Dès ses débuts, le J.D. a eu la vie difficile. Avant même sa première parution, le libraire Lambert tenta d'empêcher que celle-ci eut lieu. Le futur journaliste demanda et reçut l'appui de la duchesse de Chevreuse auprès de Malesherbes (f. fr. 22134, f° 162, 165).
Une des raisons pour que Campigneulles abandonnât vite la tâche qu'il s'était donnée, résidait dans le combat que livrait le Mercure contre ce supposé concurrent. Il en fait mention dans sa deuxième livraison (p. 61), et en avril on l'oblige à supprimer la plupart des pièces fugitives (p. 92).
Un successeur courageux fut trouvé dans la personne de La Louptière, présenté par Campigneulles à Malesherbes le 26 octobre 1760 (f. fr. 22134, f° 164). Lui aussi a dû attendre quelques mois; c'est que le censeur La Garde, toujours pour protéger le Mercure, refusait de s'occuper du J.D. (f. fr. 22134, f° 163). Ensuite la propagande faite par La Louptière pour «l'émulation des femmes» eut tant de succès qu'une de ses collaboratrices reprit la direction.
Madame de Beaumer, ainsi que les deux autres journalistes femmes détournèrent quelque peu le J.D. de sa vocation originelle. Les trois femmes partaient, comme on l'a vu plus haut, d'un point de vue qu'on pourrait qualifier de «féministe». Cependant, aucune des trois ne semble avoir eu la carrière journalistique bien facile.
Madame de Beaumer, tout en s'adressant à un public féminin, lance en même temps un défi aux hommes: «C'est vous, Messieurs, que nous prenons pour modèles [...] Mon Journal applaudi par vous est toute la fortune que je lui ambitionne» (mars 1763, p. 199). A cause de son attitude Madame de Beaumer a été plusieurs fois en conflit avec la censure; elle a vu une des livraisons (celle de mars 1762) mutilée de 12 p., après quoi elle aurait été obligée par Malesherbes de se faire remplacer temporairement par le jeune Rozoi (Gelbart, p. 96). En effet celui-ci signe (à l'encre) les numéros d'avril-septembre 1762. Madame de Beaumer se plaint de cette reprise de pouvoir dans une lettre aux souscripteurs (mars 1763, p. 306-309).
Madame de Maisonneuve, bien que présentant elle-même son journal au Roi le 21 juin 1765, a préféré après peu de temps en laisser la rédaction à deux hommes. Ce sont eux, Mathon de La Cour et Sautreau de Marsy, qui arrivent plus ou moins à «relever» cet ouvrage «décrié» (janv. 1765, p. 6); ils adoptent une formule très stricte, qui donne une impression de professionnalité. Le moment du passage de la rédactrice aux deux rédacteurs est difficile à établir. Le manuscrit historique daté de 1769 (f. fr. 22085, f° 10), qui mentionne le contrat entre Mathon et Madame de Maisonneuve, n'en donne pas la date, mais affirme que la dame «fit seule cet ouvrage pendant trois ans», ce qui signifierait; jusqu'en 1766. Un Avis dans le J.D. de décembre 1765 indique que le journal «vient de passer sous une nouvelle régie». La date de juin 1764 est celle à laquelle les auteurs référeront plus tard (Van Dijk, p. 145). Ce sont ces deux hommes, qui en fait éloignent le J.D. du public féminin et préparent la voie à une certaine mentalité «frondeuse» (Gelbart) qu'on y retrouvera plus tard. Leurs contacts ont pu provoquer la suppression «par des ordres supérieurs», dont parle l'annonce de la vente des années 1764-1768 (f. fr. 22085, f° 9; Gelbart, p. 168). La date exacte et la raison de la suppression ne sont pas connues. Il existe peut-être un lien avec le contenu du numéro d'août 1768, dont le pamphlet d'Edme dit que c'était le dernier numéro paru.
Après les années Maupeou, Madame de Princen ressuscite le J.D. grâce à une protection royale. Tout en réussissant mieux que les deux autres femmes, elle non plus ne continue pas longtemps ses travaux. Sa santé étant affaiblie «par un travail trop assidu» (avril 1775, p. 138), et apparemment gagnée aux idées de Mercier (Gelbart, p. 202), elle lui laissa assez rapidement le privilège. Mercier change encore la direction du J.D. Ce n'est pas qu'il ne s'intéressait pas à la question féminine, mais en premier lieu, il s'est approprié le J.D. pour s'en servir comme arme dans les combats qui étaient déjà les siens, particulièrement celui qu'il livrait contre la Comédie-Française. II se trouve intégré dans un réseau journalistique décrit en détail par N. Gelbart. Après un an et demi, poussé par la censure, il finit pourtant pas se défaire du J.D. Le 19 décembre 1776 il le vend à son ami François-Marie Chalumeau. Celui-ci revend le journal à Dorat.