ecclésiastiques et séculières, on voit, dis-je, ce malheureux libelle, ce supplément fade et informe se répandre dans tout le royaume et séduire une multitude ignorante». Deux notes précisent qu'il s'agit d'un Supplément à la Gazette de Hollande, et qu'il a été condamné au Parlement de Besançon. La livraison de février des Mémoires historiques signale la chute du journal: «On a enfin surpris en flagrant délit le libraire de Lyon qui imprimoit le calomnieux et extravagant Supplément à la Gazette de Hollande dont les jésuites sont les colporteurs. Le libraire s'appelle Chise et est beau-frère de Bruisset, imprimeurs et agents de la Société» (p. 39). Selon Camusat, les Jésuites auraient tenté de faire renaître leur journal sous le titre de Lettres curieuses (voir ce titre). L'affaire fit du bruit et le R.P. Le Courayer la mentionnait encore, quelques années plus tard, dans sa Relation (t. II, p. 59; G.H., p. 193-194). On peut donc supposer que le Supplément de Lyon fut réellement publié de décembre à janvier. Le Supplément de Bruxelles, lui, vécut encore deux années. Tout ce que purent faire les jansénistes fut, semble-t-il, de publier un faux supplément de Bruxelles, vigoureusement dénoncé par les Jésuites en avril 1722 (ex. B.N., p. 550; ex. Lille, p. 550). En fait, les Jésuites, fermement tenus en bride par les parlementaires gallicans et par le Conseil de Conscience du Régent, ne maintinrent leur présence dans le public que par une guérilla incessante. Nous n'avons sans doute atteint qu'une partie des publications éphémères qu'ils lancèrent sous la Régence (voir les Lettres adressées à l'Auteur du Supplément),pour se défendre d'un ennemi insaisissable et plus dangereux que les protestants eux-mêmes. Les jansénistes ne purent faire mieux que de suivre leur exemple avec les Nouvelles ecclésiastiques; encore mirent-ils beaucoup de temps avant d'atteindre à la même efficacité.
Localisation(s), collections connues, exemplaires rares
A) Ars., 4° H 8905 (nov. 1718-déc. 1721); B.M. Lyon, 377 580 (nov. 1718-déc. 1721); B.M. Grenoble, F 24 588 (deux collections de déc. 1718 à juin 1720 et août 1721).
B) B.M. Lyon, 377 580 (juin 1720-déc. 1721; interfolié avec l'exemplaire d'Avignon); B.M. Lyon, 507 852 et 507 853, deux collections identiques (30 juin 1720-janv. 1722; B.N., G 4312 bis (janv. 1719-janv. 1723); B.M. Lille, 063 427 (avril 1719 -févr. 1723).
Date indexée
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